samedi 9 mai 2009

YES, WE CAN!: Sur les terres du « Roi des rois», les femmes font entendre leurs voix…

Les femmes africaines ont lancé, le 8 mars 2009, une campagne internationale d'information et de revendication, dans le but d'inciter leurs Etats à "ratifier et respecter" le plus important des textes internationaux relatifs aux droits des femmes. Cette année en effet, la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination envers les femmes (CEDEF) fête ses trente ans; et les femmes africaines ont bien l'intention de le faire savoir à leurs dirigeants.
Jamais probablement un texte aussi peu connu du grand public n’aura eu autant d’implications au niveau local, particulièrement sur ce continent. S'appuyant sur ce texte fondamental, des centaines d'organisations locales et nationales s’attaquent ainsi quotidiennement aux carcans législatifs et sociétaux qui pèsent sur elles, et ne cessent de faire valoir leurs droits au sein de sociétés souvent extrêmement réticentes à les voir évoluer. Des millions de femmes y font référence pour revendiquer des droits nouveaux et s’exonérer de la tutelle patriarcale. S'appuyer sur le droit pour faire tomber les discriminations, le principe est simple, mais fort peu appliqué par les Etats.
Pour faire bonne figure auprès de leurs interlocuteurs internationaux ou de certains de leurs bailleurs de fonds, la plupart de ces derniers ont certes signé, puis ratifié pour nombre d'entre eux ce texte majeur. Mais ils ne prennent manifestement pas la peine de le faire respecter, ou émettent de telles réserves (sur l'héritage, le mariage, le divorce...), que ce texte ambitieux se trouve pour le coup vidé de tout son sens.
Outre les atteintes intolérables à leur intégrité physique, qu'elles soient traditionnelles comme les mutilations génitales, ou contemporaines comme les viols dans les régions en guerre, les inégalités devant la loi sont encore de fait le lot quotidien de millions de femmes et de jeunes filles sur tout le continent. Le fait qu'elles soient souvent considérées comme le pilier économique et social de la famille ne les place en effet pas à l’abri de toutes les formes de discrimination, loin de là. Des combats ont pourtant d'ores et déjà été menés et conquis sur les bases de cette Convention, qui ont abouti dans certains pays comme le Sénégal et le Burkina à une réelle prise de conscience et à un abandon progressif des mutilations génitales féminines. Au Bénin, la loi a été modifiée dans un sens plus favorable aux femmes. Au Mali, un nouveau code de la famille, moins discriminatoire, est en voie de promulgation. Mais ces avancées sont encore bien timides, et les inégalités en matière de droits des femmes demeurent criantes. Seuls deux Etats du continent, le Cap Vert et l'Afrique du Sud, peuvent se prévaloir d'une législation entérinant une véritable égalité entre les sexes.
Il ne faut pas oublier non plus que les Etats de l'Union africaine viennent de placer à leur tête et pour un an, le Guide suprême libyen Muhammar Kadhafi, peu connu pour ses positions progressistes dans ce domaine. Le «Roi des rois», comme il aime désormais à se proclamer, n'incitera certainement pas ses congénères à faire respecter la CEDEF, au vu des réserves qu'il a lui-même fait poser à ce texte au nom du respect de la Charia.
La difficulté est grande, on le voit, et il faudra certainement beaucoup de détermination de la part des sociétés civiles, afin qu'elles puissent obliger leurs dirigeants à se préoccuper des conditions des femmes dans leur pays. C'est le sens de la campagne qui a été lancée lors de la journée internationale du 8 mars. Elle durera le temps nécessaire pour parvenir à l'égalité. Les femmes africaines savent que rien ne sera obtenu sans mener combat. Notre devoir est plus que jamais de les y aider.
Souhayr Belhassen
Présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire