samedi 9 mai 2009

TENTATIVE D’ASSASSINAT DU REPRESENTANT DE B.A.T: Le pistolet Walther P22, la moto Kawazaki et les 10 000 000 FCFA

Le représentant de British American Tobacco (BAT), Travaly Bandyan, l’a échappé belle. Il doit sans doute être toujours en train de rendre grâce à Dieu! Si dans la nuit 8 au 9 octobre 2008, les vigiles qui gardaient sa maison à Ouaga 2000 n’avaient pas bandé les muscles, l’homme aurait été expédié six pieds sous terre. Celui qui devait l’assassiner portait une arme redoutable: un pistolet Walther modèle P22, acheté à un peu plus de 800 000 FCFA. Mais ce n’est pas tout. Pour commettre cette sale besogne, «ils» ont aussi acheté une moto Kawazaki à 1 350 000 francs. L’opération elle-même aurait coûté plus de dix millions de FCFA.

Le pistolet était muni de lunettes laser et d’un silencieux. Il s’agit d’un pistolet Walther P22, calibre 22 LR avec deux chargeurs. Le premier contenait 9 cartouches. Le deuxième, 6. La gendarmerie a aussi saisi un paquet contenant 33 cartouches. Numéro du pistolet: G040452. Cette arme, achetée en septembre 2008, a été mise sous scellés. De même que la moto Kawazaki, acheté le 8 octobre, le jour même où l’assassinat devait avoir lieu. Selon plusieurs sources, l’assassin devait s’enfuir avec cette moto après avoir commis le «sale boulot». Mais l’opération a foiré. Les deux vigiles qui étaient en poste cette nuit-là au domicile de Travaly Bandyan, ont opposé une résistance, empêchant ainsi le présumé meurtrier, Alexandre Traoré, de pénétrer dans la cour. Craignant sans doute d’être appréhendé, «Alex» a rebroussé chemin. Il a ensuite été sommé de rejoindre sa base. Là, on lui a intimé l’ordre de ranger son arme et de monter dans une voiture. Destination? Inconnue. Alexandre Traoré, vigile de son état, a alors senti venir le danger. Il a rangé l’arme mais a refusé de monter dans la voiture. Que faire face à cette situation? Prendre ses jambes à son cou? Sans doute que cette idée lui fourmillait dans la tête comme une incantation. La suite, la voici: il réussit à s’échapper et se réfugie chez l’une de ses connaissances. Mais finalement, quelqu’un lui conseille de se rendre à la gendarmerie. Il s’y rend et déballe aux gendarmes les pages sombres de la tentative d’assassinat. La section de recherches de la gendarmerie nationale décide de voir clair dans cette affaire. Elle opère une descente sur les lieux. Le 9 octobre 2008, deux personnes sont interpellées au secteur 19 de Ouagadougou. Il s’agit du patron de la Brigade de Sécurité privée, Ferdinand Bamogo et d’un vigile, Sié Kambiré. C’est cette société de gardiennage qui assure la sécurité des locaux de la Nouvelle entreprise Salif Kossouka Ouédraogo (NESKO). C’est aussi dans cette société que travaille Alexandre Traoré comme vigile. Pendant l’interpellation, les enquêteurs retrouvent le pistolet qui devait servir à assassiner Travaly Bandyan, avec Sié Kambiré.
Mais la section de recherches de la gendarmerie nationale ne s’arrête pas là. Tous ceux qui sont censés avoir trempé dans cette affaire sont interpellés. Le chef de l’agence NESKO Ouaga et cousin de Salif Kossouka, Issouf Ouédraogo, le patron de la société de gardiennage «Forces de sécurité privée», Ferdinand Bamogo, le présumé assassin, Alexandre Traoré et d’autres vigiles se retrouvent ainsi à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO). La juge d’instruction, Rose Ouédraogo, prend le dossier très au sérieux. La section de recherches de la gendarmerie nationale lui apporte un précieux concour. Mais il manque au juge une carte importante: Salif Kossouka Ouédraogo, l’administrateur général de NESKO. Il est soupçonné d’avoir commandité le coup, de concert avec Issouf Ouédraogo et Ferdinand Bamogo. Mais Kossouka est à l’extérieur du Burkina dans le cadre, dit-il, de ses affaires. Son voyage était selon lui, «programmé de longue date». Le départ devait avoir lieu dans la nuit où Tavaily Bandyan a failli être tué. «Cette fameuse nuit du 8 au 9 octobre, je devais prendre un vol Air France pour l’Hexagone. Malheureusement, pour fait de grève, le vol a été annulé, et je n’ai pu rejoindre Paris que par Royal Air Maroc. Je dois dire que mon voyage sur Paris était programmé de longue date, pour raison d’affaires car nous sommes en fin d’année. C’est dans mon dos que la cabale a été ourdie», explique-t-il, à son retour en décembre 2008, dans une interview publiée dans L’Observateur Paalga. «Ce que vous dites être une affaire n’est qu’un gros montage qui a vite fait pschitt!», a-t-il affirmé avec un air de grandeur et de défi. Mais la suite va vite montrer que cette affaire, contrairement à ce qu’affirme le patron de NESKO, en est une. Le 29 décembre, Salif Kossouka Ouédraogo est convoqué par la Justice. Mais il ne se présente pas. Deuxième convocation: 5 janvier 2009. Cette fois, il répond présent à l’appel. Après l’audition, il est inculpé et mis sous mandat de dépôt. Il rejoint ainsi les autres inculpés à la MACO. Mais pas pour longtemps. Le 16 janvier, il obtient une liberté provisoire. Les autres suspects aussi.
