samedi 17 janvier 2009

MINE D’OR DE YOUGA: Le torchon brûle

A Youga, la lune de miel semble finie. Ce village qui abrite le site minier ne voit pas grand-chose arriver. Un vieux assis à l’ombre d’un manguier et qu’on surnomme délégué est plutôt amer. Il fait appeler des jeunes qui suivent le dossier. Ce sont des membres de l’association Namanegtenga. Parmi eux, un conseiller municipal qui synthétise les problèmes: «La grosse question ici, c’est l’eau sale du bassin contenant du cyanure qui se déverse dans la rivière».

Les risques ne sont pas encore connus. Mais déjà, cette fuite d’eau est à l’origine d’un petit incident diplomatique. Le village ghanéen qui partage le même cours d’eau aurait perdu quelques têtes de bétail. Le chef de Youga devait faciliter une rencontre entre les responsables de la mine et la partie ghanéenne. Mais la rencontre a avorté. Une lettre a été en définitive adressée à l’autorité administrative, le préfet de Zabré. A charge pour ce dernier d’organiser la rencontre de clarification. La société minière BMC a refusé l’intervention du chef de Youga dans ce dossier.
Un autre grief formulé par la population était l’utilisation de cette même eau pour arroser les voies afin de lutter contre la poussière. En plus du risque de contamination du sol, les animaux qui s’abreuvent dans les flaques d’eau sur la route étaient exposés.
L’attitude de la mine a été prudente dans cette affaire de contamination. Le conseiller municipal du village déclare qu’elle a demandé d’abord une autopsie des cadavres d’animaux supposés victimes des conséquences de la fuite d’eau polluée. Impossible pour les villageois d’organiser cette autopsie. Les cadavres des bêtes auraient été longtemps détruits. Il n’y avait donc plus de preuves ou de début de preuve dans ces graves accusations de contamination.
Finalement, une réunion sur cette fuite d’eau usée et qui serait contaminée au cyanure a eu lieu le 18 juillet 2008.
La partie ghanéenne a été reçue sur le site et des explications lui ont été données par les techniciens de la mine. Par ailleurs, une équipe du ministère de l’Energie, des mines et des carrières s’est rendue sur le site aux fins de vérifications. Ces résultats officiels sont toujours inconnus du public. Du côté de la mine, résultats d’analyses internes à l’appui, l’on jure la main sur le cœur que les rejets d’eaux usées ne sont pas nocifs. En la matière, ce sont plutôt les résultats de la contre expertise qui tiennent lieu de vérité scientifique. Le Laboratoire national de santé publique (LNSP) a été sollicité à cet effet. Pendant que tout le monde était dans l’attente des résultats de la contre-expertise, les villageois sortent de leur réserve.

Protestation

Pour ne pas arranger les relations entre la mine et les populations, un sit-in est organisé sur les voies conduisant à l’usine. Il avait pour objectif de protester contre la mise à l’écart des jeunes du village dans le recrutement sur les chantiers du site minier. Le directeur de BMC, la filiale qui gère le site aurifère, s’en défend dans une interview publiée par notre confrère L’Indépendant. Les relations seraient au beau fixe malgré tout. Quelques individus les manipuleraient. Les manifestants ont même été taxés de «groupes de personnes surexcitées» par un de nos confères.
A quelles fins, est-on tenté de dire. En attendant de résoudre cette énigme, le fait est qu’il y a un véritable déficit de communication entre les entreprises minières et les populations riveraines.
La mine d’or de Youga a déjà fait quelques investissements dans le village. Trois salles de classes et une maternité ainsi que trois forages. Le conseiller et le secrétaire général adjoint de l’association Namanegbzanga insistent sur le chiffre 3. Car, lors de l’inauguration officielle de la mine en mai 2008, les officiels ont annoncé quatre au lieu de trois. Côté emplois, 45 jeunes du village font partie des effectifs des journaliers de la mine. Trop peu, jugent certains. Ils estiment que les riverains doivent être prioritaires. Plusieurs centaines de jeunes frappent toujours aux portes de la mine. A Youga, les attentes sont énormes et le doute commence à envahir l’esprit des gens sur les espoirs suscités par la présence de la mine sur leur territoire. Il y a par exemple ces trois hangars en fers et en tôles offerts par la mine il y a un an et qui font figure de curiosité. Les habitants souhaitent un équipement complet en hangars de ce type. Et puis, il y a cette doléance qui vise à ouvrir les voies pour faciliter la mobilité entre les villages environnants.
Le constat sur le terrain révèle qu’il n’y a pas un cadre de dialogue entre la société minière et le village qui dépend de la commune de Zabré. Cette dernière qui dispose d’une plus grande capacité de négociation pourrait jouer à l’avocat du village de Youga.
Pour l’instant, c’est l’association Namanegtenga qui fait office de point de contact sur les activités minières dans la zone. Le Chef de Youga, lui, est déjà en disgrâce auprès des responsables de la mine. Utilisé comme courroie de transmission entre la mine et les villageois, il est soupçonné de monter les enchères: le dialogue est ainsi bloqué.

Par Aïcha TRAORE

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire