samedi 9 mai 2009

PRESIDENTIELLE de 2010: Blaise Compaoré sera-t-il rattrapé par ses promesses de 2005?

L’élection présidentielle de 2010 s’annonce comme l’une des plus disputées depuis l’avènement de la 4è République. Il ne faut certainement pas rêver d’une alternance qui n’est cependant pas impossible, pour peu que la grande majorité des Burkinabè y croient. Le parti au pouvoir, le congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), semble l’avoir compris. Et depuis quelques semaines, il a engagé, en avance, la campagne pour la présidentielle et pour son repositionnement dans le portage politique de l’action de Blaise Comppaoré. L’opposition, elle, s’empêtre dans ses querelles à la limite répugnante de leadership. Et c’est surtout certains Sankaristes qui se sont illustrés tristement dans ce sens, ces derniers temps. Qu’à cela ne tienne! Le premier candidat déclaré à la présidentielle de 2010 est un Sankariste, Me Bénéwendé Sankara, président du tout nouveau parti, l’Union pour la renaissance, parti sankariste (UNIR/PS). Il est donc pour le moment, le premier challenger connu de Blaise Compaoré, candidat naturel du CDP et de tous ses autres soutiens.
Confronté à de nombreuses dissensions internes, à l’isolement de certains de ses cadres qui ne sont plus en odeur de sainteté avec l’entourage ou la famille du grand Sachem, aux agissements de la mouvance présidentielle (ce regroupement de partis qui n’ont de projet de société que Blaise Compaoré) et à la montée de la Fédération associative pour la paix et le progrès avec Blaise Compaoré (FEDAP/BC), le CDP bat le rappel de ses troupes. En attendant son 4ème congrès prévu au début du deuxième semestre de 2009 qui verra probablement l’investiture du candidat Blaise Compaoré, le CDP multiplie les conventions (provinciales et régionales). Ce parti joue sa survie ou, du moins, ses leaders jouent leur survie politique. Ils savent qu’ils n’ont aucun avenir sans Blaise Compaoré ou plus précisément, que celui-ci peut disposer de leur avenir politique comme bon lui semble. Après la période des frayeurs nées du limogeage de Salif Diallo, N°2 du parti et ex presque N°2 du Régime, toutes les levées de bouclier autour de l’émergence politique du « petit président », François Compaoré, le CDP reprend donc de l’initiative. L’objectif premier, c’est d’abord de rassurer le président Compaoré et son entourage de l’allégeance inconditionnelle et constante du parti et de ses cadres. Pour ce faire, chacun des leaders ne ratent aucune opportunité de montrer qu’ils n’ont d’ambitions que pour ce que Blaise Compaoré voudrait leur concéder comme parcelle de pouvoir. Chacun a tiré leçon de la mise à l’écart de Salif Diallo, hier homme incontournable, aujourd’hui ennemi public N°1 dans les cercles restreints du pouvoir. On comprend alors que Simon Compaoré ait considéré l’interview qu’il accordée à notre confrère l’Evènement, comme une occasion inespérée pour prendre l’opinion publique à témoin, de son allégeance au président du Faso et à son jeune frère. Entre autres, Simon Compaoré, toujours égal à lui-même, affirme n’avoir jamais rêvé de devenir Président. Soit! Mais s’est-il posé la question de savoir s’il y a des Burkinabè qui ont déjà rêvé de l’avoir comme président? C’est vrai, le maire affirme qu’il garde la tête sur les épaules. Et juste après, il fait preuve d’un manque criard de discernement en affirmant qu’il n’est pas Ange Rajoelina, son ex-homologue de la capitale malgache, alors en ordre de bataille pour destituer le président Ravalomanana qui aurait «pété les plombs». Finalement, Ange Rajoelina a réussi à se hisser au sommet de l’Etat. Que Simon Compaoré n’ait pas d’ambition présidentielle, c’est son droit le plus absolu. Mais de là à vouloir traiter ceux qui en ont de disjoncté, il y a un pas que le bourgmestre de Ouagadougou n’a pas hésité à franchir. Dans ses tentatives de rassurer qu’il reste un serviteur fidèle, il en fait trop. Pour ceux qui connaissent le maire, il n’y a rien de surprenant. Sa particularité, c’est aussi ces sorties désobligeantes. Bref, ce n’est qu’une parenthèse!

Blaise Compaoré garant des intérêts particuliers

Pour revenir au CDP, il faut retenir que le parti s’est lancé dans une dynamique préparatoire à l’investiture de Blaise Compaoré comme son candidat pour la présidentielle de 2010. Il entend ainsi prendre les devants avant que les différents soutiens au président du Faso (partis de la mouvance, FDAP/BC, ADF/RDA) n’aient le temps de le «court-circuiter». Du même coup, ses cadres rassurent le président, qu’ils restent et demeurent de bons et loyaux serviteurs. Et l’attitude du parti au pouvoir ces dernières semaines, vient confirmer qu’il n’est pas une formation politique qui rassemble des hommes et des femmes de conviction autour d’une idéologie, d’un idéal et d’un projet de société mais bien plus un regroupement d’individus décidés à défendre leurs intérêts individuels ou craignant de perdre des privilèges et des positionnements politiques. Bien sûr, le seul garant des intérêts individuels de tout ce beau monde, c’est bien le président du Faso. Peu importe que leur champion n’ait pas tenu ses promesses électorales en 2005. Ce n’est pas une préoccupation du parti puisqu’il ne cherche même pas à lui demander des comptes. Convaincus que cela n’a pas d’importance, le CDP ne se préoccupe même pas du bilan des réalisations faites par son candidat au cours du mandat qui s’achève. Cette attitude laisse entrevoir que ce parti se moque de l’intérêt supérieur du Burkina Faso et de ses citoyens. Ce qui l’intéresse, c’est du bétail électoral pour lui assurer des victoires, pour flatter l’égo de son mentor et lui assurer une longévité au pouvoir.
Il apparaît alors utile de rappeler aux bons souvenirs du CDP qu’en 2005, son candidat avait promis au peuple burkinabè le «progrès continu pour une société d’espérance» à l’horizon 2010. Et il avait donné six axes principaux pour la réalisation de cette promesse: la valorisation du capital humain, l’élargissement des opportunités de création de richesses, la modernisation des infrastructures économiques et des services, le raffermissement de la gouvernance, la promotion de la culture, des arts et du sport et le rayonnement international du Burkina Faso. Dans cette perspective, le candidat Blaise Compaoré avait promis, dans les 45 provinces, des dizaines voire des centaines de milliards de nos francs pour la construction d’infrastructures socioéconomiques, la formation des jeunes et des femmes, avec en bonus, le renforcement de la bonne gouvernance
Au titre des engagements pris, on peut retenir entre autres le désenclavement de la région de la Boucle du Mouhoun dès le 1er trimestre de l'année 2006 par le démarrage effectif du bitumage de l'axe Koudougou-Dédougou-Nouna-Bomborokuy-Djibasso-Frontière du Mali et de l'axe Dédougou-Tougan-Ouahigouya-Frontière du Mali. Population de la Boucle du Mouhoun, faites vous-mêmes le bilan et tirez-en les leçons.
Ensuite, pour la région des Hauts Bassins et plus particulièrement les provinces du Houet et du Kénédougou, Blaise Compaoré a promis la construction de CEG pour chaque département. Beaucoup d’infrastructures sanitaires et routières, des écoles de formation technique pour les jeunes et des unités de transformation des produits fruitiers. Quel est aujourd’hui le taux de réalisation de ses promesses? Aux populations de la région de faire les comptes.
Dans les régions du Centre-Nord, Centre-Est et Centre-Ouest, de l’Est, du Nord, du sahel, du Plateau central, du Sud Ouest, des Cascades, les promesses étaient énormes. Citons, entre autres, 20 milliards de FCFA pour des infrastructures routières, la mise en valeur du lac Dem, une vingtaine de milliards à consacrer aux secteurs sociaux et productifs dans le Ganzourgou, 14 milliards à l’amélioration des conditions de vie des populations du Kourittenga et une quarantaine d’autres aux infrastructures routières et hydro-agricoles dans la région du Centre-Est.
«Il faut encore plus d’écoles, plus de collèges, plus de centres de santé, plus de barrages, plus de routes dans vos régions, vos départements et vos villages. Je sais que le plateau technique de l’hôpital de Koupéla n’est pas opérationnel. Pouytenga attend un centre médical avec antenne chirurgicale. C’est cela notre souci pour les cinq ans à venir». Parole du candidat Compaoré!
Et ce n’est pas tout ! A Dano dans le sud-ouest, il a promis de renforcer les infrastructures sanitaires pour améliorer l’accès des populations aux soins de santé.
Dans le Sahel, il a fait encore des promesses: le prolongement des deux axes routiers alors en bitumage (Ouagadougou-Kongoussi et Kaya-Dori) respectivement jusqu’à Djibo et à la frontière du Niger; la réalisation des barrages de Bambakali et Barabouli au cours du quinquennat qui s’achève.

