jeudi 12 février 2009

LES NON-DITS DU RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES: Blaise Compaoré épinglé


Le président Compaoré a-t-il lu, entre les lignes, le rapport 2006 de la Cour des comptes? Pas si sûr. Dans le cadre de l’élection présidentielle du 13 novembre 2005, l’Etat lui a octroyé une subvention de 7 692 307 FCFA. Il avait l’obligation de transmettre un rapport financier à la Cour des comptes sur l’utilisation qu’il en a faite. L’article 7 de la loi N° 012-2000/AN portant financement des partis politiques et des campagnes électorales, le somme de le faire dans un délai maximum de trois mois après le jour du scrutin. Donc au plus tard le 13 février 2006. Mais «Son Excellence» n’a pas respecté la loi. Quatre autres candidats qui convoitaient le fauteuil présidentiel sont aussi sur le ban des accusés. La Cour les a épinglés. Mais dans son rapport, il y a un flou artistique total. Elle a masqué les noms de ces «dinosaures politiques» qui ont pris et dépensé, on ne sait de quelle façon, l’argent du contribuable burkinabè. Le hic, c’est que ce n’est pas la première fois qu’on assiste à ce «pillage légalisé» du trésor public. Mais il n’y a jamais eu de sanction.

Feuilletez le rapport 2006 de la Cour des comptes, de la première à la dernière page. Vous ne verrez nulle part le nom de Blaise Compaoré. Pourtant, il a été pris dans les filets. Faites une halte à la page 213. Vous verrez d’abord un gros montant: 99 999 991 FCFA. C’est la subvention octroyée aux 13 candidats à l’élection présidentielle de 2005. Chacun a reçu 7 692 307 FCFA. La date limite de dépôt du rapport financier à la Cour des comptes est clairement stipulée dans l’arrêté N°2005-0075-MATD/MFB du 20 octobre 2005 relatif à la répartition des fonds. La loi portant financement des campagnes électorales est tout aussi claire. Article 7: «L’organe dirigeant national d’un parti ou un candidat ayant bénéficié d’un financement public est tenu de rendre compte dans un rapport financier, de l’utilisation des fonds publics reçus dans le cadre de sa campagne électorale». Et ce n’est pas tout: «Ce rapport financier, certifié et affirmé sincère par la structure compétente du parti ou par le candidat lui-même, est transmis, dans les trois mois suivant le jour du scrutin, à la Cour des comptes qui vérifie la conformité de l’utilisation du financement avec les dispositions de la présente loi». Mais c’est mal connaître certains partis et certains candidats. Ils s’en foutent de cette loi. Des personnalités politiques, parmi lesquelles de gros bonnets, qui aspiraient à diriger le pays ou à se réinstaller dans le fauteuil présidentiel en 2005, ont foulé aux pieds les règles du jeu. La juridiction supérieure de contrôle des finances publiques l’a écrit, noir sur blanc, dans son rapport: «Sur un total de 12 candidats, sept ont respecté le délai légal de dépôt de leurs rapports financiers. Cinq n’ont déposé aucun rapport». Aucun! Mais qui sont les fautifs? Vous ne verrez aucune réponse à cette question dans le rapport. Les auteurs du document public… ont délibérément choisi de ne pas rendre… public les noms des personnalités concernées. Donnant ainsi un coup de poignard à «dame transparence». Ne tournons pas autour du pot: la date du 13 février 2006 est passée sans que Blaise Compaoré (CDP), Gilbert Bouda (PBR), Toubé Clément Dakio(UDD), Philippe Ouédraogo (PDS) et Nayabtigungu Congo Kaboré (MTP) ne justifient auprès de la Cour, l’usage qu’ils ont fait de l’argent public. Seuls Me Bénéwendé Sankara (UNIR/MS), Soumane Touré (PAI), Norbert Tiendrebéogo (FFS), Ali Lankoandé (PDP/PS), Pargui Emile Paré (MPS/PF), Laurent Bado (PAREN) et Ram Ouédraogo (RDEB) ont respecté le délai. Pourtant, l’article 16 de la loi portant financement des activités des partis politiques et des campagnes électorales est catégorique: «Le parti qui n’aura pas déposé, dans les délais prescrits, son rapport financier de campagne ou hors campagne électorales, perd son droit à la subvention de l’Etat pour la toute prochaine campagne électorale ou pour l’exercice suivant la décision de la Cour des comptes». Mais il ne faut pas trop rêver ; il risque de ne jamais avoir de sanction.

