Début 2007. Talata Cyrille Karfo vient d’être installé comme maire de la commune de Ziou. Le parti au pouvoir, le CDP, a dû faire des promesses, quelques mois plus tôt, aux populations afin qu’elles le votent massivement. Mais six mois après sa prise de fonction, le bourgmestre est rejeté par une partie de ses administrés. Raisons avancées: il aurait détourné des forages destinés aux populations de Guelwongo. Début d’une guerre de tranchées qui continue toujours. Aujourd’hui, le maire de Ziou est déclaré persona non grata à Guelwongo, village placé sous son administration. Séjour dans une zone où notre reporter a failli laisser des plumes…
Quelques heures de route et nous voici à Tiébélé, non loin de Guelwongo. Nous appelons notre contact dans cette localité pour lui annoncer notre arrivée. Et voici le jeune homme, un étudiant, qui arrive sur une grosse moto. Salutations et notre «guide» essaie en quelques minutes de nous mettre dans le bain. C’est très simple. La crise à Guelwongo n’oppose pas seulement les habitants au maire de la commune. Elle oppose aussi les populations de la zone. Il y a en fait deux camps à Guelwongo: le camp des «rebelles» (partie opposée au maire) et le camp des «Guelwongo- Ziou» (ceux qui disent être pour le respect de la loi et donc qui affirment soutenir le maire). Le jeune homme aura donc pour mission de nous faire entrer à Guelwongo et nous mettre en contact avec chacun des groupes. Nous, à notre tour, devrons tout mettre en œuvre afin qu’aucun d’eux ne sache qu’on a rencontré l’autre. Après ces petites mises au point, nous sommes en route. Près d’une heure de trajet, et voici Guelwongo qui se dresse devant nous.
13h45 mn. Nous sommes devant la porte de Tanga Jérémie Sia. Notre hôte fait partie du groupe des «rebelles». L’homme nous accueille à bras ouverts. Nous lui donnons l’objet de notre visite. Sa première phrase est la suivante: «En tout cas, vous ne nous ferez pas plus de mal que le maire. J’espère seulement que vous nous aiderez à résoudre ce problème».
Quid de la crise à Guelwongo?
Tout commence en janvier 2007. Des agents du Fonds de l’eau et de l’équipement rural (FEER) en visite à Guelwongo annoncent aux populations que leur commune bénéficiera de 15 forages. Le problème d’eau y est crucial. En mai 2007, le maire, Cyrille Talata Karfo, réunit ses conseillers lors d’une réunion. Abordant la question des forages, il leur annonce que la commune bénéficie de 10 forages. Indignation de nombre de conseillers qui ne comprennent pas pourquoi il est prévu si peu de forages. Plus tard, les populations informées s’organisent et commencent des démarches pour se faire restituer leurs forages. Quelques mois plus tard, le maire finit par lâcher prise et leur rend les cinq forages qui manquaient. Ensuite, déclenche une autre crise: des centaines de cultivateurs de Guelwongo sont chassés de leurs champs à Ziou. Selon les habitants de Guelwongo, c’est un coup monté par le maire Talata Karfo pour se venger des populations après l’échec dans le détournement des forages. D’autres crises non moins graves suivront.
