samedi 9 mai 2009

LE DROIT DE SAVOIR: Trois questions au Conseil des ministres

Le compte-rendu du Conseil des ministres du 20 mars dernier a suscité moult commentaires dans certains milieux financiers, politiques et diplomatiques. La décision est grave: le gouvernement veut apurer les comptes de gestion antérieurs à 2001; mais il y a des zones d’ombre dans cette opération en perspective. L’un de nos lecteurs, observateur averti du fonctionnement de l’Etat, décortique sans détour le problème et invite le Conseil des ministres à apporter des réponses à trois questions fondamentales…

Suite au compte rendu du conseil des ministres du 20 mars 2009 instituant un comité ad hoc pour proposer un mécanisme d’apurement des comptes de gestion antérieurs à 2001, il me plaît de lui poser les trois questions suivantes en anticipant sur les conclusions de ce comité, qui porteront probablement, soit sur un apurement juridictionnel, soit sur une loi d’habilitation.

I/ Pourquoi l’apurement des comptes pour la période antérieure à 2001 seulement?

- Premièrement, cette période à apurer avait été proposée par la Cour des comptes à sa création en 2000 et on sait que depuis cette date, aucun compte de gestion n’a été jugé selon les dires de son président (cf. sa sortie médiatisée après l’écrit du journal Le Reporter). Cela signifie donc qu’aucun compte n’a été jugé depuis l’existence de ce pays jusqu’à nos jours. Par ailleurs, il est connu que même si l’on parvenait à un apurement jusqu’en 2000, la Cour des comptes serait toujours en retard sur la vérification des comptes de gestion puisqu’elle manque de personnel selon toujours son président (lui qui demande du personnel qu’il n’utilise pas et qu’il finit par remercier). Il va falloir dans cette même logique tôt ou tard créer un autre comité pour un autre apurement. Alors pourquoi s’arrêter aux années antérieures à 2001?
- Deuxièmement, il y a une mauvaise impression qui se dégage de cette période choisie. Rappelons que l’apurement en question consistera (en langage simple), à remettre les compteurs à zéro pour tous les comptes de l’État et de ses démembrements, de même que la responsabilité de ceux qui les ont gérés (ordonnateurs, administrateurs de crédits, comptables publics), c'est-à-dire une sorte d’amnistie générale pour les gérants de ces comptes.
Une telle procédure devrait donc tendre vers la recherche d’une certaine équité et d’une justice pour tous les acteurs impliqués dans la gestion de ces deniers publics.
Or, il est connu que l’actuel président de la Cour des comptes a déjà occupé des postes de Trésorier à Dédougou et à Ouahigouya. Mieux, il a occupé le prestigieux poste de comptable principal du Burkina Faso en tant que Trésorier Payeur Général de 1989 à 1999, soit environ dix ans. Alors pourquoi 2001 et pourquoi pas 2008?

II/ L’actuel président de la Cour des comptes pourra-t-il être indiqué pour gérer cette juridiction après l’apurement des comptes?

Très sincèrement, cela ne devrait plus être possible pour deux raisons :
- premièrement, pour des raisons d’éthique et de déontologie, il ne devrait pas être là ou il est actuellement, car ses propres comptes n’ayant pas été jugés, il est mal placé pour donner des leçons à qui que ce soit. Il aurait dû refuser la nomination;
- deuxièmement, pour lever toute équivoque liée à la Loi organique N° 014-2000/AN du 16 mai 2000, portant composition, organisation, attribution et fonctionnement de la Cour des comptes et procédures applicables devant elle. En effet, l’article 21 de cette Loi stipule que «les magistrats de la Cour des comptes ne peuvent appartenir, ou avoir appartenu dans l’année précédant leur nomination aux services du trésor ou à l’administration des finances. Sont empêchés de siéger les magistrats qui auraient participé comme ordonnateurs ou comptables aux opérations soumises à l’examen de la Cour des comptes».
Cet article s’applique de nos jours aux autres; pourquoi pas à lui?

III/ Est-il vrai que l’Assemblée Nationale refuse de soumettre ses comptes de gestion au contrôle de la Cour des comptes?

Selon des propos tenus par un des premiers responsables du contrôle des finances de l’État, l’Assemblée Nationale refuserait de soumettre ses comptes au contrôle de la Cour des comptes sous le prétexte que celle-ci relève du pouvoir exécutif, donc du gouvernement. Il semblerait même cette fois-ci, selon les dires d’un député, que la Loi portant création de la Cour des comptes citée ci-dessus, aurait été relue dans ce sens en décembre 2007.
En effet, la dépendance administrative de la Cour des comptes vis-à-vis de l’Exécutif est réelle et la Cour confirme même cette dépendance par sa tentative par exemple d’empêcher la nomination d’un cadre en conseil des ministres, sous le motif que ce dernier a un dossier en cours à ses services. Comment peut-on sanctionner sans avoir jugé, surtout que l’intéressé n’est pas le responsable du compte jugé (mais plutôt l’ordonnateur)?
Aussi, que la Cour des comptes soit sous la coupe de l’Exécutif ne peut en rien justifier le refus de soumettre tout un pan important du budget de l’Etat au contrôle juridictionnel. Surtout que ce pan important du budget n’est pas discuté mais tout simplement inséré au budget de l’État. Et qui d’autres mieux que les représentants du peuple doivent lui rendre compte?
Autant d’interrogations sur lesquelles je souhaiterais que le Conseil des ministres apporte des éclaircissements.

Daniel G.

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