mercredi 25 novembre 2009

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dimanche 23 août 2009

RAPPORT EXCLUSIF: Chefs d'Etat voleurs?

Le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) a terminé sa grande enquête. Le rapport a dû troubler le sommeil de certains chefs d’Etat africains. Les faits sont têtus: «Dans leur grande majorité, les dictateurs et leurs familles profitent, en toute impunité, des milliards qu’ils ont volés à leur pays et placés à l’étranger, sur des comptes en banque ou dans des demeures de prestige». Sur la liste noire, il y a des noms et non des moindres: Dénis Sassou N’Guesso , Theodoro Obiang Nguema, Robert Mugabe, Paul Biya, Daniel Arap Moi, Moussa Traoré, Eduardo Dos Santos… Mais pas seulement eux: selon le CCFD, certains présidents ont «pillé» les caisses de leurs pays avant de mourir: Omar Bongo est dans le lot. De même que Sani Abacha. Et ce n’est pas tout: dans les salons feutrés des palais présidentiels africains, certains continuent de s’en mettre plein les poches!

Le cardinal camerounais, Christian Tumi, n’en pouvait plus. Le 1er janvier 2009, à la messe de minuit, l’«homme de Dieu» sort ses griffes. Il demande «la fin de l’impunité» et «le retour dans les caisses de l’Etat des milliards volés». Cette phrase a dû mettre mal à l’aise le président Biya. Son nom est scotché, comme une marque indélébile, dans le rapport sur les biens mal acquis. Biya occupe le fauteuil présidentiel depuis plus de 25 ans. Et il a trouvé la parade pour que les délices du pouvoir ne lui échappent pas! C’est simple: en 2008, il a modifié la Constitution pour devenir… «président à vie». Selon Transparency International, le Cameroun est l’un des pays les plus corrompus du monde. Il a même obtenu le titre de champion du monde de la catégorie dans le classement établi par cette ONG en 1998 et 1999. Biya est sur le banc des accusés. Et il risque de payer cher, très cher. Le Comité catholique contre la faim et le développement a réuni des «preuves irréfutables». Et il demande le rapatriement de «l’argent volé», au profit des populations camerounaises. Biya devrait se plier à cette exigence, tôt ou tard.
L’ancien président malien Moussa Traoré l’a appris à ses dépens. Il est arrivé au pouvoir par un coup d’Etat. Il y est resté pendant 23 ans. Et il a «pillé» les caisses de l’Etat. Mais tout a basculé en 1991. L’ «indéboulonnable» Moussa Traoré est alors renversé par un soulèvement populaire sanglant. 1993: il est traduit devant la justice malienne. Celui que l’on appelait «l’homme fort» est ainsi jugé et condamné pour «crimes politiques». 1999: il est encore jugé et condamné, cette fois avec son épouse, pour «crime économique».
Moussa Traoré a cependant eu de la chance. Son successeur, Alpha Oumar Konaré, hostile à la peine de mort, a commué sa peine et celle de son épouse en détention à perpétuité. Il les a ensuite graciés le 29 mai 2002. Selon le rapport du CCFD, «le président Traoré est soupçonné d’avoir détourné deux milliards de dollars qui proviendraient essentiellement de l’extraction de l’or au Mali». Voici la petite histoire: «De février 1985 à août 1987, 169 chargements d’or ont transité du Mali à la Suisse via Bruxelles de façon légale pour affinage, mais au lieu d’être restitué à l’Etat malien, le produit des ventes aurait abouti sur des comptes privés du clan Traoré». Mais l’affaire n’en restera pas là. 1991. A la chute de Moussa Traoré, le gouvernement malien demande l’entraide judiciaire de la Suisse pour le rapatriement des fonds volés. Et voici la procédure pénale qui se met en marche. Moussa Traoré et des responsables de son régime sont accusés de détournement de deniers publics, corruption et d’autres infractions aussi graves les unes que les autres. Les choses sont allées vite: l’Office fédérale de la police suisse avait déjà demandé aux différents procureurs de procéder à un blocage préventif des comptes. Ainsi commencent les révélations. Morceau choisi: «La majeure partie des avoirs illicites aurait été extraite de certaines banques suisses, notamment la banque cantonale vaudoise par l’ambassadeur du Mali en Suisse, un proche de Moussa Traoré, quelques jours avant le gel des différents comptes. Il ne put ainsi être bloqué que 3, 2 millions de francs suisses alors que, selon les médias maliens, ce sont 1, 5 milliard qui auraient dû se trouver sur les comptes bancaires suisses».

