samedi 9 mai 2009

EDITORIAL: L’Eléphant va-t-il quitter le parc de Ziniaré?

L’Assemblée nationale a adopté, le 14 avril dernier, la nouvelle loi portant statut de l’opposition. Elle est désormais claire! Ne peut prétendre au statut de chef de file de l’opposition que les partis de l’opposition réelle, c’est-à-dire qui ne siègent pas au gouvernement ni ne soutiennent l’action gouvernementale. Après avoir semé et entretenu le doute pendant deux législatures, le pouvoir en place à travers sa majorité parlementaire, a enfin accepté de rétablir l’opposition dans ses droits. Pourquoi maintenant ? Calcul politique où simple volonté de clarifier le jeu politique? Pour bien des observateurs de la scène politique burkinabè, l’adoption de cette loi marque le point de départ d’un processus de séparation des corps entre le parti au pouvoir, le congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), et l’Alliance pour la démocratie et la fédération, Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA).
L’on se souvient encore qu’après l’adoption de l’ancien texte, c’est le PDP/PS de feu le Pr Ki-Zerbo qui devait être consacré chef de file de l’opposition puisque son parti était classé premier de l’opposition avec 10 députés au terme des législatives de 1997. Ensuite, il y a eu Hermann Yaméogo alors président de l’ADF/RDA, qui devait être investi dans la tunique de chef de file de l’opposition. Mais officiellement, ils n’ont jamais été investis à ce poste. Il a fallu attendre le débarquement de Hermann de la présidence de l’ADF/RDA et l’accession de Me Gilbert Ouédraogo à la tête de ce parti pour que le président de l’Assemblée nationale le consacre premier chef de file de l’opposition en 2003. Mais à la veille de la Présidentielle de 2005, celui-ci, contre toute attente, jette l’éponge pour rejoindre avec armes, bagages et militants la mouvance présidentielle tout en refusant de le reconnaître. Depuis lors, il siège au gouvernement où son parti a obtenu deux strapontins et soutient le programme de Blaise Compaoré. Malgré tout, il ne cesse de clamer qu’il est de l’opposition, contribuant ainsi à semer le trouble dans le jeu politique. Si ce n’est de l’opposition, ce doit être du peuple dont il se moque. En effet, L’ADF/RDA affirme s’opposer au CDP mais soutient le programme du Président Blaise Compaoré. Or, il ne peut y avoir une différence entre le CDP et le programme de Blaise Compaoré, celui-ci étant le géniteur et la raison d’être de ce parti. En s’entêtant dans cette posture à la limite de l’imposture, l’ADF/RDA a réussi à s’auto-exclure doublement.
D’une part, pour avoir opté de soutenir le Président du Faso, elle s’est mise sur le dos les vrais partis d’opposition qui la considèrent avec juste raison comme un parti «vendu». On a déjà entendu à Ouahigouya que Gérard Kango Ouédraogo, le Président d’honneur à vie et son fils, le Président de l’ADF/RDA, «sont allés attacher l’éléphant (l’emblème du parti) au parc animalier de Blaise Compaoré à Ziniaré».
D’autre part, sa prétention à s’opposer au CDP tout en occupant des places qui devraient revenir à des cadres de ce parti, fait de l’ADF/RDA un allié gênant et quelque peu trop ambitieux et prétentieux qu’il ne faut plus encourager et aider dans sa propension à jouer les premiers rôles aux côtés du Chef de l’Etat.
Dans un contexte où le parti au pouvoir qui a connu des moments difficiles, reprend de l’initiative dans le portage politique de l’action du président du Faso, l’urgence de travailler à clarifier le jeu et de mettre de l’ordre autour du Président, s’imposait.
A ce jeu de la souris qui mord et qui souffle, l’ADF/RDA et ses responsables semblent finalement être pris dans leur propre piège. Désormais, Gilbert Ouédraogo et tous ses lieutenants vont devoir choisir la mouvance présidentielle ou quitter le navire gouvernemental pour se retrouver réellement dans l’opposition. Mais le chemin vers l’opposition paraît très long et périlleux et bien des observateurs sont prêts à parier que le fils du Duc du Yatenga ne s’y risquerait. Pour sûr, s’il s’y aventure, il y a de fortes chances que beaucoup de ses lieutenants qui ont gouté aux délices de la collaboration avec le pouvoir, ne le suivent.
En tout état de cause, il faut se réjouir qu’enfin, la loi sur le statut de l’opposition vienne clarifier le positionnement politique de tous les acteurs. Que ceux qui sont opposés au pouvoir s’opposent et ceux qui sont au pouvoir gèrent avec leurs complices, leurs alliés, leurs collabo. Tant pis si cela doit passer par la mise à nu de certains jongleurs politiques. Nul ne saurait se prévaloir de ses propres turpitudes!

Boureima OUEDRAOGO

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