Jeu de cache-cache

Jugez-en vous-même. Ce n’est pas la première fois qu’ «ils» dépensent l’argent du contribuable sans pièces justificatives. En 2002, une subvention de 299 999 992 FCFA a été octroyée aux partis politiques. Trente d’entre eux devaient participer, cette année-là, aux élections législatives. Ils se sont répartis 200 000 000 de FCFA. Le CDP, l’ADF/RDA, la CAD, la CFD, le PAI et le PAREN se sont taillé la part du lion. Chacun a eu 12 599 319 FCFA. Le FFS a obtenu 11 010 216 FCFA, la CPS 10 896 708 F, le PNP 10 783 201 F, l’UNIR/MS 10 896 708 F. La CNDP, le PPDS et le PDS ont obtenu respectivement 9 194 098 F, 8 513 053 F et 7 150 965 FCFA. L’APL a eu la même somme que le PDS; l’UNDP 6 696 935 F, le PSU 5 561 862 F, l’UDPI et le FPC 4 199 773 FCFA. Au bas de l’échelle, il y avait l’UPD/PT et le RPP Gwasigi avec 2 270 147 FCFA chacun, le RDR 2 610 670 F, le PNR/JV 2 497 162 F, l’UDD 1 135 074 F, le RDP et le PFID 1 021 566 francs chacun. Mais dès qu’ils ont empoché les sous, certains ont commencé à faire un jeu de cache-cache. Ils devaient justifier l’utilisation des financements reçus au plus tard le 5 aout 2002. Mais c’était mal les connaître. Le 6 août, la Cour des comptes n’avait reçu que quatre dossiers. Seuls le GDP, le PFID, le PAREN et le FFS avaient respecté les clauses. Le «grand» CDP, l’ADF/RDA, le PAI, le PDP/PS et les 22 autres ont violé la loi… sans qu’elle ne crie. Il n’y a eu aucune sanction. Tant pis pour l’article 16! La Cour des comptes sait bien que ces partis sont dans l’illégalité totale. Mais elle a apparemment décidé de s’habiller de la tunique de «complice». Après la date limite de dépôt des rapports financiers, certains partis, sentant que le magot risquait de leur échapper à la prochaine répartition, ont tenté de colmater les brèches. Ils ont fortement négocié pour déposer leurs dossiers. La Cour a accepté. Mais certains leaders ou partis qui aiment bien souvent se vanter, sont des récidivistes notoires. Chaque fois, ils bénéficient des financements publics mais jamais ils ne rendent compte. Et jamais ils ne sont inquiétés.
Aux législatives de 2002, trois partis ont obtenus «au moins 5% des suffrages exprimés, au prorata du nombre de suffrages». Ils ont bénéficié de 50 millions de FCFA, conformément aux modalités prévues par l’arrêté N°2002-239/MATD/MEF du 17 juin 2002. Le CDP (68, 63% des suffrages) a obtenu 37 101 308 F, l’ADF/RDA (13, 66%) 7 384 582 FCFA et le PDP/PS (10, 20%) 5 514 110 FCFA. Mais il n’y a pas que ça. 28 partis politiques ont reçu, chacun, 1 785 714 FCFA. La raison invoquée est trop banale: ils sont officiellement reconnus, sont à jour au regard de leurs statuts et ont participé au moins à un scrutin. Rien de plus.
Les partis politiques bénéficient ainsi, même hors campagne électorale, de l’argent frais du trésor public. Ces deux derniers financements s’inscrivent dans ce cadre. Mais lorsqu’il s’est agi de rendre compte au plus tard le 31 mars 2003, très peu ont répondu à l’appel. Il s’agit de l’UDPI, du RDP, du FFS, de l’UFD, des l’UFDP, du GDP, de l’UDF, du PNP, du RDR, du PAREN et du PPDS. Les gros calibres de la mare politique ont encore violé la loi. Le CDP, l’ADF/RDA, le PAI, le PDP/PS et plusieurs autres bénéficiaires de l’argent du contribuable étaient absents de la liste. Là encore, pas de sanction. Pauvre article 16!
Même pagaille en 2003 et 2004. Les partis ont reçu des subventions pour leurs activités hors campagne électorale. La juridiction supérieure de contrôle des finances publiques a donné un coup de pied dans la fourmilière. Il s’est aussitôt dégagé une odeur nauséabonde. Elle l’a écrit dans son rapport 2005, page 269: «A l’issue des contrôles, la Cour des comptes a relevé de nombreux cas de non respect de la légalité dans l’utilisation de ces subventions»: non respect de la procédure des dépenses publiques, factures non certifiées, non acquittées, absence de pièces justificatives, utilisation de décharges comme justificatifs, non ouverture d’un compte spécial pour la gestion de la subvention de campagne électorale, non production des rapports financiers et des bilans comptables, non respects des délais de transmission, rapports financiers non certifiés par des organes compétents. Bref, la liste est longue. Certains partis n’ont pas fait de rapports financiers mais ont juste présenté à la Cour, un récapitulatif de recettes et de dépenses. Le hic, c’est qu’en la matière, les années se suivent et se ressemblent. Dans son rapport 2006, la Cour fait les mêmes constats. Elle brandit encore la loi N°12-2000/AN du 2 mai 2000. Morceaux choisis: ‘Article 6: «La subvention est versée dans un compte spécialement ouvert à cet effet. Article 7: «Le rapport financier doit être certifié et affirmé sincère par la structure compétente du parti ou par le candidat lui-même»’. La certification du rapport «est obligatoire». Sinon, elle n’a aucune «valeur juridique», précise la Cour des comptes à la page 214 de son rapport 2006.