Selon les avocats suisses…

Très vite, le Mali mobilise une pléiade d’avocats pour la cause. Nous sommes en septembre 1997. Sept ans se sont écoulés depuis le début de la procédure. Les avoirs illicites sont enfin restitués au gouvernement malien. Avec aussi les intérêts encourus depuis le blocage (3, 9 millions de francs suisses, soient 2, 4 millions de dollars). Juste avant, en 1996, les titulaires des comptes avaient été condamnés par la justice malienne.
Le symbole était fort. Très fort. C’est la première fois en effet qu’une restitution d’argent volé a lieu entre la Suisse et un pays africain. Mais sur ce chapitre, le rapport du CCFD se termine par une note triste: «Ce fut un fiasco pour les Maliens, qui attendaient la restitution de beaucoup plus d’argent. Selon Olivier Zuchuat, réalisateur du film « Djourou, une corde à ton cou », c’est le juge d’instruction malien chargé de l’enquête sur les fonds
de Moussa Traoré qui aurait, sur demande du nouveau régime d’Alpha Oumar
Konaré, limité l’enquête sur des comptes en Suisse. Beaucoup d’anciens membres
des gouvernements de Moussa Traoré qui détenaient des comptes en Suisse sont
devenus ministres d’Alpha Oumar Konaré. Ils n’ont pas été inquiétés». Et ce n’est pas tout: «Selon les avocats suisses, l’enquête menée par les Maliens et les Suisses aurait prouvé que
des fonds, provenant de la communauté internationale, notamment pour la réalisation
de grandes infrastructures, ont été détournés et placés sur des comptes de
dignitaires du régime de Moussa Traoré, en Côte d’Ivoire, en France et aux États-Unis.
Mais aucune enquête, depuis, n’a permis de saisir cet argent».
L’ex-président nigérian, Sani Abacha, mort de crise cardiaque en 1998, est aussi longuement cité dans le rapport. «Il était réputé pour établir de longues listes d’ennemis,
réels ou imaginaires, qu’il traquait méthodiquement avant de les faire enfermer
ou exécuter. La pendaison en 1995 de Ken Saro-Wiwa et neufs autres activistes du
Mosop (Movement for the Survival of the Ogoni People) a achevé de mettre son
régime au ban des nations. Le montant des fonds détournés par le clan Abacha
est estimé entre 3 et 5 milliards de dollars par l’ONG Transparency International. L’Office
des Nations unies contre les drogues et le crime (UNODC) évalue, pour sa part,
à 5,5 milliards de dollars, les avoirs illicites de l’ex-dictateur. Le gouvernement nigérian
estime, lui, avoir perdu 100 milliards de dollars pendant les années 1985-1998 sous la
dictature d’Abacha et les juntes militaires précédentes».

«Ils ont pillé les fonds de la Banque centrale du Nigeria»


L’affaire est grave. L’ancien correspondant du New York Times au Nigeria, Howard French, a suivi de près toutes les péripéties de ces dossiers sales. Son témoignage tient en deux phrases lourdes de sens: le Nigeria est «l’une des histoires les plus tragiques du continent africain, l’histoire d’une grande entreprise familiale coulée par des neveux qui auraient prématurément pris les rênes du pouvoir. Les terribles neveux sont ici les généraux qui,
contrairement au roi Midas, ont transformé en boue tout ce qu’ils touchaient, à
commencer par la politique, qu’ils ont réduite à une compétition d’enrichissement
personnel». Le rapport du Comité catholique contre la faim et pour le développement fait une grave révélation: «Le clan Abacha a d’abord pillé les fonds de la Banque centrale du Nigeria en procédant à des retraits massifs en espèces. Selon les nouveaux gouvernants, l’équivalent de 2,34 milliards de dollars aurait été transféré sur des comptes à l’étranger, après avoir été retiré en devises dans des opérations sans justification. L’argent était apporté au général Abacha par sacs, à raison de dix à quinze par livraison, selon les déclarations de son ancien aide de camp. Une pratique répandue, puisque la femme du
dictateur, Mariam Abacha, tenta en vain de s’enfuir par l’aéroport de Kano, peu
après la mort de son mari, avec 38 valises remplies de dollars et de livres sterling!
L’autre technique de détournement utilisée consistait à virer des fonds, pour des
opérations fictives, directement de la Banque centrale vers les comptes du clan
Abacha à l’étranger. Un exemple parmi d’autres, cité dans la demande d’entraide
judiciaire internationale du Nigeria, adressée à la Suisse : ‘’Ismaila Gwarzo [l’ex-ministre
de l’Intérieur, NDLR] donne instruction le 18 février 1995 au gouverneur
de la Banque centrale du Nigeria de transférer le montant de 11,365 millions de
dollars sur le compte n° 5624950 de la société Garnel Trading Inc., Londres, ouvert
auprès de la Banque nationale de Paris (Switzerland) S A sur la base d’une fausse
facture concernant l’achat de divers équipements militaires’’. Plus de 2 milliards
de francs suisses de «faux virements» ont été identifiés à ce jour».
A la mort d’Abacha en 1998, la procédure s’accélère. Le gouvernement intérimaire d’Abubakar tape du poing sur la table. Il envoie un
signal très explicite au clan Abacha: les sommes détournées doivent être restituées,
quels que soient les endroits où elles ont été transférées. 18 pays sont sur la liste du ministre de la Justice nigérian. Le gouvernement exige la lumière sur l’argent volé. Il réussit à bloquer 825 millions de dollars. Cet argent est versé sur un compte spécial à la Banque des règlements internationaux de Bâle en Suisse. Les fonds sont ensuite affectés à des projets de développement de l’habitat, à l’éducation et aux 36 États fédérés du Nigeria. Ces avoirs ont été restitués de «plein gré» par la famille Abacha. Ils provenaient, pour la plupart, de comptes de la Banque centrale du Nigeria.

450 millions de dollars!

