Notre article sur «les non-dits» du rapport de la Cour des comptes a troublé le sommeil de certaines «personnalités de la République». La juridiction supérieure de contrôle des finances publiques les a épinglées pour des irrégularités multiformes mais avait masqué leurs identités. Nous avons réussi à les démasquer. Et cela suscite moult commentaires. L’ex-directeur général de la CNSS et ex-ministre de la Justice, Boureima Badini, apporte sa version dans ce droit de réponse qu’il a «balancé» dans notre boite électronique.
Le journal mensuel «Le Reporter» N° 19 de janvier 2009, exploitant selon lui le dernier rapport de la Cour des Comptes, a publié un article dans lequel il mettait en cause certaines personnalités de la République dans des «prêts» accordés par la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) et non encore remboursés. Pour le cas spécifique de Monsieur Badini Boureima, ancien Directeur Général de l’institution, ce «prêt a été accordé illégalement».
Je voudrais, sans polémiquer, apporter quelques éclairages sur le sujet.
Bref historique
La CNSS a été sollicitée par l’Etat pour construire 50 villas à Ouaga 2000 dans le cadre de l’organisation du Sommet FRANCE-AFRIQUE en 1996 et 25 villas à Bobo pour la CAN’98. Le Conseil d’Administration a donné son accord pour ces opérations, mais a décidé de revendre ces villas après, afin de rentrer dans ses fonds. Les journaux ont largement publié les offres de vente à l’attention des burkinabè (coût, durée de paiement,…). C’est dans ce cadre que les personnalités mises en cause ont postulé, comme beaucoup d’autres citoyens.
Est-ce un prêt ?
De la compréhension de l’article du journal, on croit que la CNSS a sorti de ses caisses de l’argent frais pour remettre à chacun afin qu’il s’achète une villa, ce qui n’est pas normal car sa vocation n’est pas de faire des prêts d’argent à des particuliers. Il s’agit ici d’une vente à crédit de villas construites par la Caisse. Ce crédit est étalé sur 05 ans, assorti de conditions de paiement.
Il se peut que, pour de multiples raisons, certains n’aient pas pu honorer les échéances ou respecter le délai de paiement imparti dans le contrat de vente immobilière. Certaines dispositions du contrat suggèrent alors des solutions à la CNSS pour se faire payer.
Mon objectif dans cette démonstration n’est pas de dédouaner qui que ce soit du non respect des échéances ou du délai de paiement, mais d’insister sur le fait que chacun était dans une relation contractuelle régulière, transparente et personnelle avec la CNSS.
Le «prêt accordé à M. Badini est-il illégal» ?
Comme démontré plus haut, il ne s’agit pas d’argent frais sorti des caisses de la CNSS au profit de M. Badini, mais d’une vente d’une villa à crédit. Je me suis porté acquéreur après l’accord de mon Ministre de tutelle en 1999. Ensuite, en toute transparence, j’ai adressé une lettre au Conseil d’Administration pour l’informer de ma décision de postuler à l’offre de vente et surtout solliciter une faveur pour acquérir cette villa en 10ans. J’ai argumenté notamment sur l’opération de plus de 80 villas AZIMMO réalisée au profit des travailleurs de la Caisse sur une période de 20ans maximum. Par sa délibération N° 99/ 001 du 10 mars signée le 17mars 1999, la Commission Permanente, au nom du Conseil d’Administration, a marqué son accord pour le principe de la vente des villas aux agents de la CNSS qui en seront intéressés et a fixé le délai maximum de paiement à dix (10) ans.
De tout ce qui précède, où est l’illégalité de l’opération du contrat de vente de villa établi entre M. Badini et la CNSS ? A moins que le terme «aux agents de la CNSS» ne s’applique pas à moi…Pourquoi alors si tel est le cas ?
Pour le paiement, cela se fait malgré les retards constatés dans le délai contractuel de 10 ans qui court toujours.
Conclusion
Je n’ai pas eu l’avantage de prendre connaissance du rapport de la Cour des Comptes. J’ai cependant foi que le Gouvernement a eu raison de la créer et qu’elle s’imposera à la bonne gouvernance par ses rapports annuels objectifs et justifiés. Je crois en cela aux hommes et aux femmes qui l’animent et que j’ai eu la faveur de connaître.
Boureima BADINI
NDLR: Nous saluons d’abord votre souci de nous aider à éclairer davantage la lanterne de nos lecteurs par rapport à cette sombre affaire de vente à crédit de villas de la CNSS. Avant d’en arriver au fond de votre réaction, nous dénonçons la regrettable attitude que vous avez eue à notre égard en envoyant le droit de réponse adressé au «Reporter» à d’autres journaux. En tant que magistrat, vous savez mieux que quiconque qu’au terme des dispositions du Code de l’information, autant vous avez le droit d’apporter votre version des faits sur un article qui vous incrimine, autant vous devez adresser ce droit de réponse au journal qui a publié l’article. Nous ne vous ferons pas l’injure de croire que vous ne le savez pas.
Quant au fond, nous soulignons humblement que vous avez eu tort de réagir sans avoir lu au préalable le rapport de la Cour des comptes. Ce rapport précise à la page 197 qu’à la date du 30 /12/ 2004, les montants échus (c’est-à-dire ce que vous devriez avoir versé) «s’élèvent à la somme de 26 457 700 F» alors que vous n’aviez payé qu’environ 4 millions de FCFA. C’est écrit noir sur blanc. Ce n’est pas Le Reporter qui le dit. Et il n’y a pas que ça. La clause pénale vous a été appliquée pour n’avoir pas respecté les clauses du contrat que vous avez signé de vos propres mains. Lisez le rapport, Excellence monsieur l’ex-ministre de la Justice!
Sans chercher à polémiquer sur les terminologies «prêts» ou «vente à crédit de villas», nous vous invitons à relire l’article. Nulle part, nous n’avons écrit qu’il s’agissait de «l’argent frais sorti des caisses de la CNSS». Bref, nous vous invitons, en votre qualité d’ancien Directeur général de la CNSS et d’ancien ministre de la Justice, à revisiter la gestion de cette Caisse nationale de sécurité sociale. Ce qui s’est passé est grave, très grave et indigne de se produire dans un pays dit «pays des hommes intègres». Lisez le rapport de la Cour des comptes de la page 184 à 211. C’est triste et lamentable. Nous prenons tout de même acte des informations que vous avez apportées. Pour le reste, il nous semble que ce droit de réponse devrait être un mémoire en défense à adresser à la Cour des comptes.
La Rédaction
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