Jeu de massacre

Mais la Cour elle-même se trouve dans un imbroglio. Elle a du mal à statuer sur les dossiers déposés. Dans son rapport 2003-2004, elle finit par passer aux aveux: «La loi ne définit ni le rapport financier, ni le bilan comptable». La Cour est finalement perdue. Elle ne sait pas à quoi s’en tenir. Elle finit par s’agripper à l’article 7 de la loi portant financement des activités des partis politiques et des campagnes électorales. Cet article est pourtant trop léger. Il subordonne la validité du rapport financier et du bilan comptable à la simple signature et à la certification de sincérité par l’organe dirigeant du parti ou par le candidat en cas d’élection présidentielle. Il n’y a aucune autre précision. Mais il y a plus grave: la loi ne fait pas obligation aux partis politiques de joindre les pièces justificatives aux rapports financiers.
Cette situation cloue au pilori la Cour des comptes. Boureima Pierre Nébié et son équipe optent pour la clémence. Suite aux contrôles sur l’exercice 2002, ils ont décidé «qu’à titre exceptionnel, il ne soit pas fait application des sanctions dans le cadre du présent contrôle». Mais en 2003, 2004, 2005…, il n’y a pas non plus eu de sanction et les partis politiques fautifs continuent de se la couler douce. Sans aucune justification! Sans aucune sanction non plus. Aucune instance juridictionnelle n’a non plus entamé une procédure quelconque pour recouvrer les fonds du fait du non respect de la loi. Jusqu’à présent, rien n’a changé. «C’est un pillage légalisé du trésor public», tranche catégorique, un haut cadre de l’Administration. Le danger, c’est que le CDP, parti majoritaire, qui a en charge la gestion du pays et qui n’ignore certainement pas comment se fait un rapport financier, s’adonne «à cœur joie» à ce jeu de massacre. Et il sera encore financé. Et «il ne rendra pas compte». «C’est ainsi qu’ils bouffent l’argent du peuple», s’offusque un professeur de droit de l’Université de Ouagadougou. Il observe un bref silence puis reprend son souffle: «Ce qui frustre le plus, c’est que Blaise Compaoré lui-même, qui a succédé à Thomas Sankara et qui dit vouloir la démocratie, ne montre pas le bon exemple. Ne pas rendre compte de l’utilisation qu’on fait de l’argent public est un acte grave. C’est dommage qu’au sommet de l’Etat, il se passe des choses aussi graves».
Ainsi, l’argent du contribuable continue d’être réparti entre les partis politiques: 400 millions de FCFA pour les législatives du 6 mai 2007. 47 partis s’en sont régalés. 499 968 876 FCFA pour les activités hors campagne électorale en 2008. Quatre partis sont passés à la caisse: le CDP a empoché 421 225 024 FCFA, l’ADF/RDA 77 354 961 FCFA, l’UDF et l’UFP, 694 444 FCFA chacune. Ont-ils déposé leur rapport financier? Question à multiples inconnues.
Et comme la République elle-même semble être inactive pour régler cette question, le flou est de plus en plus persistant sur la gestion des fonds octroyés aux partis ou aux candidats. On assiste à toutes sortes de manipulations de chiffres. Donc à des surfacturations. Ainsi, dans ce que l’on appelle communément les «faux frais», figurent souvent de fausses factures sur lesquelles sont portées des adresses fictives. Certains leaders de partis sont injoignables aux numéros de téléphone et aux adresses qu’eux-mêmes ont transmis à la Cour. Dans son rapport 2003-2004, cette