Mais Kossouka est un dur à cuir. Il rejette en bloc les accusations portées contre lui. Et à juste titre. Dans l’interview publiée dans L’Obs, il décoche des flèches sur le représentant de British American Tobacco, Travaly Bandyan: «Je connais physiquement l’individu mais pas personnellement. Vous saisissez la nuance?». Et il se met aussitôt à expliquer: «Je suis le patron d’une holding et le sieur Bandyan est loin des grandes responsabilités qui auraient pu faire de lui un interlocuteur à moi. Il traite avec l’administrateur général adjoint de NESKO et le chef de la division tabac. Et sachez que je ne me suis personnellement entretenu avec lui que deux fois, et ce, dans le cadre professionnel».
Faux, archi faux, rétorque-t-on du côté de BAT. «Kossouka connaissait bien M. Bandyan». Il l’a rencontré à plusieurs reprises, notamment quand le contrat qui liait sa société NESKO à BAT a été résilié. L’administrateur général de NESKO, Salif Kossouka Ouédraogo, s’était montré incapable de se constituer une caution bancaire de deux milliards de FCFA comme prévu dans les accords avec BAT. Selon ces accords, le contrat peut être résilié en cas d’inexécution par l’une des parties. Et c’est ce qui est arrivé. La lettre de résiliation a même été notifiée à NESKO par acte d’huissier le 1er août 2008. Kossouka n’a pu obtenir la caution bancaire de deux milliards qu’après cette résiliation. Très rapidement, il tente de recoller les morceaux. Mais c’était trop tard. La représentation de BAT lui affirme que le contrat résilié ne pouvait plus être rétabli. On lui donne cependant une autre chance: possible en effet pour lui de faire de nouvelles propositions de contrat. La procédure était en cours lorsque la tentative d’assassinat de Travaly Bandyan a sonné la rupture inéluctable du contrat.
Pourtant, en justifiant son «séjour prolongé à l’étranger», Kossouka avait affirmé en grande pompe qu’il s’était rendu au siège de BAT et que les «choses» étaient en bonne voie. Morceau choisi: «J’ai fait plusieurs va-et-vient à partir de Paris, sur Londres, Bruxelles, Genève, Zurich, Cotonou, Abidjan. J’ai d’ailleurs été au siège de BAT à Londres et j’ai eu une séance de travail avec un très haut responsable de Nestlé à Genève (…) Je me suis rendu à Londres pour rencontrer les grands patrons de BAT. Vous voyez qui sont mes interlocuteurs! Ce ne sont pas les petits individus affabulateurs en manque d’imagination que vous rencontrez au coin de la rue à Ouagadougou! Il y a encore des perspectives avec BAT, s’il plait à Dieu». Cette affirmation a dû choquer les premiers responsables de British American Tobacco. Ils ont apporté un démenti catégorique dans un communiqué officiel. Depuis la tentative d’assassinat, disent-ils, il n’y a jamais eu de rencontre avec Salif Kossouka Ouédraogo. Voici un morceau du communiqué: «Au regard des soupçons graves qui semblent peser sur des responsables de NESKO SA, la réunion initialement prévue à la demande de NESKO SA a été purement et simplement annulée. Depuis lors, aucune rencontre ne s’est tenue ni au Burkina Faso, ni en dehors du Burkina Faso entre BAT et une personne directement ou indirectement liée à NESKO SA, contrairement à ce que semble soutenir Salif Kossouka Ouédraogo».
Et quand on lui demande s’il connait Ferdinand Bamogo, le patron de «Forces de sécurité privée», la société qui assure le gardiennage de NESKO, la réponse de Kossouka, brusque et fracassante, tient en une phrase: «Je ne connais ce monsieur ni d’Adam, ni d’Eve». Et le vigile qui serait allé pour liquider Bandyan? «Mais, que non, vous pensez bien!», répond-il de façon un peu laconique. Et Issouf Ouédraogo, celui que vous auriez commis à la basse besogne? «Issouf, mon employé, que je connais bien, ne saurait faire, ni penser à faire du mal à une mouche. Tous ceux qui le connaissent peuvent attester ce que je dis à son propos».
N’empêche, ils sont tous deux inculpés pour «complicité de tentative d’assassinat». On les soupçonne d’avoir financé l’opération. Et à ce qu’on dit, au moins dix millions de FCFA ont été investis dans cette sombre affaire. L’instruction est terminée et le dossier a été transmis au parquet depuis fin février. Mais il risque de traîner pendant longtemps. Le Code de procédure pénale est bancal à certains niveaux: l’article 175 qui régit la question ne fixe pas de délais pour la programmation des procès. L’affaire Kossouka peut donc être rangée dans les tiroirs pendant plusieurs années! La suite dépend de ce que certains appellent «les humeurs du procureur ». Saura-t-il clouer le bec aux mauvaises langues qui n’hésitent pas à affirmer que «quand une affaire déjà instruite dure longtemps en Justice, c’est que la corruption est passée par là»? Attendons de voir. Surtout que dans cette affaire…
Hervé D'AFRICK
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D’où viennent ces armes?

