Voilà bientôt deux décennies que les vagues de démocratisation soufflent sur le continent africain avec leurs cortèges de réformes politiques et institutionnelles mais qui tardent à produire les évolutions sociopolitiques et économiques attendues. L’on a beau vanter les avancées de l’Afrique du point de vue des performances économiques et de la gouvernance politique, la réalité est là, triste. Contre vents et marées, l’on persiste dans l’erreur de croire que les turbulences dans lesquelles vivent les Africains, seront résolues, comme par magie, au détour d’élections dont la transparence est généralement douteuse. Le drame qui se joue en République démocratique du Congo depuis plus d’une décennie, en Côte d’Ivoire depuis bientôt 7 ans, les coups d’Etat en Mauritanie, en Guinée Conakry et à Madagascar, l’assassinat du Président Nino Vierra en Guinée-Bissau illustrent bien le fait que les démocraties bananières sont sources de tous les dangers en termes de stabilité politique et institutionnelle.
Le problème de fond aujourd’hui, c’est le décalage entre les dynamiques institutionnelles et celles sociales, entre le règne de la mal gouvernance, de la prédation, la volonté de roitelets de s’éterniser vaille que vaille au pouvoir et les aspirations des peuples aux changements et à l’émergence de société de progrès, de liberté, d’équité et de justice. Bref, c’est le fossé toujours grandissant entre les ambitions démesurées de groupuscules d’insatiables qui pillent les ressources publiques tout en affamant la majorité condamnée à la déchéance sociale. La corruption, les détournements de deniers publics, la prise en otage des instruments et mécanismes institutionnels de régulation sociale, la crise des valeurs éthiques et morales ne peuvent que conduire à des situations déplorables comme ce qui vient de se passer à Madagascar.
Si à l’image du Président malgache déchu, Marc Ravalomanana, le dépositaire de l’Etat se livre à des pratiques indignes de la mission que ses concitoyens lui ont confiées, il n’offre plus d’autre choix à ces derniers que de lui donner un successeur, quel que soit le moyen. Les processus démocratiques ne sauraient se limiter à l’organisation régulière d’élections sans transparence ni équité, à la mise en place d’institutions républicaines budgétivores et simplement symboliques. Tant que le pouvoir d’Etat sera concentré entre les mains d’une famille, d’un clan ou d’un individu, tant que les détenteurs de ce pouvoir ne se donneront pas un horizon temporel limité dans l’exercice du pouvoir, il est effectivement légitime que le peuple se révolte et revendique son droit au changement. Et le risque est grand que des opportunistes militaires ou civils, porteurs de projet alternatif de société ou non, s’emparent du désarroi des peuples pour se hisser à la tête de l’Etat. Car dans ces conditions, ce qui importe, c’est la chute du pouvoir en place.
Comme nous l’avons toujours écrit, les révisions intempestives des constitutions pour prolonger le pouvoir des despotes et autres dictateurs sans projet réel de société que leur boulimie, constituent des atteintes graves aux principes démocratiques. Et tous ceux qui se livrent à ces pratiques ne doivent pas être surpris que les peuples fassent recours aux rébellions, aux coups d’Etat, aux désobéissances civiles, bref à la révolte.
Ce qui est encore révoltant, c’est l’attitude hypocrite, à la limite insultante pour les peuples d’Afrique, de la communauté internationale, notamment des puissances occidentales toujours enclines à condamner les coups d’Etat mais qui ferment les yeux sur les dérives autocratiques de certains dirigeants africains qui se rendent coupables ou complices de crimes économiques et de sang, qui s’accrochent contre toutes logiques démocratiques au pouvoir.
Mais c’est peine perdue ! Tant que les tenants du pouvoir ne prendront pas conscience que démocratie et pouvoir à vie sont antinomiques et que quiconque se lance dans cette perspective, court le risque de se voir débarqué du pouvoir, soit par la rue soit par les armes, les coups d’Etat auront encore de beaux jours devant eux en Afrique. Autant l’on ne peut pas cautionner cette forme non constitutionnelle de prise du pouvoir, autant l’on ne saurait accepter que des individus peu scrupuleux, des familles et des clans confisquent la vie de millions de personnes au nom de leurs seuls intérêts égoïstes. Tôt ou tard, les peuples opprimés finissent par se révolter. Et ce n’est que justice!
Boureima OUEDRAOGO
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