dimanche 23 août 2009

FAUSSE CIB, FAUX CERTIFICAT DE NATIONALITE BURKINABE, RETRAIT DE 66 MILLIONS A LA SGBB…: Un chef rebelle ivoirien épinglé!

Le chef des Forces Nouvelles à Korogho, Martin Kouakou Fofié, a dû passer des nuits blanches. Il vient d’être épinglé, pour la deuxième fois, par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Ce «redoutable» militaire a posé des actes graves. Il s’est fait établir une fausse carte d’identité et un faux certificat de nationalité burkinabè… Et il a créé un compte bancaire à la SGBB, à Ouagadougou. D’énormes sommes d’argent auraient circulé dans ce compte. Ainsi, pendant plusieurs années, le chef «rebelle» a réussi à feinter le Conseil de sécurité. Il était déjà sur la «liste noire» des prédateurs de la paix. Ses avoirs avaient été gelés. Et il lui était strictement interdit d’effectuer tout déplacement à l’extérieur de la Côte d’Ivoire. Mais c’était mal connaître le commandant Fofié. Il a réussi à rouler tout le monde dans la farine… Et il se la coulait douce! Mais en avril dernier, le gros marteau du Conseil s’est abattu sur sa tête, de façon brusque et fracassante…

C’est une affaire brûlante. Mais les membres du Cadre de concertation sur la crise ivoirienne ont occulté le sujet. Ils se sont réunis à Ouagadougou le 18 mai dernier; mais il n’y a eu aucune phrase sur cette affaire dans le communiqué final. Blaise Compaoré, Laurent Gbagbo, Guillaume Soro, Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara semblaient tous hypnotisés par la date de la prochaine élection présidentielle. Exactement comme des papillons ensorcelés par les flammes d’une bougie! Tous ont pourtant reçu récemment, le rapport d’enquête du Groupe d’experts des Nations Unies sur la Côte d’Ivoire. Un brûlot de 40 pages qui fait de terribles révélations. Le gouvernement burkinabè a même été sommé d’ouvrir une enquête judiciaire sur l’affaire Fofié. En 2008, des experts du Conseil de sécurité avaient déjà donné un coup de pied dans la fourmilière. Et ils ont découvert qu’en février 2006, un certain «Brahima Traoré, qui serait proche de Martin Kouakou Fofié, a retiré une somme de 66 millions de FCFA du compte de M. Fofié à l’agence de Ouagadougou de la Société générale de banques au Burkina (SGBB)». Les Nations Unies avaient alors demandé au Burkina de fournir des explications sur cette affaire. Le ministère des Affaires étrangères, embarrassé, s’était vite mis à la tache pour éviter de subir la foudre du Conseil. Un rapport hautement confidentiel, a été remis récemment au Groupe d’experts. Mais dans ce ministère dirigé par Alain Yoda, toutes les personnes habilitées à parler semblent avoir la bouche cousue. Comme s’elles avaient, elles aussi, trempé leur «babine» dans la soupe aigre-douce concoctée par le commandant Fofié et ses complices… burkinabè. Le ministre Alain Yoda, grand «bavard» devant l’Eternel, est lui aussi subitement devenu muet. Son directeur de cabinet n’a pas répondu à notre demande d’entretien. Les responsables de la coopération multilatérale, eux, ont prétexté ne pas être au courant de cette affaire. Bref, personne n’a voulu parler. Personne!
Le rapport que l’on tente à tout prix de cacher, révèle une information capitale: le commandant Fofié «a ouvert le compte bancaire en utilisant de faux documents burkinabè (carte nationale d’identité et certificat de nationalité)». Il y a aussi cette info: le ministère affirme dans le document, «n’avoir pas pu établir de lien entre Fofié et Traoré». Ce dernier avait cependant, dit-il, un compte à la SGBB. Mais ce rapport n’a pas vraiment convaincu le Groupe d’experts du Conseil de sécurité. Le montant élevé de la somme, les faux documents utilisés par Fofié et l’incertitude sur ce qui a été fait des 66 millions, ont laissé planer d’énormes doutes sur cette opération. Pire, le rapport produit par le Burkina ne situe pas clairement les responsabilités par rapport à ces actes frauduleux. D’ailleurs, à ce sujet, le Groupe d’experts n’est pas allé avec le dos de la cuillère. Il a «engagé le gouvernement du Burkina Faso à ouvrir une enquête judiciaire pour déterminer comment M. Fofié a pu utiliser des faux documents burkinabè pour ouvrir le compte malgré le gel des avoirs imposé par le Conseil de sécurité». C’est écrit à la page 24 de son rapport. En clair, qui sont les complices de Fofié?