28 juin 2008. L’arrivée du maire dans le village de Toungou est annoncée. Les populations de Guelwongo et Toungou sortent pour manifester leur opposition à cette visite du premier responsable de la commune dans leur zone. Quelques jours plus tard, une trentaine de manifestants issus de Guelwongo et Toungou sont interpellés. L’audience est programmée pour le 25 février 2009. Le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Manga condamne sept habitants de Guelwongo (sur la trentaine interpellée) à six mois d'emprisonnement ferme pour destruction de biens publics. Cette décision occasionne sur-le-champ une vive protestation des populations venues de Guelwongo et oblige le président du tribunal à suspendre l'audience. Le lendemain 26 février 2009, les vieux de Guelwongo forment une délégation de cinq personnes pour aller présenter leurs excuses «au nom du village», au procureur, pour grabuge suite au verdict. Mais le procureur étant absent. Les excuses sont alors présentées au substitut qui leur promet d’en informer le procureur. La suite ? Procédure d’appel, constitution d’avocat… Le 11 mars 2009, trois des 5 personnes (Gourgué Sia, Tanga Sia et Yagobouno Sia) qui avaient formé la délégation pour aller présenter les excuses de la population de Guelwongo au procureur sont condamnées à six mois d'emprisonnement ferme et à une amende de 500 mille francs par le TGI de Manga, pour avoir protesté contre une décision rendue par la justice. Tous les trois comparaissaient pour «outrage contre les dépositaires de l'autorité publique». Les trois condamnés de ce mercredi sont, selon le procureur Ahmidou Banhoro, ceux qui se sont fait le plus remarquer par leurs actes, gestes et «propos de nature à jeter un discrédit sur une décision de justice». Maître Marcellin Somé, l’avocat des trois prévenus, n’influera pas sur le verdict. La salle était quasiment vide, car l'accès n'était autorisé que sur présentation d'une convocation signée par le procureur.
Rencontre avec le «camp Guelwongo-Ziou»
Au sortir de notre entretien avec Sia Tanga Jérémie, nous sommes informés que les sages du village souhaitent nous rencontrer. Mais avant, nous comptons voir l’autre camp dit «favorable au maire». Le jeune étudiant qui nous servait de guide signale qu’il ne peut pas aller plus loin... par peur d’être menacé plus tard. Il nous conseille d’aller au marché et de demander à voir deux hommes dès que nous arriverons au niveau de la première buvette située à notre droite. Nous décidons donc de poursuivre le chemin sans notre guide.
C’est jour de marché aujourd’hui à Guelwongo. Nous nous dépêchons donc de suivre le groupe de femmes qui est à quelques mètres de nous. Quelques minutes de marche, et nous voilà au marché. Première buvette à droite… nous y voilà. On aperçoit un groupe composé d’une vingtaine de personnes, jeunes et personnes âgées. Un petit bonsoir et tous les regards se tournent vers nous. Ils répondent dans la langue locale et attendent d’être situés sur l’objet de notre visite. On nous regarde avec une certaine méfiance… Des regards qui questionnent. Après une brève présentation, nous demandons à rencontrer deux hommes: Sia Pascal Nionka, conseiller du village et Nabiré Mathias, un de ses proches. Un des joueurs de carte se lève aussitôt et se dirige vers nous. «C’est moi Nabiré Mathias», dit-il dans un français approximatif. Notre interlocuteur nous demande de le suivre, car il trouve qu’il n’est pas la personne habilitée à nous donner l’information que nous voulons. Quelques minutes de marche, de bifurcations entre quelques unes de ces vieilles maisons en banco qui trônent dans la ville, et nous arrivons devant un homme portant un chapeau de cow-boy. Il a plus de la cinquantaine. Il est assis, adossé à un mur et est en train de préparer du thé. Nabiré Mathias, l’homme qui nous a accompagnés sur les lieux s’empresse de faire les présentations. Notre hôte nous demande de nous asseoir, et nous sert du thé, une façon de nous dire que nous sommes le bienvenu. Il en profite pour demander à Nabiré Mathias de regrouper tous ceux qui ont quelque chose à dire… et surtout un très bon traducteur. Nabiré Mathias prend aussitôt congé de nous. Avec le vieux Nionka, nous essayons tant bien que mal d’échanger quelques mots. En français, c’est impossible ; alors, nous tentons en mooré. Nous nous comprenons tant bien que mal.
16h35. Autour de nous, il y a une dizaine de personnes, jeunes, pour la plupart. Encore un petit moment de présentation et quelques petites plaisanteries avec le traducteur et nous décidons de nous jeter à l’eau. Nous commençons par présenter notre carte d’identité puis notre carte de presse. Le traducteur y jette un coup d’œil et les passe à ceux qui peuvent les lire ou nous reconnaître sur la photo. Le vieux Nionka, lui, reste toujours méfiant. C’est lui qui commence à poser les questions. Il les pose au traducteur dans leur langue. Celui-ci se retourne vers nous et fait un résumé de ce que le «vieux» aimerait savoir : «Le vieux demande comment tu as fait pour avoir son nom et pour voir Nabiré. Il demande aussi si tu as rencontré des personnes avant nous; il veut parler de l’autre camp». «Nous avons eu vos noms lors du procès à Manga et nous n’avons vu personne d’autre avant vous», nous empressons-nous de répondre. Le traducteur fait le point au vieil homme. Des sourires se lisent sur les visages et l’interview commence. Une interview atypique. Le vieux Nionka n’est pas toujours seul à parler. Chacune de ses phrases est revue et corrigée par les autres avant d’être traduite en français. On l’arrête quelquefois afin qu’il rectifie le tir. En face de nous, a pris place, il y a quelques instants, un jeune ayant une taille imposante. Il se nomme Sia Gabriel. C’est l’un des responsables des jeunes de la région. Il commence par demander aux autres si nous leur avons présenté nos «papiers». Nous les lui tendons donc. Il les prend, nous fixe longuement, regarde la photo sur le passeport et nous tend les documents. A peine nous a-t-il remis le passeport qu’il se met à suivre tous nos mouvements. Un peu froid au dos, mais nous n’avons rien à craindre. Une heure d’entretien. Le vieux Nionka demande ensuite à Gabriel Sia de nous faire visiter la zone et de nous accompagner à la gare aussitôt que nous aurons terminé. Le jeune homme nous invite à le suivre. Il nous signale que dès que nous aurons fini, nous prendrons le premier véhicule en partance pour Pô ou Ouaga. Une façon pour eux d’éviter que nous ne rentrions en contact avec l’autre camp, le camp des «rebelles». Est-ce à dire que notre rendez-vous avec les sages est annulé? Il n’était donc pas question de rentrer sans avoir rencontré les intéressés, mais il fallait jouer le jeu du camp «Guelwongo- Ziou». Faire semblant de repartir à Ouaga dès que la visite est terminée. Gabriel Sia nous fait faire le tour du marché. Il est apparemment très connu. On le salue de partout.
Un grand tour du marché. Et la familiarité commence à naître entre Gabriel Sia et nous. La confiance commence à s’installer. Il nous invite à faire un tour au Ghana. Nous ne déclinons pas sa proposition. Il négocie une moto à quelques pas de nous dans un maquis et nous démarrons à vive allure pour la frontière. Juste cinq minutes de parcours et nous y voilà. Nous saluons les gardes ghanéens postés à la frontière. Et nous traversons la ligne séparant les deux pays. Nous jetons un coup d’œil à gauche et à droite et Gabriel décide que nous rentrions au Burkina. Il ne demande pas notre avis sur la suite de notre mission. Il nous conduit directement à la gare. Aussitôt arrivés, il commence à négocier avec le premier chauffeur qu’il rencontre. «C’est ok, vous pouvez monter», nous signale-t-il. Nous déclinons l’offre de la façon la plus simple possible: «J’ai appelé un ami qui passera me chercher ici avec son véhicule». Gabriel n’y voit pas d’inconvénient: «Ok, nous allons donc l’attendre à l’auberge; c’est un coin très connu ici. Dis-lui de te retrouver à l’auberge de Guelwongo». Nous simulons donc un appel et nous dépêchons de dire à notre accompagnant que le message était bien passé. En signe de reconnaissance pour ce que nous sommes en train de faire pour son village, Gabriel nous invite à rendre visite à sa mère, une femme âgée de la cinquantaine et vendeuse de tubercules. De brèves présentations à sa mère, et le jeune homme nous propose d’emporter des tubercules pour «madame». Il empoigne lesdites tubercules et nous allons prendre place à l’auberge de Guelwongo. Une grande cour dans l’obscurité totale. Le jeune homme nous explique que le groupe électrogène est en panne. Nous décidons donc de prendre une bière en attendant que notre prétendu ami vienne nous chercher. Voilà trois heures de temps que nous attendons à l’auberge. Gabriel attend de voir notre fameux ami avant de prendre congé de nous. Nous, de notre côté, attendons que Gabriel s’en aille afin que nous puissions rencontrer les vieux du village. Mais, peine perdue, Gabriel est décidé à attendre,… Pas question de nous laisser seul et nous donner l’occasion de rencontrer d’autres personnes.
