dimanche 23 août 2009

ALLO! ICI LE CONSEIL DE SECURITE DE L’ONU!: «Blaise Compaoré dans une affaire de diamants»

On en avait entendu parler au début des années 2000. Mais on ne savait pas avec exactitude, le contenu du rapport du Conseil de sécurité des Nations Unies. Nous avons enfin réussi à obtenir le document. L’affaire est grave. Et même très grave. Le président Compaoré est accusé d’avoir trempé dans un ténébreux «deal» de diamants. Mais il n’y a pas que ça. Le Groupe d’experts du Conseil de sécurité est formel: le Burkina a soutenu l’UNITA de Jonas Savimbi dans la «sale guerre» qui décimait l’Angola. Des armes sont passées par le «pays des hommes intègres». Mais lorsque le Groupe d’experts a cherché à y voir clair, les autorités burkinabè se sont farouchement opposées.

Les premières phrases concernant le Burkina font froid au dos: «Le Groupe d’experts a recueilli des preuves formelles concernant des transports d’armements depuis l’Europe orientale par des appareils qui atterrissaient à Ouagadougou et Bobo Dioulasso. Les armements étaient ensuite transbordés, puis expédiés vers d’autres utilisateurs finals, dont l’UNITA». L’affaire a dû faire siffler les oreilles de certains dignitaires du régime. Voyant venir le danger, ils ont très vite tenté d’empêcher les experts des Nations Unies d’enquêter. Les tracasseries étaient tellement fortes que tout cela est ressorti dans le rapport final. Voici un morceau: «Fort des informations précises qu’il avait reçu, le Groupe a demandé aux autorités burkinabè, pendant qu’il était au Burkina Faso, l’autorisation de se rendre à l’aéroport de Bobo Dioulasso afin d’y inspecter les installations et de vérifier si l’aéroport était utilisé comme lieu de transit pour des armements et du matériel militaire destinés à l’Angola. Mais il s’est heurté au refus immédiat des fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères à Ouagadougou». La suite, la voici: «La même demande a été rejetée par le ministre des Affaires étrangères du Burkina lorsque les membres du Groupe se sont entretenus avec lui à Lomé quelques jours plus tard». Blocus total donc! Mais c’était mal connaître les d’experts du Conseil de sécurité. Ils ont continué les enquêtes. Ils ont rencontré plusieurs sources «dignes de foi» et reçu de nombreux rapports. Tout cela ajouté à un véritable travail de fourmis sur le terrain. Et ils sont arrivés à cette conclusion: «Il existe de nombreux liens entre le Burkina Faso et l’UNITA. Il est très vraisemblable que des armements légalement vendus et transportés au Burkina Faso aient été détournés par les autorités burkinabè vers l’UNITA, en violation des sanctions imposées par le Conseil de sécurité». Selon le Groupe d’experts des Nations Unies, l’UNITA importait des armes redoutables: des mines et des explosifs, des armes légères et des armes portatives, des armes antichars et antiaériennes, des pièces d’artillerie, etc. Des véhicules mécanisés aussi, tels que les tanks et des véhicules blindés de transport de personnel. L’UNITA a pu ainsi importer de «grandes quantités d’armements et de matériel militaire». Le rapport du Groupe d’experts montre, dans les détails, comment l’opération se déroulait. Acte 1: certains pays d’Afrique ont accepté de céder à l’UNITA, leur certificats d’utilisateurs. Ils ont aussi facilité le passage sur leur territoire d’armements et de matériel militaire qui lui étaient destinés. Sur ce chapitre, le Burkina Faso fait partie des Etats qui sont dans le box des accusés.
Acte 2: certains pays fournisseurs d’armements, notamment la Bulgarie et bien d’autres, ont accepté de vendre des armes, de façon officielle ou officieuse, sans se soucier de leur destination finale.
Acte 3: des marchands d’armes et des transporteurs aériens internationaux se sont empressés d’offrir leurs services. Ils ont joué les intermédiaires entre l’UNITA et les fournisseurs d’armes et de matériel militaire.
