dimanche 23 août 2009

FONDS DE DEVELOPPEMENT DE L’ELECTRIFICATION: Le sale boulot!

Il se passe des choses suspectes au Fonds de développement de l’électrification (FDE). La procédure de passation de certains marchés est assez floue. Mais il n’y a pas que cela: la plupart des entreprises ne respectent pas les délais contractuels. Souvent, plus de 22 mois de retard! Leur sport favori tient en une phrase: «Nous réitérons une fois de plus nos sincères regrets pour ce grand retard». Ici, au FDE, on semble avoir peur de résilier certains marchés. «Si vous résiliez, la procédure de reprise est trop longue, ça coute cher et aucune autre entreprise ne voudra postuler», affirme la directrice générale, Marie Blanche Bado. Ainsi, les entreprises fautives continuent de poser des actes cacophoniques, en toute impunité. Tant pis pour les délais contractuels! Pourtant, chaque année, le FDE investit, grâce aux bailleurs de fonds et aux contribuables burkinabè, des milliards de FCFA pour l’électrification rurale. On se demande finalement si cet argent est bien géré…

27 novembre 2008. La directrice du FDE ordonne à l’entreprise EGO Energie de commencer la construction du système d’électrification des localités de Touya, Pellah, Goutoula, Tougué et Tangaye. C’est un marché de 104 875 478 FCFA. L’argent doit être viré par tranches dans le compte bancaire N° 05983030166-21, ouvert au nom de l’intéressé à la Banque régionale de solidarité. L’ordre de service, signé le 27 novembre, précise que «la date du 1er décembre 2008 est retenue comme date de début d’exécution effective des prestations». Et que les délais contractuels «commencent à courir à partir de cette date». Marie Blanche Bado a été claire: délai d’exécution, trois mois. Mais trois mois après, le projet n’avait pas décollé! Il y a eu des couacs, et non des moindres. Janvier 2009. On découvre qu’il y a eu de graves irrégularités dans l’attribution du marché. «Certaines pièces ne figuraient pas dans le dossier d’appel d’offres», confie-t-on au ministère de l’Energie, des Mines et des Carrières. Pourtant, elles font partie des clauses obligatoires, permettant de valider le marché. La directrice du Fonds est du coup embarrassée. Et les cartes commencent à se brouiller. Il reste moins de deux mois pour la livraison des infrastructures. Et voilà que la machine s’est grippée. Des rumeurs commencent à circuler, évoquant notamment une certaine complicité entre la directrice et l’entrepreneur pour, dit-on, «bouffer l’argent». Mais Marie Blanche Bado tente de sauver les meubles. Le 18 mars 2009, elle signe un autre ordre de service. Même objet: construction du système d’électrification rurale décentralisé des localités de Touya, Pellah, Goutoula, Tougué et Tangaye. Même montant aussi: 104 875 478 FCFA. Mais cette fois, le délai d’exécution est passé de trois mois à deux mois et demi. La directrice précise que le début d’exécution effective des prestations est fixé au 18 mars 2009. Les délais contractuels prennent aussi effet à partir de cette date. Mais l’entrepreneur n’a pas respecté cette clause. Jusqu’aujourd’hui, les travaux ne sont pas terminés. Au FDE, on se contente d’affirmer que l’attribution du marché «a suivi toutes les normes requises».
Mais il n’y a pas que cela. Le FDE traîne aux pieds un autre gros boulet: l’électrification de la ville de Saponé. Coût total: 320 178 203 FCFA. L’argent a été obtenu grâce à une convention signée le 30 novembre 2004 entre l’ambassade du Danemark et le FDE. Marché conclu avec l’entreprise SOPAM SA, le 27 décembre 2006. Les travaux devaient durer six mois. Mais c’était mal connaître l’entrepreneur. Nous sommes en août 2009 et ce n’est pas encore fini. Mais le marché n’a pas été résilié. «Le problème, c’est qu’on ne sait pas jusqu’à quand dureront les travaux», affirme, pessimiste, un employé de SOPAM.
5 mars 2008. Le Directeur général de GGY, l’entreprise chargée de contrôler les travaux, sort de sa réserve. Il écrit au Président Directeur-général de SOPAM SA, Mohamed Sogli, et demande des explications sur l’état d’avancement du projet. Et il se plaint de l’énorme retard enregistré. Le PDG de SOPAM SA lui répond aussitôt et se confond en excuses. La lettre retrouvée dans les tiroirs de la société est lourde de sens: «Les travaux à ce jour ne sont malheureusement pas achevés pour des raisons qui nous sont personnelles; nous nous excusons pour cela, mais des avancées considérables sont faites». Il évoque ensuite une kyrielle d’actions: «Renforcement de l’effectif du personnel d’encadrement de SOPAM par un ingénieur électromécanicien (15 ans d’expérience), un technicien supérieur en électrotechnique option distribution (15 ans d’expérience)». Et ce n’est pas tout. Si vous lisez la correspondance du PDG, vous aurez une forte impression que les travaux finiront dans un délai maximum de trois mois. Voici un morceau: «La réception des fouilles exécutées à 95%, l’approvisionnement sur le site de la totalité des poteaux bois ainsi que le produit de traitement (Solignum), le démarrage effectif du traitement des poteaux bois, l’arrivée effective, depuis le 23 mars 2008, de l’ensemble des supports HEA entreposés présentement en douane pour les formalités; la totalité des armements