Séance de chasse à l’homme
20h30. Toujours pas de véhicule en vue. Gabriel se lève pour aller aux toilettes. A peine m’a-t-il tourné dos qu’un jeune homme vient nous souffler un mot à l’oreille : «Les vieux vous attendent depuis 17h». Gabriel, qui dominait le mur de sa taille, lui, a eu le temps de voir le jeune homme nous approcher. Dès que sorti des toilettes, il nous demande ce que le jeune homme est venu chercher à nos côtés. «Il est venu demander si nous sommes originaire de la zone», m’empressai-je de répondre. «Ah non, c’est bizarre ça…», répond-il. Il devient aussitôt songeur. Quelques instants plus tard, mon portable sonne. C’est Sia Tanga Jérémie en ligne : « Monsieur, vous n’avez pas encore fini? Les vieux vous attendent depuis… Je vous attends à la porte. Sortez, je suis à droite dans l’obscurité». Nous nous levons et nous dirigeons vers la porte. Gabriel, désormais méfiant, nous suit. Il ne nous lâchera pas de si tôt. Il vient de se rendre compte que l’autre camp voulait nous rencontrer. Il décide donc de mettre tous les moyens à sa disposition pour éviter cela. A la porte, nous apercevons Sia Tanga Jérémie dans l’obscurité, à quelques mètres de nous. Mais il faut éviter que lui et Gabriel se rencontrent. Il nous faut également tout mettre en œuvre afin de pouvoir rencontrer tous ceux qui ont quelque chose à dire. Alors, nous essayons une autre stratégie : «Monsieur Sia, le véhicule de notre ami est tombé en panne à Zecco (village situé à environ cinq km de Guelwongo). Pouvez-vous nous y déposer ?». Le plan était tout simple. Sia Gabriel nous dépose à Zecco, et dès qu’il nous tournera le dos, nous retournerons à Guelwongo pour finaliser notre dossier. Le jeune homme appelle un des jeunes du village et lui demande de nous déposer à Zecco. Tout marche comme sur des roulettes, commençons-nous à nous dire… mais ce n’était que partie remise. Nous voici assis sur l’engin. Le jeune homme le démarre. Aussitôt, un phare s’allume dans l’obscurité, à quelques pas de nous. C’est Sia Tanga Jérémie qui démarre son engin pour nous suivre et nous ramener dès que l’envoyé de Gabriel nous aura tourné dos. Gabriel Sia ayant découvert ce qui se tramait, s’empresse d’enfourcher une moto, lui aussi. Et se lance à notre poursuite. Séance de chasse à l’homme. Sia Tanga Jérémie, s’étant rendu compte du fait qu’il était suivi décide de rebrousser chemin. Une dizaine de minutes, et nous voici à Zecco. Pas de véhicule ici. Gabriel qui arrive sur les lieux quelques minutes après semble très nerveux. Il nous pose la question suivante : «Où est la voiture qui devait venir vous chercher ? Vous disiez qu’elle était en panne à Zecco non?». Il n’attendra pas notre réponse. Il nous demande de prendre place sur sa moto. Ce que nous faisons sans rechigner. Le jeune homme démarre l’engin, prend le chemin de retour et soudain, il tourne à gauche, gare la moto et demande que nous l’attendions sous le grand arbre qui se dresse au bord de la voie. Nous sommes devant un commissariat.