Mais ce n’était qu’une partie des fonds volés. 1999: le président Olosegun Obasanjo institue une commission d’experts et d’avocats privés chargée d’identifier les mouvements des capitaux détournés par le clan Abacha. Il demande ensuite l’entraide judiciaire internationale au Luxembourg, à la Suisse et au Liechtenstein, où 602 millions de dollars, 660 millions de dollars et 147 millions de dollars ont respectivement été gelés. D’autres demandes d’entraide judiciaire sont également effectuées auprès des autorités judiciaires des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de Jersey et des Bahamas. La Suisse est le premier pays à accorder l’entraide judiciaire, en janvier 2000. Le Conseil fédéral déplore cette situation: «Des banques suisses ont accueilli des fonds de l’ex-dictateur, alors que l’acceptation par les banques et les négociants suisses de fonds provenant de la corruption ou du détournement
de biens publics est interdite». La Commission fédérale des banques ouvre
alors une enquête qui, en août 2000, aboutit à un rapport incriminant 14 banques
suisses qui n’ont pas, pour la plupart, respecté les obligations de diligence
prévues dans la loi suisse anti-blanchiment de 1997.
Une fois de plus, le président Obasanjo tape du poing sur la table: «C’est
moralement répréhensible, injuste et contre toute nature humaine d’encourager
des actions qui appauvrissent les pays en développement (…) Le voleur et celui qui
reçoit des avoirs volés sont coupables du même délit», affirme-t-il en colère. Plusieurs fois, il a menacé les banques et les intermédiaires financiers de poursuites judiciaires.
La Suisse finit par céder. Juillet 2000. Elle retourne 66 millions de dollars au Nigeria par l’intermédiaire de la Banque des règlements internationaux (BRI). S’ajouteront, en décembre 2003, 70 millions de dollars (110 millions de francs suisses) dans le but de réduire la dette publique du Nigeria.
La plus importante restitution a finalement eu lieu 7 ans après la mort de Sani
Abacha: 458 millions de dollars.
Place maintenant au président Eduardo Dos Santos de l’Angola. Il est au pouvoir depuis 1979. Le rapport du CCFD ne lui fait pas de cadeau: «Malgré la guerre civile qui l’opposera à l’UNITA, soutenue par les pays occidentaux, pendant la guerre froide, il parvient à se maintenir au pouvoir. Il est fréquemment associé à la corruption et au détournement des fonds du pétrole en Angola. Sa famille possède une richesse colossale, dont des maisons dans les principales villes européennes et des comptes bancaires en Suisse et autres paradis
fiscaux (…). En 2007, Transparency International a classé l’Angola comme l’un des pays les plus corrompus (142e sur 179 pays). Le président Dos Santos et ses proches sont, notamment, impliqués dans l’affaire Elf et dans les affaires de vente d’armes».
Voici un autre morceau: «Selon le journal Le Monde du 25 mars 2004, entre 1997 et 2001, le président Dos Santos et ses proches auraient détourné un quart des ressources de l’Etat, soit, en moyenne, 1,7 milliard de dollars par an. Cela représente environ le quart des recettes de l’Etat angolais. Plusieurs ONG internationales ont enquêté sur sa fortune.
Global Witness révélait en mars 2002 qu’il manquait dans les caisses de l’État 1,4 milliard de dollars. En 2004, l’ONG Human Rights Watch annonce, dans un rapport, que le régime angolais aurait détourné 4,2 milliards de dollars, essentiellement des fonds générés par l’exploitation des ressources naturelles, notamment le pétrole et les diamants».
1er novembre 2005. Un accord est signé entre l’Angola et la Suisse pour la
restitution de 21 millions de dollars. Selon le rapport du Comité catholique contre la faim et pour le développement, «cette somme avait été bloquée à Genève au cours
d’une enquête sur des allégations de blanchiment, de soutien à une organisation
criminelle et de corruption d’agent public étranger. Les 21 millions de dollars restitués sont une bien faible part des fonds qui auraient été détournés par le président Dos Santos et ses proches, fonds estimés à plusieurs milliards de dollars».

La femme du président arrêtée et inculpée

L’ancien président zambien, Frédéric Chilouba, au pouvoir de 1991 à 2002, a aussi été épinglé. «Ce chef d’Etat qui n’a officiellement gagné que 105 000 dollars en dix ans de présidence, en aurait détourné plusieurs dizaines de millions pendant qu’il était à la tête de l’État. Il aurait dépensé 1,2 million de dollars en habits de luxe dans un magasin suisse, selon Peter Smith, le président de la Haute Cour de Londres (…) Quant à ses chaussures, elles étaient faites sur mesure. Chiluba aurait aussi détourné 47 millions de dollars dans la privatisation de la compagnie minière Ramcoz et 20,5 millions destinés à l’achat d’armes
qui n’ont jamais été livrées. Il aurait enfin effectué des virements, depuis un
compte spécial de la présidence, de plusieurs millions de dollars destinés à sa famille et
aux proches». Mais le gros marteau de la justice va finalement s’abattre sur sa tête, de façon fracassante. Février 2003: «Chiluba est inculpé pour 49 chefs d’accusation, arrêté puis remis en liberté provisoire, moyennant le versement d’une caution et la confiscation de son passeport. Quatre anciens hauts fonctionnaires, dont l’ex-chef du service des renseignements et l’ancien secrétaire permanent du ministère des Finances, sont également inculpés. Le procès a lieu quelques mois plus tard mais, après de multiples ajournements
et en raison de l’état de santé de Chiluba, il est rapidement ajourné puis
abandonné. C’est finalement au Royaume-Uni que l’ancien dirigeant zambien
sera condamné, après la transmission du dossier par un juge zambien à la Cour
suprême de Londres. Le 4 mai 2007, il est reconnu coupable d’avoir détourné
plus de 46 millions de dollars des caisses de l’Etat zambien via des comptes dans
les banques BK Facility et ZAMTROP. L’ancien président doit restituer plus de
58 millions de dollars, en incluant les intérêts. Un mois après, la Cour suprême
ordonne donc à Chibula de céder sa maison de Lusaka aux autorités zambiennes,
ainsi que tout le mobilier acheté, évalué à 297 580 dollars. Sa femme
aussi sera arrêtée et inculpée en septembre 2007 pour corruption et détournements
de fonds (…). En février 2009, il a comparu à nouveau devant la
justice à Lusaka, accusé de corruption et de détournements de fonds publics à
hauteur de 390 000 euros. Quant à son épouse, Regina, elle a été condamnée à
trois ans et demi de prison par le tribunal de Lusaka, le 3 mars 2009, pour avoir
bénéficié de fonds publics».
Sur la liste noire, figure également «Le léopard de Kinshasa», Mobutu Sese Seko, président du Zaïre ( actuel République démocratique du Congo) de 1965 à 1997. Voici ce que dit le rapport: «Ce dictateur sanguinaire, arrivé au pouvoir par la force et avec le soutien occidental, fut un des hommes les plus riches du monde, constituant sa fortune sur le dos du peuple congolais. En 1984, le FMI et le Trésor américain estimaient sa fortune à plus de 4 milliards de dollars, soit davantage que la dette du pays à l’époque. À sa mort en septembre 1997, Transparency International, l’UNODC et d’autres analystes s’accordent sur une fortune estimée entre 5 et 6 milliards de dollars, même si certains évoquent même le chiffre de 8 milliards de dollars. La dette du Congo a, elle, triplé pour atteindre 12,5 milliards de dollars en 1997. Une enquête du Financial Time, parue en mai 1997, fait état de plus d’une vingtaine de propriétés à travers le monde. Il détenait également des participations dans deux entreprises automobiles françaises, Peugeot et Renault, et dans d’autres compagnies étrangères, dont Unilever, ITT, Gulf Oil, Pan Am, Volkswagen. (…) Beaucoup de ces biens sont détenus par des sociétés écrans, des associés ou des membres du clan Mobutu. Il possédait aussi de nombreux comptes en banques en Suisse, en France, en Belgique, aux Etats-Unis, au Luxembourg et dans d’autres paradis fiscaux. Mobutu entretenait notamment des relations avec quatre grandes banques: Paribas, Bruxelles Lambert, Deutschebank et Midland Bank. Une partie de sa richesse était également au Zaïre: plantations, somptueuses
propriétés et, bien sûr, son village de Gbadolite (piscine olympique, palais de
marbre, piste d’aéroport pouvant accueillir un Concorde…)».