déjà confectionnée et entreposée dans notre magasin (…), construction du bâtiment des guichets en phase de finition (exécuté à près de 98%), étude environnementale Agenda 21 exécuté intégralement». Bref, la liste est longue. Et on espère voir enfin le rêve devenir réalité. Le PDG, Mohamed Sogli, a pris un ferme engagement: «Au regard de l’état d’avancement des travaux et des commandes de matériels en cours, nous vous soumettons le planning d’exécution des travaux actualisé que nous nous engageons à respecter religieusement». Puis, une fois de plus, il s’incline devant le DG de GGY, l’entreprise chargée du contrôle, pour présenter ses excuses. Sa correspondance s’achève par deux phrases dignes teintées de tristesse: «Nous réitérons une fois de plus nos sincères regrets pour ce grand retard que nous accusons dans l’exécution de ce chantier dont l’importance pour les populations bénéficières n’est plus à démontrer. Nous vous prions de recevoir, Monsieur le Directeur général, l’expression de nos sentiments respectueux». Mais les mois se sont égrenés sans qu’on ne voit la fin des travaux. 2008 s’est évanouie dans les méandres du passé. Nous sommes en août 2009 et ce n’est pas encore fini! Sacré Sogli! Déjà, le 25 février 2009, une commission s’était rendue à Saponé pour la réception provisoire technique des infrastructures. Mais elle a fait un triste constat. Et elle l’a mentionné dans son procès-verbal: «Retard d’exécution: 17 mois 3 jours». Il y a aussi dans le PV, cette phrase assez floue: «Conclusion: la commission a jugé les travaux conformes hormis les corrections à apporter». En clair, les travaux n’étaient pas conformes. Mais la commission les a jugés conformes, «hormis…». Mais il n’y a pas que ça: «Le réseau n’étant pas sous tension, des essais de mise sous tension n’ont pu être effectués». Les engagements de SOPAM n’étaient-ils que du bluff? En tout cas, cette entreprise continue de faire des promesses… pour la plupart non tenues.
Mais la Directrice du FDE semble comprendre ce tâtonnement: l’entreprise a rencontré, dit-elle, «des difficultés organisationnelles, techniques et financières. Elle a dû changer d’équipe trois fois. Ces problèmes sont liés au fait qu’au Burkina, le secteur privé est jeune; il s’agissait, au départ, de promouvoir l’expertise locale. Or, certaines n’étaient pas suffisamment expérimentées». Et voici Marie Blanche Bado qui prend, elle aussi, un engagement: «D’ici à fin juillet, les travaux seront terminés. Actuellement, c’est le stade des raccordements; il y aura aussi des vérifications pour voir s’il y a des défauts sur la ligne. D’ici à la fin de ce mois de juillet, ce sera terminé». Voici venu le 31 juillet 2009. Nous nous renseignons et il se trouve que les travaux ne sont pas encore terminés.
Il y a aussi eu une terrible cacophonie dans la réalisation des réseaux électriques des localités de Sindou et Douna. Les travaux ont commencé le 27 mai 2005. Délai d’exécution, 9 mois. C’est finalement le 14 février 2008 que le réseau a été mis sous tension. Les travaux ont ainsi duré 32 mois, violant ainsi dangereusement les clauses contractuelles. 23 mois de retard! Et s’il fallait appliquer les pénalités à leur juste valeur, l’entreprise EODA qui s’est chargée des travaux aurait sans doute perdu beaucoup de plumes. Petits calculs: Montant du marché d’électrification de Sindou: 125 317 020 FCFA HT. Pénalités de retard: 58 898 999 FCFA. Le marché d’électrification de la localité de Douna, lui, a coûté 124 710 170 FCFA HT. Ici, les pénalités sont estimées à 58 613 780 FCFA.
La construction des réseaux électriques des localités de Sindou et Douna a été émaillée de multiples problèmes. Selon un membre de l’entreprise EODA, la réception provisoire des infrastructures programmée par cette entreprise a été plusieurs fois rejetée par les membres de la commission. Et même lorsque le réseau a commencé à fonctionner, un gros problème est survenu. 22 juin 2008, 3h du matin. Panne électrique à Sindou et Douna. C’est le noir total. Une petite enquête permet de savoir que le transformateur d’isolement est endommagé. Avait-il été bien installé? Mystère et boule de gomme. Il faut donc le changer. C’est un matériel qui coûte cher et qu’on trouve rarement au Burkina. Mais le FDE réussit à s’en procurer. Il le met à la disposition de l’entrepreneur. Et voici le gros camion qui se dirige vers Sindou et Douna avec le transformateur d’isolement. Mais en cours de route, un malheur survient. Le véhicule se renverse… Le nouveau transformateur est fortement endommagé. Depuis ce triste incident, les deux localités sont dans l’obscurité. De source proche de l’entreprise EODA, on est, à l’heure actuelle, en train de trouver une autre formule. Dans le milieu des entrepreneurs, ça s’appelle le «passage au triphasé». Ce nouveau changement technique nécessitera un apport en matériel et des frais de main-d’œuvre. L’entreprise EODA s’est dite prêt à réaliser les nouveaux travaux, notamment la partie concernant la main-d’oeuvre. Mais elle a posé ses conditions. Il faut que le FDE débourse pour cela, 29 753 936 FCFA. Le Fonds de développement de l’électrification a accepté. Mais jusqu’à présent, Sindou et Douna attendent la lumière tant promise…