2h au commissariat de Zecco
Cela fait plus d’une quinzaine de minutes que nous attendons Gabriel Sia sous l’arbre. Nous sommes attirés par les bribes de phrases que nous entendons à quelques pas de nous. Gabriel venait tout juste de nous livrer à la police de Zecco pour «espionnage». Deux minutes plus tard, le jeune homme revient vers nous et dit tout tranquillement : «Le commissaire demande à vous voir». Nous ne refusons pas cette invitation. C’est un commissaire de police tout souriant qui nous accueille. Nous commençons par lui présenter notre carte de presse et notre passeport. Le commissaire se retourne vers le plaignant et deux autres jeunes qui l’avaient rejoint au commissariat et leur dit tout calmement : «Monsieur Dabilougou est bel et bien journaliste. Ce n’est pas un espion». Gabriel Sia, tout furieux, contre-attaque : « Ok, commissaire; mais il y a des choses qu’on ne comprend pas… Il est louche… et où se trouve la voiture qui devait passer le chercher?». Une question que le commissaire nous retourne aussitôt. Devrions-nous mentir à l’autorité? Non! Alors, nous demandons à rencontrer le commissaire à huis clos pour lui présenter la situation. Le commissaire demande à Gabriel et ses deux camarades de prendre congé de nous. Une trentaine de minutes suffiront pour éclairer le commissaire de police. «Je conclue donc, monsieur Dabilougou, que la voiture n’a jamais existé et que vous avez été séquestré par des gens qui ne vous permettent pas de faire votre travail», finira par dire le commissaire. « Oui, commissaire, la voiture n’a jamais existé,… mais le mot séquestré me paraît un peu trop fort. Je dirais qu’il ne veulent pas me laisser faire mon travail de journaliste». «Que comptez-vous faire maintenant ? Repartir à Ouaga ou continuer votre travail ?», continue-t-il. Notre réponse est simple : « Nous comptons rentrer le plus vite possible, mais pas sans avoir rencontré les vieux du village». Le commissaire rappelle Gabriel et ses camarades, essaie de les calmer, les informe que nous faisions notre travail de journaliste et que cela n’avait rien d’un crime. Il leur demande donc de rejoindre tranquillement leur domicile.
1h35 du matin. Gabriel Sia et ses camarades se décident enfin à rentrer à Guelwongo. Nous échangeons quelques temps avec le commissaire et nous décidons nous également de prendre congé de lui… pas pour rentrer à Ouaga, mais pour rencontrer ces vieux qui tiennent tant à parler. Nous retournons à Guelwongo. 2h42 mn, nous sommes devant la cour du vieux Saaga Zobidé, l’un des plus âgés de Guelwongo. Et notre mission continue… (voir encadrés)
Alain S. DABILOUGOU, Envoyé spécial
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«Dans quel pays enferme-t-on des gens parce qu’ils ont demandé pardon?»
Saaga Zobidé, vieux sage de Guelwongo: «Je suis prêt à parler et mourir après. Cette terre appartient à mes ancêtres. Ils étaient en de bons termes avec les populations de Ziou. Dans l’ancien temps, nous relevions tous de Léo. Après Léo, c’était Pô et ensuite, Tiébélé. C’est de Tiébélé que nous avons été rattachés à Ziou. Ce sont nos parents qui ont tout mis en œuvre pour installer la préfecture à Ziou. Et aujourd’hui, Ziou ne nous considère plus. On nous a demandé de voter le maire qui est là présentement. Nous l’avons fait. Mais quand nous l’avons voté, (il soupire)… il a commencé d’abord par chasser tous les collecteurs du marché de bétails. Il a ensuite amené des gens de Ziou et des conseillers pour faire la collecte à la place des personnes qu’il a chassées. Nous n’avons rien dit. On nous a offert plus tard des forages. Il en a détourné 5. On s’est rendu compte qu’il a offert un des forages à un conseiller et il voulait vendre les 4 autres aux peuhls vivant vers Ziou. Nous avons donc vu qu’il voulait notre mort, parce que si une personne refuse de te donner à boire, c’est qu’elle veut ta mort. Nous avons décidé de lutter pour entrer en possession de notre forage. Et Dieu nous a aidés. Grâce à l’intervention du haut-commissaire, les forages ont été restitués. Ensuite, le maire a fait chasser plus de 100 ressortissants de Guelwongo de leurs champs à Ziou. Certains d’entre eux sont allés s’installer en Côte d’Ivoire, d’autres sont au Ghana. Nous ne voulons plus de ce maire. Ils ont enfermé des pères de famille et des enfants de Guelwongo. C’est pour cela qu’il y a eu du bruit à Manga. A notre retour de Manga, nous avons fait une délégation pour aller demander pardon au procureur. On a enfermé des personnes de cette délégation. Dans quel pays on enferme les gens parce qu’ils demandent des excuses? Le maire et ses conseillers de Guelwongo ont dit qu’ils feront tout pour nous faire souffrir. Nous n’accepterons jamais plus ce maire. Je préfère mourir que d’accepter cela».