50 000 dollars par mois!

Qu’est devenue aujourd’hui cette fortune? Les comptes bancaires de Mobutu
sont moins facilement identifiables que ses biens. En 1991, la Belgique, la France
et les Etats-Unis avaient enquêté sur les holdings détenues dans leur pays par
des sociétés écrans en lien avec le régime zaïrois. En 1997, à la chute de Mobutu,
ils ont abandonné l’idée de geler les avoirs de l’ex-dictateur sur leur territoire,
prétextant qu’ils y étaient très limités. La Suisse a reçu, quant à elle, une demande de l’Etat congolais en avril 1997, mais elle y opposa un refus car il ne s’agissait pas à proprement parler d’une demande d’entraide judiciaire. La Commission fédérale des banques décide
d’effectuer une enquête systématique auprès des banques qui lui sont subordonnées, au sujet d’éventuels avoirs de Mobutu et sa famille. Selon son rapport, «les 406 banques interrogées ont toutes répondu dans les délais. Six banques ont annoncé détenir de tels avoirs pour une somme totale équivalant à 4 786 570 francs [2,8 millions d’euros]»
Autre accusé, Charles Taylor, «l’un des principaux protagonistes dans la guerre civile qui secoua le Liberia de 1989 à 1996, qui entraîna la chute de l’ancien président libérien Samuel Doe. Il participa également à la guerre civile en Sierra Leone au début des années 90. Il est tristement célèbre, avec les troupes du NPFL au Liberia et du RUF en Sierra Leone, pour avoir utilisé des châtiments particulièrement cruels, dont l’amputation des bras, comme tactique de guerre. À la fin de la guerre civile au Liberia, il fut élu président d’un Liberia saisi par la peur en 1997 et restera au pouvoir jusqu’en 2003. Le 29 mars 2006, il est arrêté au Nigeria, où il était en exil depuis sa chute. Il est détenu, depuis fin juin 2006, à La Haye où il est inculpé pour crimes de guerre. Son procès a débuté le 4 juin 2007 devant le tribunal spécial international pour la Sierra Leone et le Liberia et devrait durer
jusqu’à fin 2009. Par une décision particulièrement contestable, le tribunal lui a
reconnu le «statut de partiellement indigent», lui allouant quelques 50 000 dollars
par mois et un avocat commis d’office pour sa défense, alors que le New York
Times, en juin 2007, affirmait que Taylor détiendrait environ un demi-milliard
de dollars d’actifs financiers cachés au Liberia et au Nigeria, citant un rapport de
la Coalition for International Justice remis à l’ONU. L’ONG Global Witness évalue à plus de 3 milliards de dollars les fonds du clan Taylor qui seraient placés aux Etats-Unis, en Suisse et dans d’autres paradis fiscaux. En 2003, deux universitaires américains (Emira Woods et Carl Burrowes) estimaient, eux, à 3,8 milliards de dollars les fonds libériens placés sur des comptes en Suisse. En avril 2008, lors d’une audience du
Tribunal pénal international de la Haye, les juges ont dénoncé la difficulté qu’ils
avaient à récupérer les fonds du fait de l’existence d’instruments financiers opaques
et des paradis fiscaux. Seulement 6 millions de dollars ont pu être saisis via l’intervention des Nations unies, alors que l’enquête du tribunal spécial pour la
Sierra Leone a démontré que plus d’un milliard de dollars avaient circulé de 1997
à 2003 sur les comptes personnels de Charles Taylor, alors président.
Robert Mugabe, lui, a vu ses avoirs détenus en Suisse gelés par une ordonnance du
19 mars 2002. En novembre 2002, c’est l’Union européenne qui a gelé ses avoirs
à la suite d’une décision du Parlement européen concernant Mugabe et 80 de ses
plus proches collaborateurs. Elles s’accompagnent d’un embargo sur les armes
et d’une interdiction du territoire européen. Elles ont été prolongées depuis et
même étendues, en juin 2007, à 131 personnes au total. Il y a eu toutefois des
failles dans cette procédure de sanctions. Mugabe a ainsi pu assister au sommet
France-Afrique en janvier 2003 à Paris, invité par le président Chirac et au
sommet Afrique-Europe, à Lisbonne, en décembre 2007, malgré l’opposition du
gouvernement britannique. Suspendu du Commonwealth depuis les élections présidentielles truquées de 2002, Mugabe a aussi vu ses avoirs gelés au Canada et en Australie. En mai 2003, c’est au tour des Etats-Unis de geler les avoirs de Mugabe et de
76 autres dignitaires du régime. Cette décision, adoptée par décret présidentiel,
«gèle toutes les propriétés et les actifs financiers des individus visés», et interdit aux citoyens américains «de mener toute transaction ou opération avec les personnes
concernées».