Mais voilà que tout bascule en 1998. Les combats font rage en Angola. L’UNITA essuie des échecs souvent cuisants. Jonas Savimbi est coincé. Il tente de faire un repli tactique. Mais les choses vont de mal en pis. Et les pistes se brouillent: l’intensité des combats a «coupé la majeure partie des approvisionnements en produits pétroliers». L’UNITA avait pourtant besoin de grosses quantités de carburant pour les interventions de ses blindés et les mouvements de ses troupes. Selon le Général Bandua, en 1999, l’UNITA disposait de moins de 100 000 litres de carburant. Jonas Savimbi a été clair: la plus haute priorité stratégique était l’acquisition de nouveaux stocks. Il a même décidé de s’occuper personnellement des opérations d’achat. «Des démarches ont été entreprises au plus haut niveau au Burkina Faso, en Zambie et au Togo. L’aide du chef rebelle congolais, Jean Pierre Bemba, a également été sollicitée». Et c’est Marcelo Moise Dachala dit Karriça, l’un des fidèles de Savimbi, qui «a été chargé d’établir les contacts personnels nécessaires», précise le rapport. Et voici Blaise Compaoré qui plonge encore dans cette affaire trouble: «En février 1999, selon le Général Bandua, le Président Compaoré du Burkina Faso a accepté de faciliter l’envoi à Savimbi de trois chargements de 18 000 à 20 000 litres de Diesel. L’UNITA a également obtenu du carburant par l’intermédiaire des rebelles congolais de Jean Pierre Bemba».
Mais le Groupe d’experts du Conseil de sécurité ne s’arrête pas là. Il pointe du doigt plusieurs anciens chefs d’Etat et chefs d’Etat au pouvoir en Afrique: «Ils ont aidé l’UNITA à contourner les sanctions du Conseil de sécurité sur les livraisons des produits pétroliers aux troupes de Jonas Savimbi». Et voici les experts qui égrènent des noms: l’ancien président du Zaïre, Mobutu Sese Seko, l’ancien président de la République démocratique du Congo, Pascal Lissouba et l’ancien Premier ministre de la République du Congo, le Général Joachim Yhombi Opango, et le Président du Burkina Faso, Blaise Compaoré».
Mais il n’y a pas que les armes et les produits pétroliers. Il y a aussi cette «sale affaire» de diamants. A ce sujet, le Groupe d’experts a encore épinglé le Président Compaoré et d’autres chefs d’Etat. Et de fort mauvaise manière. Voici son constat: «Le Burkina Faso est un lieu sûr pour les transactions portant sur les diamants de l’UNITA. Le Groupe a appris que Ouagadougou était un lieu privilégié pour les transactions entre l’UNITA et les diamantaires d’Anvers. En général, M. Savimbi appelle le Président Compaoré pour l’informer de l’arrivée d’une délégation. Le Général Bandua a rappelé une conversation au cours de laquelle M. Savimbi aurait dit à M. Compaoré: «Ceux qui viennent pour vendre ou acheter sont tous des amis personnels». Ce scénario de contact préalable a été confirmé par le Colonel Kangunga qui était responsable du matériel de transmissions de Savimbi. Les diamants sont normalement transportés à Ouagadougou par M. Karriça, qui est accueilli à l’arrivée par un membre du personnel du Cabinet du Président et bénéficie de mesures de protection et d’une escorte. Cette disposition était nécessaire non seulement pour veiller à ce qu’il n’y ait pas de problèmes avec les autorités douanières et autres autorités burkinabè, mais également pour assurer la sécurité des diamants ou des espèces pendant le séjour de la délégation dans le pays. La protection était maintenue en place jusqu’au retour de la délégation à Andoulo, le fief de l’UNITA en Angola».
Les diamants jouent un rôle particulièrement important dans l’économie politique et militaire de l’UNITA. Jonas Savimbi et ses partisans s’en donnent à fond et à cœur joie. Les diamants leur rapportent de l’argent, beaucoup d’argent. Mais pas seulement ça. L’UNITA échange des diamants bruts contre des armes. Le diamant est également un élément important de la stratégie de cette organisation pour se faire des amis et entretenir son appui extérieur. Et en plus, «les caches des diamants bruts, plutôt que des dépôts monétaires et bancaires, constituent pour l’UNITA le moyen privilégié de stocker sa fortune», note le rapport d’enquête.