«Il a goûté au fruit défendu»

La résolution 1572 de l’ONU sur la Côte d’Ivoire est claire: «Tous les Etats doivent (…) geler immédiatement les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques se trouvant sur leur territoire à la date d’adoption de cette résolution ou à tout moment après cette date, qui sont en possession ou sous le contrôle direct ou indirect des personnes que le Comité aura identifiées (…)». Et ce n’est pas tout: «Tous les Etats doivent veiller à empêcher leurs nationaux ou quiconque sur leur territoire de mettre à la disposition de ces personnes ou entités, aucun fonds, avoir financier ou ressource économique, ou d’en permettre l’utilisation à leur profit».
Le commandant Fofié a pris le risque de goûter au fruit défendu. Et il a été pris! Il est fiché par le Conseil de sécurité. Les informations contenues dans le fichier sont lourds et même très lourds de sens. Nous avons pu obtenir, grâce à un Haut responsable de l’ONU, la dernière version réactualisée de son dossier. Martin Kouakou Fofié, né le 1er janvier 1968, à Bohi en Côte d’Ivoire, s’est effectivement fait passer pour un Burkinabè. Il a été propriétaire de la Carte d’identité burkinabè (CIB) N° 2096927, établie le 17 mars 2005. Validité: dix ans. Propriétaire aussi du Certificat de nationalité burkinabé (CNB) N° 076 du 17 février 2003. Au même moment, il détenait la carte d’identité N° 970860100249. Ce document a été émis le 5 août 1997 en Côte d’Ivoire. Valable jusqu’au 5 août 2007.
Le commandant Fofié est considéré comme un homme dangereux. Dans son fichier, trônent des phrases qui lui sont très préjudiciables. Morceau choisi: «Martin Kouakou Fofié. Caporal-chef, commandant des Forces nouvelles pour le secteur de Korogho. Les forces sous son commandement se sont livrées au recrutement d’enfants soldats, à des enlèvements, à l’imposition du travail forcé, à des sévices sexuels sur les femmes, à des arrestations arbitraires et à des exécutions extrajudiciaires, en violation des conventions relatives aux droits de l’Homme et du droit international humanitaire». Mais il n’y a pas que cela: «Obstacle à l’action du Groupe de travail international (GTI), de l’ONUCI, des forces françaises, et au processus de paix tel que défini par la résolution 1633».
Mais Fofié n’est pas seul sur la liste noire. Le nom de Charles Blé Goudé, leader de la Coordination des «jeunes patriotes» (COJEP), farouche partisan du président Gbagbo, y est aussi scotché. De même que celui d’Eugène Djué, l’un des chefs de ces «jeunes patriotes». Ce sont les têtes de proue d’une liste secrète de 95 Ivoiriens accusés, fin 2004, de crimes. Une mission du Haut-commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme les avait pris dans ses filets. Mais au fil du temps, la liste s’est rétrécie. Fofié, Blé Goudé et Djué n’ont pas cependant réussi, malgré leurs multiples tentatives, à quitter le box des accusés.