Et la banque décida de fermer tous les comptes!

Quant à l’ex-président gabonais, Omar Bongo, il a «confondu allègrement budget de l’Etat et revenus personnels», note le CCFD. 41 ans de mainmise sur le pouvoir gabonais! Déjà en 1993, Philippe Madelin, dans son livre L’Or des dictatures, dressait une liste impressionnante du patrimoine immobilier du clan Bongo: 2 villas aux États-Unis, une propriété à
Nice, un appartement avenue Foch et des participations dans plus de 50 sociétés
gabonaises ou étrangères. Il se déplaçait à l’époque avec un DC 8 rénové grâce
à un prêt de 16 millions de francs du Fonds français d’aide et de coopération. Peu de gens se sont risqués à estimer la fortune du doyen des chefs d’État africains,
car entre les biens immobiliers, les comptes en banque à l’étranger et les
nombreuses voitures de luxe, il est difficile de faire la part des choses. Au vu des
éléments qui suivent, elle représente vraisemblablement plusieurs centaines de
millions de dollars, une fortune sans lien avec les revenus officiels du président
gabonais. Selon le journal Jeune Afrique, Omar Bongo percevait un salaire mensuel
de 9 800 000 FCFA (14 940 euros). Au total, le montant des avoirs du président gabonais, qui ont été placés sur ses différents comptes bancaires à la Citibank, à New York, de 1985 à 1997, serait d’environ 200 millions de dollars. En 1997, la Citibank rompt ses relations avec
le gouvernement gabonais et décide de fermer tous les comptes. Le président Bongo ne sera jamais inquiété aux États-Unis, ni en Europe.
Le président du Congo-Brazzaville, Dénis Sassou N’Guesso, est aussi sur le banc des accusés. Voici, à ce sujet un morceau du rapport du CCFD: «Selon le FMI, entre 1999 et 2002, 248 millions de dollars provenant de l’extraction du pétrole brut n’ont pas laissé de traces dans la comptabilité nationale. Dans le budget 2003, sur les 800 millions de dollars de rente pétrolière, seulement 650 millions de dollars ont été inscrits … Un fonds vautour, FG Hemisphere, a montré qu’entre 2003 et 2005, c’est près d’un milliard de dollars que les autorités congolaises ont «oublié» de comptabiliser! Dès 2001, le FMI relevait les affectations de fonds publics congolais dans des comptes privés autres que ceux du Trésor
public. Dix ans auparavant, en décembre 1991, la conférence nationale souveraine
dénonçait déjà ‘’ la responsabilité du chef de l’Etat dans la mauvaise gestion
du patrimoine du pétrole congolais de 1979 à 1991’’. Sassou Nguesso pille
ainsi, depuis des années, les richesses du pays. Il a profité des bonus - des prêts
gagés ou préfinancements - des diverses commissions sur la vente du pétrole,
et de la PID «provision pour investissements diversifiés», véritable caisse noire,
non budgétisée de 1997 à 2002. Elf, puis Total, qui fournit à l’État congolais 70%
de ses revenus pétroliers, ont été au coeur de ces malversations. Il est aujourd’hui
avéré que c’est avec l’argent d’Elf que Sassou a repris le pouvoir par les armes
en 1997», affirme le CCFD.
Daniel Arop Moi du Kenya, Obiang N’Guema de Guinée équatoriale et Houphouet Boigny de Côte d’Ivoire sont également cités dans le rapport. Pas seulement eux. Certains chefs d’Etat occidentaux ont été épinglés.

Sandra JOLY

Editorial: Que deviendra Salif Diallo?

Depuis sa sortie médiatique du 8 août 2009, l’avenir politique de Salif Diallo est sur toutes les lèvres. Ses anciens compagnons lui ont tourné le dos. Mais nombreux sont les Burkinabè qui croient que tout cela relève des plans du pouvoir pour créer la diversion afin de mieux opérer les mutations institutionnelles nécessaires à son maintien au-delà de 2015. Les propositions de Salif Diallo seraient donc de nature à préparer les esprits à une révision de la Constitution pour permettre encore à Blaise Compaoré de briguer d’autres mandats dans le cadre d’une 5è République avec un régime parlementaire. Il serait donc un Président sans pouvoir réel mais aura droit à tous les honneurs. Cependant, tant qu’il sera Président, aucun texte ni personne ne pourrait lui ôter son pouvoir. Il restera donc en réalité le maître du jeu, surtout si c’est le CDP qui a la majorité parlementaire. Car, jusqu’à présent, ce parti ne semble avoir sécrété un militant capable de tenir tête au Président Compaoré.
Il faut cependant croire que le Président et son ancien «bras droit» sont plus stratèges que cela. Car la méfiance grandissante entre le pouvoir et la grande majorité du peuple, notamment sa frange intellectuelle, rend suspecte toute proposition venant d’eux. On l’a vu à travers les nombreuses réactions consécutives aux déclarations de Salif Diallo. Si cette méfiance est compréhensible, il paraît plus important d’accrocher au contenu une attention particulière. Le simple fait que celui qui passait pour le numéro 2 du pouvoir en place reconnaisse la faillite des institutions et la patrimonialisation de l’Etat est lourd de sens. A cela s’ajoutent les déclarations du président du parti au pouvoir, Roch Marc Christian kaboré, selon lesquelles Salif Diallo serait en perte de confiance avec le régime Compaoré. Il y a aussi que les débats qui ont suivi ont montré tout l’intérêt de repenser notre démocratie et d’y insuffler une nouvelle dynamique. Peu importe que l’on épouse ou non le principe d’un régime parlementaire.
Dans tous les cas, la suite des évènements situera davantage sur le degré de divorce entre les «enfants terribles» de Ziniaré et de Ouahigouya. Deux scénarii possibles sont alors à envisager. S’il est en rupture de banc avec le pouvoir, il est clair qu’en plus de sa suspension des instances du parti, Salif Diallo devrait commencer à faire sa valise de Vienne pour rentrer au bercail. Parce qu’il est impensable que Blaise Compaoré laisse un «ennemi» politique à la tête d’une chancellerie diplomatique. Ce serait une erreur stratégique. Dans le même temps, c’est une situation gênante parce que Salif Diallo n’a pas encore passé un an à ce poste. Pour autant, l’embarras ne prendrait pas certainement le dessus sur les intérêts stratégiques.
L’autre alternative serait aussi de le conserver à ce poste tout en le surveillant de très près, en lui affectant notamment des agents espions, d’autant plus que le fait de le renvoyer au pays, pourrait être difficile à gérer par le parti. Au regard de ses capacités reconnues de nuisance s’il s’y engage, sa présence permanente au pays mettrait certainement certains caciques du parti mal à l’aise. Il pourrait même obtenir le ralliement de certains à sa cause. Enfin, il pourrait être muté comme ambassadeur dans un pays africain pour faciliter le contrôle. Toujours est-il que l’avenir politique et même professionnel de Salif Diallo relève désormais de l’inconnu. Quelle que soit la trajectoire qu’il prendra, l’intéressé lui-même doit se convaincre qu’il doit aller jusqu’au bout de sa logique, si tant est que sa sortie fracassante relève d’une volonté de contribuer à éviter la patrimonialisation de l’Etat. Il ne doit pas s’arrêter en si bon chemin. S’il ne le fait pas, il risque fort de donner raison à ceux qui croient qu’il n’a fait que porter la voix de son maître. En tous les cas, il doit assumer pleinement et à n’importe quel prix sa nouvelle situation, étant entendu qu’il a décidé librement de prendre l’opinion nationale à témoin de son nouvel engagement. Il pourrait ainsi entrer dans l’histoire par la bonne porte, malgré tout ce que l’on a pu dire de lui. La marque des grands hommes, c’est cette capacité à changer d’option quand on se rend compte que l’on est sur le mauvais chemin.

Boureima OUEDRAOGO

TELEX ENQUETE...

6 485 910 480 FCFA. La prochaine élection au Burkina aura lieu en 2010. Mais en attendant, jetons un coup d’œil dans les tiroirs de la Commission électorale nationale indépendante (CENI): la révision exceptionnelle des listes électorales et l’organisation des législatives du 6 mai 2007 ont coûté 6 485 910 480 FCFA. Il était prévu 2 701 976 940 FCFA pour la révision des listes. Mais l’argent n’est rentré en totalité dans les caisses de la CENI. L’Etat a débloqué plutôt 2 586 931 940 FCFA. Donc un manque à gagner de 115 045 000 FCFA. L’organisation de l’élection proprement dite a coûté 3 783 933 540 FCFA. A cela s’ajoute la vente des dossiers d’appel d’offres d’un montant de 1 230 000 FCFA. Donc au total 3 785 163 540 FCFA. Petits détails: le carburant de la CENI a coûté, pour les législatives de 2007, 200 000 000 FCFA; celui des démembrements, 233 450 000 FCFA. Location de véhicules: 10 904 800 FCFA. «Dépenses imprévues»: 224 816 000 FCFA. Arrêtons-nous là pour le moment…

FONDS DE DEVELOPPEMENT DE L’ELECTRIFICATION: Le sale boulot!

Il se passe des choses suspectes au Fonds de développement de l’électrification (FDE). La procédure de passation de certains marchés est assez floue. Mais il n’y a pas que cela: la plupart des entreprises ne respectent pas les délais contractuels. Souvent, plus de 22 mois de retard! Leur sport favori tient en une phrase: «Nous réitérons une fois de plus nos sincères regrets pour ce grand retard». Ici, au FDE, on semble avoir peur de résilier certains marchés. «Si vous résiliez, la procédure de reprise est trop longue, ça coute cher et aucune autre entreprise ne voudra postuler», affirme la directrice générale, Marie Blanche Bado. Ainsi, les entreprises fautives continuent de poser des actes cacophoniques, en toute impunité. Tant pis pour les délais contractuels! Pourtant, chaque année, le FDE investit, grâce aux bailleurs de fonds et aux contribuables burkinabè, des milliards de FCFA pour l’électrification rurale. On se demande finalement si cet argent est bien géré…