Hervé D’AFRICK



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Et les 95 millions?

L’entreprise HACOM a déconné. Elle était chargée d’électrifier les localités de Boussé, Titao, Zabré et Ouagaye. Un marché qui aurait coûté environ 980 millions de FCFA. Mais l’entreprise a commis trop de gaffes. Pour l’une des rares fois, le marché a été résilié. Et l’affaire a été traduite en justice. Plusieurs biens de la société ont été saisis. Selon des sources concordantes, HACOM doit au Fonds de développement de l’électrification, 95 millions de FCFA. Mais le FDE a-t-il pu recouvrer cette somme? Pour le moment, le flou règne sur cette question. «Nous allons nous réunir bientôt pour voir ou est-ce qu’on en est», affirme la directrice générale du Fonds, Marie Blanche Bado. Le Danemark qui a financé le projet d’électrification veut voir clair dans cette affaire. Mais les choses sont tellement lentes qu’on a l’impression qu’on veut cacher quelque chose…
H.D

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Le ministre est-il complice?

Le ministre des Mines, des Carrières et de l’Energie, Abdoulaye Abdoulkader Cissé est bien au courant de la cacophonie qui règne au FDE. Mais il est tellement silencieux qu’on se demande si c’est bien lui qui est le premier responsable du ministère. Les observateurs avertis du fonctionnement du FDE se posent cette question avec insistance. «Le ministre regarde les choses pourrir», affirme un opérateur économique. Plusieurs fois, il a été interpellé sur la question. Plusieurs fois aussi, il n’a rien fait pour mettre de l’ordre. Monsieur le ministre, que se passe-t-il?
H.D

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Où vont nos 2 FCFA?

Le Burkina a des ambitions. Il veut atteindre un taux national d’électrification de 60% en 2015. Dont 35 à 45 % pour les zones rurales. Dans les campagnes, le taux se situe actuellement entre 3 et 4%. Mais pour relever ce défi, il faut de l’argent, beaucoup d’argent. Et comme les bailleurs de fonds ne sont pas toujours aptes à débloquer les sous, l’Etat a trouvé la parade. Il a décidé, en janvier 2009, de puiser 2 FCFA sur chaque kwat/h consommé par les abonnés de la Société nationale d’électricité (SONABEL). L’argent récolté est versé au FDE pour l’électrification rurale. Selon les estimations, le Fonds de développement de l’électrification engrange chaque année, 1, 2 milliards de FCFA, spécialement financés par les abonnés de la SONABEL. L’électrification totale du Burkina devrait coûter, selon les prévisions, 158 milliards de FCFA. L’initiative est bonne. Mais nos deux francs sont-ils bien gérés? That is the question!
H.D
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FDE est différent de SONABEL

On a tendance à confondre les deux structures. Le Fond de développement de l’électrification (FDE) est différent de la Société nationale d’électricité du Burkina (SONABEL). Le premier est spécifiquement chargé de l’électrification rurale. Le deuxième lui, agit dans tous les domaines. Il offre du service public mais tout en cherchant à faire du profit.
H.D

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