«Je vis grâce au soutien de mes proches»

Tout a basculé le 2 février 2006. Ce jour-là, la France, le Danemark, le Royaume-Uni et la Slovaquie ont transmis le nom de ces trois «redoutables leaders» au comité de sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies. Les quatre pays ont été très clairs: que ces «prédateurs de la paix» soient sanctionnés à la hauteur de leurs forfaits. Le lendemain, le président du comité des sanctions, l’ambassadeur de Grèce à l’ONU, Adamantios Vassilakis, reçoit le dossier. Aussitôt, il le communique aux 15 membres du Conseil de sécurité. Ils ont deux jours ouvrables, pour exprimer toute objection. Mais les minutes, les heures et les… deux jours se sont écoulés sans que le Conseil n’enregistre la moindre objection. Ainsi, le 7 février 2006, les sanctions sont mises en branle. La tension monte aussitôt en Côte d’Ivoire. Les accusés et leurs partisans crient à l’injustice. Les rues d’Abidjan, de Bouaké et de Korogho s’enflamment. Meetings, marches de protestation, sit-in… et même des actes de violence se succèdent. Le chef de l’Etat ivoirien, Laurent Gbagbo, est même monté au créneau. Il est allé jusqu’à la tribune de l’Assemblée générale des Nations Unies pour demander l’annulation des sanctions individuelles. Peine perdue! «Son Excellence» a prêché dans le désert!
Aujourd’hui, les regards sont tournés vers l’Accord politique de Ouagadougou. Pendant longtemps, ils ont espéré que ce «texte» produirait un miracle et les ferait sortir du calvaire. Mais jusqu’à présent, cet accord, applaudi par les protagonistes de la crise, n’a pas réussi à ébranler la position du Conseil de sécurité. Les personnes accusées continuent de se triturer les méninges, à la recherche d’une solution.

Dans cette banque…

5 septembre 2007. Voici le Groupe d’experts du Conseil de sécurité à Bouaké, assis face à Fofié. La main sur le cœur, le commandant affirme qu’il vit «grâce au soutien de ses proches». Il estime avoir été «frappé» injustement par les sanctions. Derrière ses grosses lunettes noires, il regarde l’avenir avec une sérénité empreinte d’inquiétudes. Le chef rebelle affirme qu’il ne souhaite pas prendre d’initiative pour demander sa radiation de la «liste noire». Juste une phrase de plus: «Une demande explicite est déjà contenue, dit-il, dans l’Accord de Ouagadougou». Et il ne dira plus rien. Rien aussi d’intéressant le 11 février 2009. Ce jour-là, les experts de l’ONU l’ont rencontré à Korogho, dans son fief. Il a refusé l’entretien, arguant «qu’il s’agissait d’une rencontre de courtoisie qu’il leur accordait et qu’il n’avait pas l’intention de parler de questions officielles».
Sacré Fofié! Il est coincé. Et il risque d’être davantage coincL’ONU entend aller jusqu’au bout de sa logique. Elle exige que le commandant s’explique s’il veut sortir du pétrin. Mais en «bon» militaire, Fofié semble bien maitriser les tactiques et les stratégies de survie. C’est sans doute ce qui l’a conduit à fabriquer de faux documents et à ouvrir un compte à la SGBB.
Dans cette banque, une certaine inquiétude s’est aussi installée. On se bat bec et ongles pour que l’affaire n’éclate pas. Notre demande d’entretien est restée sans suite. «Laissez votre contact; on vous rappellera. C’est sûr!», nous a déclaré l’un des proches collaborateurs du Directeur général. Non, ce n’était pas vrai! On ne nous a jamais rappelé. Nous avons insisté et insisté, jusqu’à cette phrase, dernière de ce journal à avoir été écrite.

Hervé D’AFRICK



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Comment les Forces nouvelles «pillent» la Côte d’Ivoire