Propos recueillis par A.D
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«On ne peut pas faire du mal à une personne et lui interdire de pleurer»
Pierre Sya, ressortissant de Guelwongo vivant à Pô: «Nous voulons que le gouvernement mette tout en œuvre pour résoudre ce problème. Tout le monde sait que ça ne va pas chez nous. Notre chef de terre a été arrêté. Chez nous, c’est interdit d’arrêter un chef de terre. C’est lui qui s’occupe des sacrifices du village. Si on l’arrête, qu’est-ce qu’on deviendra ? Les gens ont manifesté à Manga parce qu’ils n’étaient pas contents. On ne peut pas faire du mal à une personne et lui interdire de pleurer. J’aimerais qu’à travers votre journal, les Burkinabè sachent ce qui se passe vraiment en pays Fra-fra. Il faut que le gouvernement songe à résoudre ce problème. Nous avons envoyé des ressortissants de notre village pour demander des excuses au procureur pour le bruit que nos frères ont fait après le verdict. On les a enfermés également. Enfermer ne résoudra pas ce problème. A cette allure, les choses s’aggraveront».
Propos recueillis par A.D
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TANGA JEREMIE SIA, RESPONSABLE DES JEUNES DE GUELWONGO
«Le maire a détourné des forages»
Dans cet entretien, Tanga Jérémie Sia, responsable des jeunes à Guelwongo, explique les causes de la tension entre le maire Cyrille Talata Karfo et les populations de Guelwongo et persiste et signe que le divorce est consommé.
«Le Reporter»: Pourquoi un tel acharnement contre le maire de votre commune?
Tanga Jérémie Sya: Nous ne sommes contre personne. C’est le développement de la localité que nous visons. Quand le maire a pris service, il a nommé des conseillers comme collecteurs de taxes au marché. La population s’y est opposée. Durant deux mois, il n’y avait plus de collecte communale à Guelwongo. Après l’intervention du haut-commissaire, nous avons relancé les activités de collecte. En fait, le problème a commencé avec le détournement de forages par le maire. Le problème d’eau est vraiment crucial dans notre village. Nous avons été surpris et consternés de voir que lors de la répartition, le maire a détourné 5 forages. Il a boycotté l’ouverture de notre Centre de santé et de promotion sociale (CSPS). Nous avons demandé au haut-commissaire d’installer un bureau secondaire pour les états civils à Guelwongo, et cela, en attendant la fin du mandat du maire. Nous avions construit un bâtiment depuis 1985. C’est ce bâtiment qui devait servir de locaux. Le maire a préféré louer la maison d’un de ses amis à raison de 20 000 F CFA par mois pour installer ledit bureau. Après cette crise, il a monté les populations de Ziou contre nous. Ziou est le village du maire et le chef-lieu de la commune. Guelwongo relève de Ziou. Au début de la saison des pluies 2008, il a fait chasser les cultivateurs de Guelwongo de leurs champs à Ziou. Ces personnes y cultivaient depuis une trentaine d’années. Ils étaient en tout 117 personnes. Aujourd’hui, une centaine de ces personnes est allée au Ghana pour avoir de quoi vivre. Cette action nous a beaucoup marqués. Il voulait nous affamer. C’est ce qui a fait naître la haine contre lui au niveau des populations. La population a donc dit qu’elle ne voulait plus de lui. Depuis ce moment, le maire, voyant qu’il perdait du terrain, a voulu se venger. Il mettait tout en œuvre afin que nous fassions des erreurs. Il a aussi fait emprisonner certains de nos frères pour se venger après toutes ses défaites.