dernière leur adresse une phrase assassine: «Bon nombre de partis politiques n’ont pour siège qu’une simple boîte postale». Et comme les fonds sont directement remis aux mandataires des partis ou du candidat, il n’y a pas de «traçabilité». La subvention devrait être versée dans un compte spécialement ouvert pour cela. Mais de nombreux partis, «fiers du pillage légalisé» de l’argent du contribuable, préfère ne pas créer de compte bancaire. Cela leur permet de «mieux bouffer», surtout que jusque-là, personne n’est venu leur dire de rembourser.

Polémique à la Cour des comptes

Il y a eu, en 2004, un accrochage à ce sujet entre la Cour des comptes et le Parquet général. Le Parquet, voyant se cumuler les irrégularités multiples et multiformes, a tapé du poing sur la table. Morceau choisi: «Le ministère public requiert, qu’il plaise à la Cour d’en tirer toutes les conséquences de droit et dire que ces partis politiques qui n’ont pas déposé dans les délais prescrits par la loi leurs rapports financiers de campagne (5 mai 2002) ou hors campagne électorale, perdent leurs droits à la subvention de l’Etat pour la toute prochaine campagne électorale ainsi que pour l’exercice budgétaire suivant». La réponse de la Cour des comptes? La voici: «Nous n’avons pas cru devoir suivre cette position en nous fondant d’une part sur les difficultés d’application des textes et d’autre part, sur le fait que le délai qui nous avait été imparti pour la notification de notre décision était expirée». Cet accrochage a rendu la situation très préoccupante. Il a provoqué une vive polémique à la Cour des comptes. Le 14 juin 2004, un référé a été adressé au ministre des Finances et du Budget. Deux jours après, un autre a été transmis au ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. Les deux référés portent un message urgent: que des mesures correctives soient mises en œuvre dans un délai de trois mois. Mais ces ministres de la République ont sommeillé sur le dossier. Des années se sont écoulées sans qu’il n’y ait de mesures correctives. La loi portant financement des activités des partis politiques et des campagnes électorales, n’a pas encore été corrigée. La Cour des comptes continue de travailler dans l’opacité. Une vraie pagaille! La plupart de ses recommandations sont classées sans suite. Voici la dernière: «La Cour recommande la prise de dispositions par les services du Trésor pour le virement de la subvention dans un compte spécialement ouvert à cet effet; l’application effective des sanctions dans le souci de garantir le respect de la loi par les partis politiques et leurs candidats; la mise en œuvre de la sanction consistant en la perte du bénéfice de la subvention au titre de la prochaine campagne électorale pour les candidats défaillants». Ces recommandations seront-elles appliquées? Question à multiples inconnues. En attendant de le savoir, certains partis politiques ou leurs candidats continuent de provoquer une hémorragie financière grave pour le Budget de l’Etat. Et cela risque, si l’on n’y prend garde, de mettre, à la longue, la République sous perfusion. Le candidat Blaise Compaoré, qui a remporté l’élection présidentielle de 2005, est sur la «liste noire» de la Cour des comptes. Comment vont réagir le Premier ministre Tertius Zongo et l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat? Mystère et boule de gomme.

Par Hervé D’AFRICK

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Comment nous avons «réveillé» la Cour des comptes

L’une de nos enquêtes en début 2007 nous avait conduit à la Cour des comptes. Nous voulions le tout premier rapport public (2003-2004) de cette haute juridiction. C’est elle qui contrôle la gestion des finances publiques. Mais jamais la Cour ne nous a remis ce rapport. Nous avons insisté et insisté, en vain. Il a fallu que nous passions par d’autres sources d’informations pour l’avoir. Nous avons appris après que le rapport était classé top secret. Le Réseau national de lutte anti-corruption (RENLAC) avait lui aussi tenté en vain de l’obtenir. Le premier article du «Reporter» sur la Cour des comptes s’est achevé par une note triste. Voici un morceau: «La Cour des comptes continue ainsi de travailler dans l’opacité. Et elle est de plus en plus l’objet de critiques. Dans son rapport 2005, le REN-LAC fait un triste constat: «la Cour est censée établir un rapport public annuel et des rapports particuliers (…). Ces rapports doivent être mis à la disposition des citoyens qui, en tant qu’électeurs et contribuables, ont un droit de regard sur la gestion des biens de la nation (…). Mais jusqu’à présent, son premier rapport n’est pas publié». Apparemment, la Cour ne veut pas qu’on regarde dans sa casserole. Pendant près d’un mois, nous avons tenté, souvent avec insistance, d’avoir un rendez-vous. En vain. «La personne que vous devez voir est occupée», nous a déclaré une secrétaire. Et son suppléant? «Lui aussi est occupé. Laissez votre numéro de téléphone; on vous rappellera; c’est sûr!». Le coup de fil se fait attendre, jusqu’à cette phrase, dernière de ce journal à avoir été écrite».
Lorsque l’article est paru, la Cour s’est quelque peu affolée. L’un des présidents de chambre nous a joint par téléphone. Il était d’abord surpris que nous ayons eu le rapport. Ensuite, il a fait une promesse: «Vous avez tout à fait raison. La loi nous oblige à rendre public notre rapport annuel. Je vous promets que désormais, tout se passera de façon officielle. Nous allons inviter les journalistes; nous allons même tenir des conférences de presse. Votre article nous permettra de nous corriger au fur et à mesure». Le rapport public qui a suivi, celui de 2005, a été effectivement mis à la disposition des journalistes. Il a même fait des vagues. Le maire de Ouagadougou, Simon Compaoré, ne l’oubliera pas de sitôt. Il a été sérieusement secoué par les contrôles relatifs à la réfection de l’hôtel de ville. Lors d’une conférence de presse, il avait crié, tempêté, contre-attaqué, indexé, accusé et même voulu «casser la baraque». Simon a nié avoir trempé dans cette scabreuse affaire d’attribution de marché à plus d’un milliard de FCFA. La suite de ce dossier, c’est qu’il n’y a pas eu de suite. Le maire n’est pas «n’importe qui», affirme l’un de ses collaborateurs.

Hervé D’AFRICK

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Vide juridique

La loi portant financement des activités des partis politiques et des campagnes électorales est floue. Dans le lot des incohérences, il y a l’article 18. Il évoque l’application de sanctions (au pluriel) sans les définir. S’agit-il de sanctions autres que celui prévu à l’article 16 de cette loi? Cet article parle du non renouvellement temporaire de la subvention. Le problème, c’est que l’article 18 ne renvoie pas à l’article 16. Alors, de quelles sanctions s’agit-il? Les sanctions prévues à l’article 18 ne visent pas à réprimer la non production des rapports financiers. L’article en question permet à la Cour des comptes de faire pression sur les partis politiques afin qu’ils répondent à ses injonctions lorsqu’elle leur demande de réparer les irrégularités qu’ils ont commises. «Faute de réaction appropriée, le parti politique est passible de sanctions». C’est la dernière phrase de l’article 18. On ne sait pas la nature des sanctions. S’agit-il de recouvrer le montant des dépenses non justifiées? S’agit-il d’infliger une amende en cas de non réponse ou de réponse insatisfaisante à une injonction? Sur ces questions, la loi est muette. Et donne ainsi la liberté aux partis politiques fautifs de «vider» les caisses de l’Etat en toute impunité.

Hervé D’AFRICK

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Faut-il plafonner les dépenses publiques?

Certains partis politiques ont trouvé de bonnes formules pour détourner les subventions octroyées par l’Etat. Et ils affirment être dans leur bon droit. Un leader politique nous a déballé ses convictions: «Si vous donnez des billets de banque à des militants, vous faites une consultation chez un marabout, vous achetez quelque chose dans le secteur informel, etc., comment vous allez justifier ça?». Et si on plafonnait alors les dépenses qui, apparemment, échappent aux exigences comptables? Possible. Mais pour le moment, il y a un vide juridique.

Hervé D’AFRICK
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Près de 150 partis politiques au Burkina

Il y a une floraison de partis politiques au Burkina: 105 le 3 février 2005, 126 le 26 février 2007 et 140 en février 2008. La liste va bientôt s’allonger. Une dizaine de nouveaux dossiers ont été validés par le ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation. Il ne reste qu’à introduire ces nouveaux partis dans le fichier. Leur nombre passera ainsi à environ 150.

Hervé D’AFRICK

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Politiquement incorrect?

L’Etat a débloqué beaucoup d’argent dans le cadre des législatives du 6 mai 2007. 47 partis sont passés à la caisse. Ils se sont répartis 400 millions de FCFA. La somme débloquée en 2008 pour les activités hors campagne électorale, était plus importante: 499 968 873 FCFA. Mais là, il n’y avait que deux gros partis: le CDP et l’ADF/RDA. Ils ont obtenu au moins 5% des suffrages aux législatives de 2007. Cette performance a permis au CDP (61, 53%) d’engranger 421 225 024 FCFA et à l’ADF/RDA (11, 29%) d’empocher 77 354 961 FCFA. Il reste donc 1 388 888 FCFA. Cette somme a été répartie à parts égales entre deux petits partis: l’Union démocratique du Faso (UDF) et l’Union des forces progressistes (UFP). L’arrêté portant répartition des fonds, signé le 20 novembre 2008, par le ministre de l’Economie et des Finances, Lucien MarieNoel Bembamba et le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Clément Sawadogo, semble être à géométrie variable : «La somme de 1 388 888 francs CFA est répartie entre les partis politiques reconnus, à jour eu égard à leurs statuts et ayant pris part à au moins à un scrutin». Ainsi, l’on pourrait conclure que tous les autres partis, à part l’UDF et l’UFP, soit ne sont pas reconnus, soit ne sont pas à jour eu égard à leurs statuts, soit n’ont pas pris part à au moins un scrutin. Dans le pire des cas, ils ne sont conformes à aucune de ces exigences. Ce que contestent de nombreux partis politiques. «La loi sur le financement des activités des partis et des campagnes électorales est floue», affirme un juriste. Il préconise que l’Assemblée nationale examine urgemment ce problème pour éviter qu’on continue de dilapider les fonds publics». Sera-t-il entendu? Lui-même n’en est pas sûr. «Il est évident que certains partis, et non des moindres, vont s’opposer à cette initiative. Parce que ça leur enlèvera le pain de la bouche», conclut-il, pessimiste, avant de revenir à la charge: «C’est un impératif majeur pour assainir la gestion des finances publiques». Et voici son regard qui se tourne vers le Premier ministre: «Peut-être que si Tertius Zongo prend à bras-le-corps ce dossier, ça va aller».