Les sociétés d’exportation de coton du nord-est ont eu des sueurs froides en décembre dernier. La raison? La voici: les Forces nouvelles ont décidé, un beau matin, de renflouer leurs caisses. Et elles ne sont pas passées par quatre chemins. Plusieurs commandants de zone se sont immédiatement réunis, ont créé un comité et ont pris une décision salée: «chaque société doit verser 80 millions de FCFA pour la campagne 2008-2009». Cette décision est apparue aux yeux des exportateurs de coton comme «un coup de poignard qui pénètre un flanc frémissant et fait saigner le cœur». Mais ils n’avaient pas le droit de manifester bruyamment leur colère. Ils ont été mis en garde. S’ils le font, ils pourraient subir la foudre des ex-rebelles. Ils ont dû procéder à un marchandage pour obtenir une réduction. Mais ils n’étaient pas les seules victimes. Les sociétés d’exportation de noix d’acajou ont subi le même sort. La situation a failli dégénérer en janvier 2009. L’opération était tellement juteuse que les commandants de zone de Ouangolodougou-Diwala et Ferkéssédougou ont failli s’affronter. Avant eux, plusieurs chefs de zone se sont livrés à une folle bagarre à forte odeur d’argent.
Dans le secteur du cacao, il y a aussi des droits obligatoires à payer: entre 300 000 et 1 million de FCFA sur tout chargement de 40 tonnes. De même qu’une taxe d’exploitation pouvant atteindre 50 000 FCFA. Sans oublier les droits que ces sociétés sont tenues de verser aux différents groupements de production. De plus, tout camion qui traverse une grande ville doit payer une taxe variant entre 1 000 et 5 000 FCFA aux unités des Forces nouvelles. Si vous parcourez par exemple le trajet Man-Korogho, on pourrait vous faire payer 55 000 FCFA. Il y a au total 11 postes de contrôle des Forces nouvelles sur cet axe routier. A Ouangolodougou, Guillaume Soro et ses partisans ont créé un poste de contrôle douanier. Chaque personne à bord d’un véhicule est tenue de payer 1 000 FCFA. En outre, tout camion qui passe régulièrement dans la zone doit payer 25 000 FCFA par mois. Mais pas seulement ça: chaque camion qui passe le poste de contrôle se voit obligé de payer 5 000 FCFA… Ainsi, les Forces nouvelles engrangent d’énormes sommes d’argent. Voici, à ce sujet, la conclusion du Groupe d’experts du Conseil de sécurité: «Si le montant de chaque droit prélevé sur les particuliers ou les sociétés peut, au maximum, atteindre plusieurs centaines de milliers, voir quelques millions de francs CFA, ces taxes sont si nombreuses et si répandues dans le nord de la Côte d’Ivoire que le revenu total qu’en retire les Forces nouvelles se chiffre certainement en milliards de francs CFA chaque année». Autant dire que les ex-rebelles sont devenus des multimilliardaires. Les chefs de zone surtout… Mais où est caché le pactole? Mystère et boule de gomme.
Hervé D’AFRICK

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Vers une levée des sanctions?
Laurent Gbagbo et Guillaume Soro ont interpellé, plusieurs fois, Blaise Compaoré sur la question. Ce dernier se serait enfin «décidé à engager une procédure pour la levée des sanctions qui pèsent sur les trois leaders ivoiriens», confie une source proche du dossier. Selon le schéma prévu, les protagonistes de l’Accord politique de Ouagadougou saisiront d’abord la CEDEAO. Cette dernière plaidera ensuite auprès de l’Union africaine. De là, le dossier sera transmis au Conseil de sécurité de l’ONU. Compaoré, Gbagbo, Soro, Bédié et Ouattara entendent demander «la levée immédiate des sanctions individuelles». Mais réussiront-ils à convaincre les Nations Unies? Déjà, du côté du Conseil de sécurité, certains affirment que si cette demande est acceptée, il ne s’agira «ni plus ni moins que d’une prime à l’impunité». Et que cela sera «forcément préjudiciable à l’image du Conseil». Mais si la demande est formulée, «nous allons l’examiner et en fonction des arguments développés, nous verront quelle suite donner». Fofié, Blé Goudé et Djué réussiront-ils à s’en sortir? Equation à multiples inconnues.
Hervé D’AFRICK
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Y aura-t-il une enquête?
Le commandant Fofié a dû bénéficier de certaines complicités au Burkina. L’affaire sera-t-elle élucidée? Y aura-t-il des sanctions? Le Conseil de sécurité a exigé que le Burkina fasse la lumière sur ce dossier brûlant. Selon des sources proches du dossier, si l’enquête est bien menée, de gros bonnets risquent de rouler par terre.
Hervé D’AFRICK

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