Ces habitants de Guelwongo ont été arrêtés après avoir fait, dit-on, des casses à Toungou…
Voyant qu’il n’arrivait pas à nous faire plier, le maire a utilisé une autre stratégie: créer une crise entre notre village et Toungou, deux villages frères depuis leur création. Il est passé par des traîtres, des gens de Guelwongo pour pouvoir créer cette crise. Nous avons protesté contre cela par écrit. Et nous avons envoyé une délégation rencontrer les autorités pour dire que nous étions contre le fait que le bureau secondaire soit installé à Toungou. Nous avons attendu jusqu’au jour «J», mais il n’y avait pas de réaction. Le maire avait décidé d’installer ledit bureau dans une cantine de Toungou. Les populations de Toungou et Guelwongo se sont réunis pour dire non. Nous avons dit que nous ne voulions pas voir le maire. C’était le 28 février 2008 à Toungou. Il n’y a pas eu de casse ce jour-là. Et le maire est passé par deux conseillers, Sia Kougré et Sia Jean pour arriver à atteindre ses objectifs.
Vous certifiez donc qu’il n’y a pas eu de casse ce jour-là?
C’était un mouvement de foule. On ne peut pas gérer une foule. Et ce jour-là, je n’étais pas sur les lieux. Je n’étais pas à Guelwongo. On m’a dit que le maire n’a pas pu venir. La population s’en est prise aux deux conseillers traîtres. La gendarmerie les a protégés. Suite à cela, certaines personnes ont été convoquées. Au nombre de ces personnes, il y en avait qui n’étaient même pas présents à la manifestation de Toungou.
Qui les a convoquées ?
Je crois que c’est le maire qui les a convoquées au commissariat de Ziou. Ce qui nous a le plus touché, c’est le fait qu’au lieu de chercher à résoudre le problème, le maire cherche plutôt à faire enfermer des gens. Les gens disent qu’on est contre telle ou telle autre personne… mais nous ne sommes contre personne.
Vous a-t-on dit pourquoi ces personnes ont été emprisonnées?
Pour destruction de biens.
Ces personnes ont détruit oui ou non?
(Il hésite d’abord) Bon, ce ne sont pas eux qui ont détruit.
Il y a donc eu destruction…
Ce ne sont pas eux qui ont détruit. C’est toute la population qui était sur les lieux. Je crois que c’est un règlement de comptes. Ceux qui ont été emprisonnés n’ont rien fait. Ce sont eux qui calmaient la foule le jour de la manifestation à Toungou. Ce sont les enfants qui ont lancé des cailloux sur les toits des deux conseillers à la solde du maire, le 28 février 2007. Ce qui nous a révoltés, c’est le fait que le maire fasse exclure des habitants de Guelwongo de leurs champs.
Avez-vous des preuves que ces cultivateurs ont été chassés de leurs champs?
Certains habitants de Ziou nous l’ont dit indirectement. Ils disent que le maire leur a signifié qu’on leur interdisait de collecter l’impôt à Guelwongo et que eux à leur tour, devaient refuser que les gens de Guelwongo cultivent sur leurs terres. Les populations de Ziou ont donc demandé aux ressortissants de Guelwongo de quitter les champs. Vous savez, chaque peuple a ses coutumes. Dans les nôtres, si le chef de terre dépose des tiges d’arbre à épines sur ton toit, c’est pour te signifier que si tu y entres, tu ne sortiras pas vivant. Si c’est dans ton champ, c’est pour te dire que si tu y cultives, ta vie est en danger. Tu dois donc partir comme tu es arrivé. Depuis ce moment, nous avons dit au maire que nous ne voulions plus le voir chez nous ici.
Quelles relations entretenez-vous aujourd’hui avec les populations de Ziou?
Il n’y a plus de relations entre nous depuis mai 2007. Et cela est lié au maire. La raison est simple: les populations de Ziou se sont laissées instrumentaliser par le maire en chassant nos cultivateurs de leurs terres.
Propos recueillis par A.D.
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NIONKA PASCAL SIA, CONSEILLER A GUELWONGO
«Si nous avions agi comme eux, il y aurait eu des morts»
Nous avons tenté en vain d’avoir la version du maire. Mais nous avons pu rencontrer l’un des conseillers de Guelwongo, Nionka Pascal Sia. Pour beaucoup, il est partisan du bourgmestre de Ziou. Dans cette interview, il rejette en bloc les arguments des «adversaires» du premier responsable de la commune.