27 novembre 2008. La directrice du FDE ordonne à l’entreprise EGO Energie de commencer la construction du système d’électrification des localités de Touya, Pellah, Goutoula, Tougué et Tangaye. C’est un marché de 104 875 478 FCFA. L’argent doit être viré par tranches dans le compte bancaire N° 05983030166-21, ouvert au nom de l’intéressé à la Banque régionale de solidarité. L’ordre de service, signé le 27 novembre, précise que «la date du 1er décembre 2008 est retenue comme date de début d’exécution effective des prestations». Et que les délais contractuels «commencent à courir à partir de cette date». Marie Blanche Bado a été claire: délai d’exécution, trois mois. Mais trois mois après, le projet n’avait pas décollé! Il y a eu des couacs, et non des moindres. Janvier 2009. On découvre qu’il y a eu de graves irrégularités dans l’attribution du marché. «Certaines pièces ne figuraient pas dans le dossier d’appel d’offres», confie-t-on au ministère de l’Energie, des Mines et des Carrières. Pourtant, elles font partie des clauses obligatoires, permettant de valider le marché. La directrice du Fonds est du coup embarrassée. Et les cartes commencent à se brouiller. Il reste moins de deux mois pour la livraison des infrastructures. Et voilà que la machine s’est grippée. Des rumeurs commencent à circuler, évoquant notamment une certaine complicité entre la directrice et l’entrepreneur pour, dit-on, «bouffer l’argent». Mais Marie Blanche Bado tente de sauver les meubles. Le 18 mars 2009, elle signe un autre ordre de service. Même objet: construction du système d’électrification rurale décentralisé des localités de Touya, Pellah, Goutoula, Tougué et Tangaye. Même montant aussi: 104 875 478 FCFA. Mais cette fois, le délai d’exécution est passé de trois mois à deux mois et demi. La directrice précise que le début d’exécution effective des prestations est fixé au 18 mars 2009. Les délais contractuels prennent aussi effet à partir de cette date. Mais l’entrepreneur n’a pas respecté cette clause. Jusqu’aujourd’hui, les travaux ne sont pas terminés. Au FDE, on se contente d’affirmer que l’attribution du marché «a suivi toutes les normes requises».
Mais il n’y a pas que cela. Le FDE traîne aux pieds un autre gros boulet: l’électrification de la ville de Saponé. Coût total: 320 178 203 FCFA. L’argent a été obtenu grâce à une convention signée le 30 novembre 2004 entre l’ambassade du Danemark et le FDE. Marché conclu avec l’entreprise SOPAM SA, le 27 décembre 2006. Les travaux devaient durer six mois. Mais c’était mal connaître l’entrepreneur. Nous sommes en août 2009 et ce n’est pas encore fini. Mais le marché n’a pas été résilié. «Le problème, c’est qu’on ne sait pas jusqu’à quand dureront les travaux», affirme, pessimiste, un employé de SOPAM.
5 mars 2008. Le Directeur général de GGY, l’entreprise chargée de contrôler les travaux, sort de sa réserve. Il écrit au Président Directeur-général de SOPAM SA, Mohamed Sogli, et demande des explications sur l’état d’avancement du projet. Et il se plaint de l’énorme retard enregistré. Le PDG de SOPAM SA lui répond aussitôt et se confond en excuses. La lettre retrouvée dans les tiroirs de la société est lourde de sens: «Les travaux à ce jour ne sont malheureusement pas achevés pour des raisons qui nous sont personnelles; nous nous excusons pour cela, mais des avancées considérables sont faites». Il évoque ensuite une kyrielle d’actions: «Renforcement de l’effectif du personnel d’encadrement de SOPAM par un ingénieur électromécanicien (15 ans d’expérience), un technicien supérieur en électrotechnique option distribution (15 ans d’expérience)». Et ce n’est pas tout. Si vous lisez la correspondance du PDG, vous aurez une forte impression que les travaux finiront dans un délai maximum de trois mois. Voici un morceau: «La réception des fouilles exécutées à 95%, l’approvisionnement sur le site de la totalité des poteaux bois ainsi que le produit de traitement (Solignum), le démarrage effectif du traitement des poteaux bois, l’arrivée effective, depuis le 23 mars 2008, de l’ensemble des supports HEA entreposés présentement en douane pour les formalités; la totalité des armements déjà confectionnée et entreposée dans notre magasin (…), construction du bâtiment des guichets en phase de finition (exécuté à près de 98%), étude environnementale Agenda 21 exécuté intégralement». Bref, la liste est longue. Et on espère voir enfin le rêve devenir réalité. Le PDG, Mohamed Sogli, a pris un ferme engagement: «Au regard de l’état d’avancement des travaux et des commandes de matériels en cours, nous vous soumettons le planning d’exécution des travaux actualisé que nous nous engageons à respecter religieusement». Puis, une fois de plus, il s’incline devant le DG de GGY, l’entreprise chargée du contrôle, pour présenter ses excuses. Sa correspondance s’achève par deux phrases dignes teintées de tristesse: «Nous réitérons une fois de plus nos sincères regrets pour ce grand retard que nous accusons dans l’exécution de ce chantier dont l’importance pour les populations bénéficières n’est plus à démontrer. Nous vous prions de recevoir, Monsieur le Directeur général, l’expression de nos sentiments respectueux». Mais les mois se sont égrenés sans qu’on ne voit la fin des travaux. 2008 s’est évanouie dans les méandres du passé. Nous sommes en août 2009 et ce n’est pas encore fini! Sacré Sogli! Déjà, le 25 février 2009, une commission s’était rendue à Saponé pour la réception provisoire technique des infrastructures. Mais elle a fait un triste constat. Et elle l’a mentionné dans son procès-verbal: «Retard d’exécution: 17 mois 3 jours». Il y a aussi dans le PV, cette phrase assez floue: «Conclusion: la commission a jugé les travaux conformes hormis les corrections à apporter». En clair, les travaux n’étaient pas conformes. Mais la commission les a jugés conformes, «hormis…». Mais il n’y a pas que ça: «Le réseau n’étant pas sous tension, des essais de mise sous tension n’ont pu être effectués». Les engagements de SOPAM n’étaient-ils que du bluff? En tout cas, cette entreprise continue de faire des promesses… pour la plupart non tenues.
Mais la Directrice du FDE semble comprendre ce tâtonnement: l’entreprise a rencontré, dit-elle, «des difficultés organisationnelles, techniques et financières. Elle a dû changer d’équipe trois fois. Ces problèmes sont liés au fait qu’au Burkina, le secteur privé est jeune; il s’agissait, au départ, de promouvoir l’expertise locale. Or, certaines n’étaient pas suffisamment expérimentées». Et voici Marie Blanche Bado qui prend, elle aussi, un engagement: «D’ici à fin juillet, les travaux seront terminés. Actuellement, c’est le stade des raccordements; il y aura aussi des vérifications pour voir s’il y a des défauts sur la ligne. D’ici à la fin de ce mois de juillet, ce sera terminé». Voici venu le 31 juillet 2009. Nous nous renseignons et il se trouve que les travaux ne sont pas encore terminés.
Il y a aussi eu une terrible cacophonie dans la réalisation des réseaux électriques des localités de Sindou et Douna. Les travaux ont commencé le 27 mai 2005. Délai d’exécution, 9 mois. C’est finalement le 14 février 2008 que le réseau a été mis sous tension. Les travaux ont ainsi duré 32 mois, violant ainsi dangereusement les clauses contractuelles. 23 mois de retard! Et s’il fallait appliquer les pénalités à leur juste valeur, l’entreprise EODA qui s’est chargée des travaux aurait sans doute perdu beaucoup de plumes. Petits calculs: Montant du marché d’électrification de Sindou: 125 317 020 FCFA HT. Pénalités de retard: 58 898 999 FCFA. Le marché d’électrification de la localité de Douna, lui, a coûté 124 710 170 FCFA HT. Ici, les pénalités sont estimées à 58 613 780 FCFA.
La construction des réseaux électriques des localités de Sindou et Douna a été émaillée de multiples problèmes. Selon un membre de l’entreprise EODA, la réception provisoire des infrastructures programmée par cette entreprise a été plusieurs fois rejetée par les membres de la commission. Et même lorsque le réseau a commencé à fonctionner, un gros problème est survenu. 22 juin 2008, 3h du matin. Panne électrique à Sindou et Douna. C’est le noir total. Une petite enquête permet de savoir que le transformateur d’isolement est endommagé. Avait-il été bien installé? Mystère et boule de gomme. Il faut donc le changer. C’est un matériel qui coûte cher et qu’on trouve rarement au Burkina. Mais le FDE réussit à s’en procurer. Il le met à la disposition de l’entrepreneur. Et voici le gros camion qui se dirige vers Sindou et Douna avec le transformateur d’isolement. Mais en cours de route, un malheur survient. Le véhicule se renverse… Le nouveau transformateur est fortement endommagé. Depuis ce triste incident, les deux localités sont dans l’obscurité. De source proche de l’entreprise EODA, on est, à l’heure actuelle, en train de trouver une autre formule. Dans le milieu des entrepreneurs, ça s’appelle le «passage au triphasé». Ce nouveau changement technique nécessitera un apport en matériel et des frais de main-d’œuvre. L’entreprise EODA s’est dite prêt à réaliser les nouveaux travaux, notamment la partie concernant la main-d’oeuvre. Mais elle a posé ses conditions. Il faut que le FDE débourse pour cela, 29 753 936 FCFA. Le Fonds de développement de l’électrification a accepté. Mais jusqu’à présent, Sindou et Douna attendent la lumière tant promise…