Hervé D’AFRICK

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Grattez! Y a des noms derrière!

Il y a beaucoup de zones d’ombres dans les rapports publics de la Cour des comptes. Les dossiers concernant les hautes personnalités de l’Etat semblent bénéficier d’un traitement particulier. Bien que ce soit des affaires graves, les noms des personnes concernées sont assez souvent masqués. Si on s’en tenait au rapport public, nul n’aurait peut-être jamais su, à part ceux qui sont dans le secret des dieux, que l’ex-Premier ministre Paramanga Ernest Yonli, actuel ambassadeur du Burkina aux Etats-Unis, l’ex-ambassadeur du Burkina en France, Filippe Savadogo, actuel ministre de la Culture, du Tourisme et de la Communication, porte-parole du gouvernement , et l’ex-ministre de la Justice, Seydou Badini, actuel représentant de Blaise compaoré dans le dialogue direct inter-ivoirien, l’ex-président de la Fédération burkinabè de football, Seydou Diakité ont été épinglés suite à des irrégularités multiformes dans une affaire de villas vendues à crédit (Voir Le reporter N°19 de janvier 2009). Leurs noms ne figurent nulle part dans le rapport public. De même que les identités de Blaise Compaoré et des autres leaders politiques qui n’ont pas rendu compte de la gestion des fonds publics qui leur ont été octroyés dans le cadre de l’élection présidentielle de 2005. A la page 213 du rapport 2006, la Cour affirme que l’un des candidats n’a pas retiré son chèque. Mais elle ne dit pas de qui il s’agit. C’est Hermann Yaméogo de l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD). Il s’était retiré de la course vers le fauteuil présidentiel. Mais le logo de son parti n’avait pas été retiré de la course.
Le flou ne règne pas seulement dans l’arène politique. A propos de l’attribution des marchés, il y a des «choses bizarres» mais on ne sait pas qui se cache derrière. Voici un morceau du constat de la Cour des comptes concernant ceux attribués par la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS): «Il a été constaté le paiement d’avance de démarrage à des taux supérieurs aux taux règlementaires fixés. C’est le cas du marché N°2004/005/DG/SG/DIGI du 22 mars 2004 de 717 000 000 de FCFA HT et du marché N°2004/003/DG/SG/DIGI du 22/03/04 de 529 500 000 FCFA. L’avance de démarrage de ces deux marchés a été calculée à des taux de 30% au lieu de 10%. Par ailleurs, des avances de démarrage ont été payées pour des lettres de commande alors que la réglementation l’interdit. C’est le cas des lettres de commande N°2004/033/DG/SG/DIGI du 26/08/2004 de 15 361 400 FCFA; N°2004/034/DG/SG/DIGI du 26/08/2004 de 15 480 400 FCFA; N°2004/035/DG/SG/DIGI du 26/08/2004 de 15 361 400 FCFA; N°2004/039/DG/SG/DIGI du 26/08/2004 de 15 361 400 FCFA; N°2004/038/DG/SG/DIGI du 30/08/2004 de 15 361 400 FCFA». Grattez, il y a de gros opérateurs économiques derrière! Ce n’est pas la peine de feuilleter le rapport de la Cour des comptes. Vous ne verrez aucun nom concernant ces marchés.

Hervé D’AFRICK

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