Il se passe des «choses» inquiétantes au «pays des hommes intègres». Des armes circulent mais on ne sait pas, dans la plupart des cas, leur destination. Des revendeurs sans autorisation de vente, se promènent souvent en pleine ville, avec des fusils, des pistolets et des munitions diverses. Le jeu de l’offre et de la demande est simple: si vous en voulez, négociez fort et ils «casseront» les prix. Vous pourrez alors en acheter. Si vous voulez un reçu, demandez et ils vous en donneront. Mais attention: bien souvent, le reçu ne comporte aucune référence. Pas d’adresse, pas de numéro de téléphone, pas de cachet. Juste vos nom et prénom(s), votre contact téléphonique, les références de l’arme, son coût, la date d’achat, les signatures du vendeur et de l’acheteur. Certains prennent la peine de mettre un tampon ou de mentionner le nom d’une société fictive. D’autres par contre ne délivrent pas de reçu. Si vous insistez, ils vous promettent de vous recontacter plus tard. Ils noteront votre numéro de téléphone. Mais pas sûr qu‘ils vous rappelleront. Du coup, vous vous retrouvez avec une arme achetée avec un revendeur sans adresse. Plus grave, vous n’avez aucune autorisation de port d’arme. Vous voilà donc en possession d’un instrument qui peut ôter la vie… Ainsi, tout le monde peut s’acheter une arme… n’importe comment. Il suffit d’avoir du fric. Mais quel usage en fera-t-on? Equation à multiples inconnues. Certaines armes se retrouvent avec des bandits au col blanc. Et lorsqu’elles tombent dans les mains d’individus mal intentionnés, elles peuvent entraîner des conséquences dramatiques. Des armes dont on ignore la provenance, ont ainsi servi à éliminer des vies humaines. Les forces de l’ordre en ont saisi plusieurs fois. Souvent des armes sophistiquées que les flics eux-mêmes n’ont pas dans leur dispositif de lutte contre l’insécurité. Plusieurs fois aussi, elles ont interpellé des malfaiteurs souvent récidivistes. Le phénomène a la peau dure. Des armes continuent de circuler, échappant à tout contrôle. Même celles qui sont soumises au «scanner» des mécanismes de contrôle posent souvent problème. Après l’achat, il n’y a aucun suivi pour voir quel usage on en fera. Certains détenteurs de ces armes sont de moralité douteuse. Et même très douteuse. Ils font de fausses déclarations à l’achat. Ainsi, une fois l’arme en leur possession, tout devient possible. Le problème ne se situe pas seulement au niveau des individus. Certaines sociétés de gardiennage censées montrer le bon exemple, sont pointées du doigt. Comme celle qui emploie le vigile qui aurait tenté d’assassiner Travaly Bandyan, dans la nuit du 8 au 9 octobre 2008. Le pistolet Walther P22 est une arme redoutable. Plus redoutable encore lorsqu’elle est munie de lunettes laser et d’un silencieux. Le représentant de B.A.T au Burkina a vraiment eu de la chance… Vraiment!
Hervé D’AFRICK

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Et B.A.T quitta le Burkina!