Hervé D’AFRICK



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Et les 95 millions?

L’entreprise HACOM a déconné. Elle était chargée d’électrifier les localités de Boussé, Titao, Zabré et Ouagaye. Un marché qui aurait coûté environ 980 millions de FCFA. Mais l’entreprise a commis trop de gaffes. Pour l’une des rares fois, le marché a été résilié. Et l’affaire a été traduite en justice. Plusieurs biens de la société ont été saisis. Selon des sources concordantes, HACOM doit au Fonds de développement de l’électrification, 95 millions de FCFA. Mais le FDE a-t-il pu recouvrer cette somme? Pour le moment, le flou règne sur cette question. «Nous allons nous réunir bientôt pour voir ou est-ce qu’on en est», affirme la directrice générale du Fonds, Marie Blanche Bado. Le Danemark qui a financé le projet d’électrification veut voir clair dans cette affaire. Mais les choses sont tellement lentes qu’on a l’impression qu’on veut cacher quelque chose…
H.D

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Le ministre est-il complice?

Le ministre des Mines, des Carrières et de l’Energie, Abdoulaye Abdoulkader Cissé est bien au courant de la cacophonie qui règne au FDE. Mais il est tellement silencieux qu’on se demande si c’est bien lui qui est le premier responsable du ministère. Les observateurs avertis du fonctionnement du FDE se posent cette question avec insistance. «Le ministre regarde les choses pourrir», affirme un opérateur économique. Plusieurs fois, il a été interpellé sur la question. Plusieurs fois aussi, il n’a rien fait pour mettre de l’ordre. Monsieur le ministre, que se passe-t-il?
H.D

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Où vont nos 2 FCFA?

Le Burkina a des ambitions. Il veut atteindre un taux national d’électrification de 60% en 2015. Dont 35 à 45 % pour les zones rurales. Dans les campagnes, le taux se situe actuellement entre 3 et 4%. Mais pour relever ce défi, il faut de l’argent, beaucoup d’argent. Et comme les bailleurs de fonds ne sont pas toujours aptes à débloquer les sous, l’Etat a trouvé la parade. Il a décidé, en janvier 2009, de puiser 2 FCFA sur chaque kwat/h consommé par les abonnés de la Société nationale d’électricité (SONABEL). L’argent récolté est versé au FDE pour l’électrification rurale. Selon les estimations, le Fonds de développement de l’électrification engrange chaque année, 1, 2 milliards de FCFA, spécialement financés par les abonnés de la SONABEL. L’électrification totale du Burkina devrait coûter, selon les prévisions, 158 milliards de FCFA. L’initiative est bonne. Mais nos deux francs sont-ils bien gérés? That is the question!
H.D
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FDE est différent de SONABEL

On a tendance à confondre les deux structures. Le Fond de développement de l’électrification (FDE) est différent de la Société nationale d’électricité du Burkina (SONABEL). Le premier est spécifiquement chargé de l’électrification rurale. Le deuxième lui, agit dans tous les domaines. Il offre du service public mais tout en cherchant à faire du profit.
H.D