dimanche 23 août 2009

EDITORIAL: Militaires du déshonneur?

En rire ou en pleurer ? Les militaires sont généralement perçus comme des hommes d’honneur, disciplinés et respectueux des textes et de la parole donnée. Mais aussi curieux que cela puisse paraître, en Afrique surtout francophone, presque tous les dictateurs et autres présidents passés maîtres dans le tripatouillage des constitutions pour se maintenir au pouvoir sont des militaires. L’entêtement de Mamadou Tandja à se donner une nouvelle chance de briguer d’autres mandats alors qu’il devrait définitivement faire ses valises en décembre prochain confirme davantage le doute que nos militaires aient une capacité d’assimilation des règles du jeu démocratique. Et lorsqu’ils accèdent au pouvoir, ils appliquent les bonnes méthodes militaires reposant essentiellement sur la tactique (stratégie de défense et d’attaque savamment pensée et mise en œuvre) et la brutalité au besoin. C’est apparemment la seconde option que le «très patriote» Mamadou Tandja a choisi. Il veut rester au pouvoir pour terminer ses chantiers. Et si les institutions républicaines s’y opposent, il use et abuse de la brutalité en les dissolvant à tour de bras. Après tout, il est colonel de l’armée et a le devoir de défendre son peuple contre des politiciens qui veulent le prendre en otage! Lui veut consulter le peuple à travers un référendum. Rien, ni personne ne l’y empêchera. Advienne que pourra.
Pas même les récriminations de la rue et des médias, encore moins les réactions timides de la France et de certaines organisations régionales. Ouvrons juste une parenthèse pour saluer l’engagement prononcé des médias burkinabè pour la démocratie au Niger. Ce serait salutaire s’ils pouvaient, tous ensemble, se mobiliser autant pour la démocratie au Burkina et notamment pour défendre bec et ongles la constitution, notamment en sa clause limitative du mandat présidentiel.
Bref, de Mobutu Sessé Seko (R.D. Congo) à Mamadou Tandja (Niger) en passant par Lassana Conté (Guinée), Denis Sassou N’Guesso (Congo), Blaise Compaoré (Burkina Faso), Robert Guéi, même s’il s’est fait finalement roulé dans la farine (Côte d’Ivoire), etc, on aura vu des militaires tenter chacun à sa façon et selon le contexte de son pays, conquérir le pouvoir d’Etat et s’y accrocher. Certains avaient publiquement annoncé, après des coups d’Etat qu’ils n’étaient pas intéressés par le pouvoir et étaient simplement des patriotes en mission de libération de leurs pays contre des pouvoirs oppresseurs. Deux exemples: Mobutu n’était-il pas «contraint» de prendre le pouvoir pour mettre de l’ordre au Zaïre? Blaise Compaoré n’est-il pas le «patriote» qui a sauvé la révolution burkinabè de la «dérive droitière» du Burkina? Tous deux n’ont-ils pas soutenu publiquement qu’ils n’étaient nullement intéressés par le pouvoir et s’en iraient après avoir restauré l’Etat dans ses droits? Retenons simplement que Mobutu est resté 32 ans au pouvoir et ne l’a quitté que contraint par le rebelle Laurent Désiré Kabila. Blaise Compaoré, lui, est toujours confortablement installé dans son fauteuil présidentiel. Et cela fait déjà 22 ans que ça dure. Il briguera certainement un autre mandat en 2010 et totalisera au terme de ce dernier mandat (s’il le consent ainsi), 28 ans de règne.
Heureusement qu’il y a des exceptions comme Mathieu Kérékou du Bénin et probablement Amadou Toumani Touré du Mali. Comme en toute règle, il faut bien des exceptions pour la confirmer, l’on est fondé vraiment à douter de la capacité des militaires à être véritablement des démocrates. Pire, quand des officiers militaires ne respectent pas leurs propres paroles et en viennent investir leur énergie et leur génie dans le contournement de la loi, juste pour leurs intérêts personnels, il y a de quoi inquiéter les civils. Finalement, les militaires ne sont pas différents d’eux. Ils ne sont pas non plus attachés au sens de l’honneur, à la dignité et au respect de la loi dans toute sa rigueur. On comprend donc aisément que dans les «démocraties bananières» de la Françafrique, les armées ne sont républicaines que de nom. Quand les gardiens du temple sont ceux qui les brûlent, la société perd simplement ses repères et ses recours. Il ne reste plus que la tricherie, le vol, les détournements, la calomnie et les flatteries des hommes au pouvoir, les réseaux (d’alliance et de parenté), le maraboutage, le règne de l’absurde, etc.
Doit-on finalement croire qu’en Afrique, le pouvoir fait perdre aux militaires leur sens de l’honneur? En tout cas, sur ce point, il y a de bonnes raisons de douter de nos militaires.

Boureima OUEDRAOGO

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