La firme britannique British American Tobacco (B.A.T) a vécu des moments difficiles au Burkina. La tentative d’assassinat a eu lieu quelques deux mois seulement après la rupture du contrat entre B.A.T et NESKO, la société dirigée par Salif Kossouka Ouédraogo. Ce dernier n’avait pas respecté ses engagements contractuels. Il n’a pu obtenir une caution bancaire de deux milliards de FCFA. Las d’attendre, le groupe B.A.T a décidé, conformément aux termes de l’accord, de mettre fin au partenariat. Depuis lors, c’est le chemin de croix pour la firme britannique. Elle a contacté un autre importateur local pour la distribution de ses produits. Car B.A.T, en tant que fabricant, ne peut vendre elle-même. Ainsi disposent les textes réglementaires. Mais pour que le nouveau partenaire soit opérationnel, il lui faut une autorisation d’importation délivrée au Burkina. Mais, à ce niveau, il se passe des choses très suspectes. Les demandes déposées ont toutes été rejetées. Pourtant, toutes les pièces exigées y figurent. Dans le milieu des affaires, on n’hésite pas à affirmer qu’il y a «des gourous dans les arènes politiques et économiques qui font la loi; vous avez beau présenter un bon dossier, si vous n’avez pas leur caution, c’est zéro! La roue ne tourne pas pour tout le monde; la leçon est simple: il faut tout faire pour ne pas être opposé à l’un d’entre eux sinon, vous n’allez jamais décoller», affirme un travailleur du ministère des Finances. B.A.T a dû rencontrer sur son chemin un mur en béton. Son nouveau partenaire a tenté en vain d’obtenir les DPI lui permettant de commencer les importations. Mais qui bloque le dossier? Les langues commencent à se délier: «Si Salif Kossouka n’est pas d’accord avec B.A.T et estime que cette dernière lui a porté préjudice, il peut demander réparation en introduisant une requête pour des dommages et intérêts. La Justice tranchera. Mais j’ai l’impression qu’il veut imposer certaines choses. Tout se passe comme s’il voulait obliger B.A.T à ne travailler qu’avec lui», affirme un membre du ministère du Commerce, bien au parfum de l’affaire. Dans le milieu des affaires, la question revient de façon récurrente: qui bloque le dossier du nouveau partenaire local de B.A.T? Certains pointent un doigt accusateur sur un haut responsable du ministère du Commerce. «Il a mis le pied sur le dossier», confie-t-on.
Après de longs mois d’attente, B.A.T s’est vue obligée de plier bagages. Elle doit quitter le Burkina. Et risque de ne pas être la seule. Salif Kossouka Ouédraogo a obtenu d’un juge, le 3 mars dernier, la suspension de toute activité de commercialisation des produits Nestlé par NESTLE Burkina. Là aussi, le boss de NESKO, très endetté, n’avait pas respecté ses engagements, cumulant ainsi les «promesses non tenues» vis-à-vis de NESTLE (Voir Le Reporter N°22 d’avril 2009). Ayant subie de graves préjudices, cette dernière avait finalement résilié son contrat avec NESKO. Et avait créé une filiale au Burkina, NESTLE Burkina, afin de continuer ses activités. Mais Kossouka vient de lui asséner un terrible coup. Va-t-elle, elle aussi, finalement quitter le Burkina? Il reste un dernier acte en justice. On attend de voir si le juge dira le droit, rien que le droit.
Hervé D’AFRICK

1 commentaire:

  1. Je pense qu'un tel comportement de nos gouvernants en dit long sur leur volonté d'attirer les investisseurs étrangers. De nombreux millions ont été dépensés par le premier ministre précédent pour séduire les investisseurs étrangers et voilà que ceux qui sont déjà là comment on les traite. Personne ne viendra investir si c'est pour être victime d'injustice. Je me demande s'ils se rends compte du rôle qu'ils doivent vraiment jouer dans les places respectives qu'ils occupent. Le Burkina Faso doit changer son image. Par aileurs le mot "justice" fait parti de notre dévise. Est ce qu'ils savent ce que veut dire une dévise pensent-ils réellement ce qu'ils disent? Il faut que cela change.

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