Autre révélation: «Le Groupe d’experts a reçu directement des témoignages de première main attestant que l’UNITA avait payé en diamants, un certain nombre de chefs d’Etat africains. Mais il a jugé qu’il devait se borner à ne mentionner nommément que ceux pour lesquels il avait la certitude, par des témoignages directs de première main, de la réalité de tels paiements». Trois chefs d’Etat ont ainsi été épinglés: l’ex-président du Zaïre, Mobutu Seso Seko, l’ex-président du Togo, Gnassingbé Eyadéma, et le président du Burkina Faso, Blaise Compaoré. Morceau choisi: «Le Groupe d’experts a reçu des témoignages provenant de multiples sources concernant les divers paiements qui auraient été faits par Savimbi au Président du Burkina Faso, Blaise Compaoré. Le Général Bandua a affirmé avoir vu Savimbi et Compaoré ‘‘sceller leur amitié’’ lors d’une réunion en 1995, à laquelle il était présent. Même si l’on considère souvent que le président Compaoré est, de tous les dirigeants africains, le plus proche et le plus sincère de tous les amis de Savimbi, il ne fait pas de doute que cette amitié comporte également un élément financier». En fait, «Savimbi ne se privait pas de parler à ses proches associés, des diverses «enveloppes» qu’il envoyait à Compaoré. On prétend également qu’outre les paiements faits directement à Compaoré à titre personnel, Savimbi a également contribué largement à sa campagne politique. Et qu’en deux occasions au moins, il a renfloué les coffres de l’Etat pour aider le Gouvernement burkinabè à faire face à ses obligations critiques».
Le Groupe d’experts du Conseil de sécurité a été ferme: les autorités du Burkina et du Rwanda, au plus haut niveau, ont violé les sanctions interdisant le commerce des diamants de l’UNITA. Elles ont facilité les contacts entre celle-ci et les diamantaires d’Anvers. Elles ont protégé ceux qui participaient à de telles transactions et facilité à l’UNITA, l’utilisation de diamants comme monnaie d’échange contre des espèces ou des armes».
Voici une autre vrévélation: «Des dirigeants de l’UNITA et des personnes figurant dans la liste de celles auxquelles il est interdit de voyager, s’étaient vu délivrer des passeports par les autorités du Togo, de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso. Dans des cas assez nombreux dont le Groupe d’experts a eu connaissance, ces pays ont délivré aux intéressés, des passeports diplomatiques, des laissez-passer ou des passeports spéciaux. Il faut dire que bien des pays ont du mal à repérer les personnes interdites de voyage qui se déplacent sous une fausse identité mais dont les papiers sont valides». Et voici le Groupe d’experts qui pointe encore du doigt le Burkina Faso: «Ce pays sert de base d’opérations pour les activités externes de l’UNITA en Afrique (…) Ouagadougou est la base d’opérations du principal responsable des achats et du commerce international de diamants de l’UNITA, Marcelo Moise Dachala, connu sous le nom de Karriça. C’est également la base de Helder Mundombe (connu sous le nom de Boris), l’un des lieutenants ayant la confiance de Savimbi. Le représentant officieux de l’UNITA au Burkina Faso est Joao Batista Rodrigues Vindes».
Certains pays ont violé les interdictions de voyager qui frappaient de hauts responsables de l’UNITA et des membres de leurs familles. Le Burkina en fait partie. Le rapport d’enquête l’a dit, droit dans les yeux du Président Compaoré: «Les pays qui avaient le plus souvent enfreint ces mesures étaient le Burkina Faso, le Togo et la Côte d’Ivoire. Ils avaient tous facilité les voyages de personnes dont les déplacements tombaient sous le coup des sanctions».
Les autorités burkinabè avaient à l’époque tapé du poing sur la table, estimant sans doute que ce rapport ne correspondait pas à la réalité. Le Conseil de sécurité avait aussitôt riposté. Et demandé à Blaise Compaoré d’apporter les preuves de son innocence. La tension est monté, encore et encore, puis, petit à petit, le rapport s’est évanouit dans l’oubli. Mais récemment, le Conseil a fait une revue des différents rapports que ses experts ont produits. Tous les regards se sont posés sur le président Compaoré et d’autres chefs d’Etat. Et on a rouvert les pages de cette sombre affaire. Une après une. On a ainsi revisité la sale histoire des diamants, des produits pétroliers et des armes. On a aussi pensé aux milliers de morts en Angola…

Hervé D’AFRICK

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