«Le Reporter» : Certains habitants de Guelwongo sont incarcérés pour avoir mené des actions contre le maire. Que pensez-vous de ces différentes arrestations?
Nionka Pascal Sia : Au début de la lutte, nous étions partants pour le bras de fer avec le maire. Il voulait réduire le nombre de forages qu’on a acquis. Mais après, vu l’allure que cela prenait, nous nous sommes retirés du lot. C’est la casse à Toungou qui a tout gâté. Ce sont des voyous qui ont manigancé cela. Ce n’est pas la population de Guelwongo qui a manifesté à Toungou. Nous, nous sommes pour l’application de la loi. Ceux qui ont cassé vont subir le sort qui leur est réservé. Nous, nous voulons que notre village se développe, mais pas de cette façon. Le maire devait venir célébrer un mariage à Toungou ce jour-là, et les gens ont tout cassé pour éviter qu’il s’y rende. Mais c’est fini tout ça; le maire peut venir ici, sans problème. Il nous a remis les forages. C’est fini.
Est-il vrai que le maire a fait chasser des paysans de Guelwongo de leurs champs à Ziou?
Le maire ne les a pas chassés. Ils ont été déguerpis parce qu’une voie principale devait passer sur le terrain occupé par leurs champs. Et la zone a été choisie comme forêt classée. J’avais mon champ là-bas. C’est la forêt qui a occupé leurs champs; ce n’est pas le maire qui les a chassés. Et certains habitants de Guelwongo y cultivent actuellement.
Ne croyez-vous pas qu’une crise pareille peut jouer sur le développement de la commune ?
Qui va se mettre devant pour se créer des problèmes? Aujourd’hui, nous avons peur de rassembler les gens pour parler de ce sujet. On a affiché des lettres de menace à la porte de certains d’entre nous. Et notre village est aujourd’hui sans chef, sans dirigeant.
Vous voulez dire qu’il y a deux camps ici?
Oui, il y a deux camps. Nous qui voulons suivre la loi sommes appelés les Guelwongo-Ziou et l’autre camp, ceux qui sont contre le maire, ce sont «les rebelles».
Vous parliez tantôt de peur. Certains d’entre vous auraient-ils reçu des menaces?
Nous avons plusieurs fois reçu des menaces de mort. On a demandé à certains d’entre nous de quitter le camp Guelwongo- Ziou. On a déposé des plaintes dans des commissariats. Beaucoup d’autres personnes de notre groupe ont été menacées.
Qu’attendez-vous du pouvoir en place aujourd’hui?
Il faut que l’autre camp sache que la méthode qu’elle utilise n’est pas la meilleure. Si nous voulions agir comme eux, il y aurait eu des morts. Nous, nous suivons la loi. S’ils reviennent à la raison, nous sommes prêts à nous réconcilier avec eux. Ils ont bloqué toutes les initiatives du maire. Jour et nuit, nous ne faisons que pleurer. Notre village n’avance pas. Nous avons demandé au maire de venir ouvrir un bureau secondaire ici. Quand le maire est venu pour installer le bureau, les «rebelles» s’y sont opposés.
Propos recueillis par A.D.
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Lettre au MATD et au ministère de la Sécurité
Messieurs les ministres,
Ce qui se passe dans la commune de Ziou est grave. Le climat est très tendu et la crise qui s’accentue de plus en plus, peut tourner au drame d’un moment à un autre. Il importe donc de prendre des dispositions urgentes et adéquates avant qu’il ne soit trop tard. Il faut éviter à tout prix des pertes en vies humaines. Souvenez-vous, des situations de ce type, notamment des conflits latents entre agriculteurs et éleveurs, avaient dégénéré et provoqué des morts. Pourtant, dans la plupart des cas, la presse avait attiré l’attention des autorités compétentes sur ces situations cruciales. Mais ces dernières étaient restées inactives, baignant dans un silence complice, jusqu’à ce que les choses se gâtent. Cette fois, c’est toute une commune qui vit sous haute tension. Et si jamais ça éclate…
Nous venons par la présente vous demander d’agir vite pour éviter le pire.
Dans l’attente d’une suite favorable, veuillez agréer, messieurs, l’expression de nos sentiments distingués.
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