Quel est le taux de réalisation des promesses de 2005 ?

Dans la région du Centre, les grands chantiers annoncés par Blaise Compaoré sont, entre autres, la reconstruction du marché central de Ouagadougou (Rood Woko), la construction d’un second hôpital national plus performant à Ouagadougou, d’un aéroport international, des échangeurs pour rendre fluide le trafic routier à Ouagadougou et d’une autoroute reliant Ouaga à Bobo-Dioulasso, l’accord de crédits aux femmes, l’ouverture de centres de formation pour les jeunes, la construction du plus grand barrage hydroagricole à Samandeni (Bobo-Dioulasso) capable d’accueillir de 150 mille à 200 mille employés. A ceux-là s’ajoutent l’usine de Tambao à Dori en 2007, la construction du chemin de fer Ouaga - Accra, capitale du Ghana.
Voilà un aperçu de ce que Blaise Compaoré a promis de réaliser pour les différentes régions du Burkina s’il était réélu. Le candidat à sa propre succession affirmait avoir tous les atouts pour conduire le peuple bukinabè vers son bonheur. «Construire une nation, ce n’est ni bâtir une case, ni cultiver un champ, c’est coordonner les intelligences de millions d’hommes et de femmes vers un objectif commun (…) C’est un combat patriotique pour le bonheur de chacun. Ne vous laissez pas distraire par des marchands d’illusions », affirmait-il à presque tous ses meetings. Ses promesses semblent avoir reçu des échos favorables puisqu’il a obtenu 80,30% des suffrages exprimés. Mais les a-t-il tenues ? Finalement qui était le marchand d’illusion ? A chacun d’en juger ! Que promettra-t-il en 2010 ? Va-t-il, une fois de plus « survoler nos réalités en hélico» (pour emprunter les termes de l’ex-candidat Emile Paré) en 2010 ?

En tout cas, la réalité est là! A un an de la fin de son mandat, les Burkinabè ne semblent pas, dans leur majorité, plus heureux qu’en 2005. En lieu et place du progrès continu, c’est la galère continue pour de nombreux ménages. A la place de l’espérance promise, le désespoir va grandissant, tant la cherté de la vie a rendu très difficile la satisfaction du premier besoin fondamental de l’homme, c’est-à-dire se nourrir, une véritable gageure. La mendicité est devenue le seul recours de certains chefs de famille. Pour ne rien arranger, la conjoncture économique internationale est venue mettre à rude épreuve les capacités de réaction et de protection du peuple par le pouvoir en place. Les scandales à répétition dans la gestion des deniers publics (voir les différents rapports de la Cour des comptes) montrent aussi à souhait que certains acteurs dans le cercle du pouvoir ne se préoccupent que de leur bien-être individuel et sont prêts à tout pour se bâtir des fortunes sans histoire et très suspectes. L’émergence de ces nouveaux riches en elle-seule suffit pour montrer que le chemin vers la bonne gouvernance est encore long, très, très long. Si à cela, l’on ajoute le déclin des institutions de régulation comme la justice, on ne peut pas être optimiste sur l’avenir de ce pays. Et ce n’est pas Tertius Zongo, le Premier ministre qui nous contredira, lui qui est arrivé avec beaucoup de résolutions et d’engagements très forts en termes d’assainissement de l’administration et de gestion des affaires publiques. Il s’est vite essoufflé. Il fait moins d’apparitions tonitruantes dans les médias et a moins de réponse à tout comme à ses débuts. A l’image de son patron, il est fatigué et donne des signes d’impuissance face au monstre froid de la mal gouvernance, du règne des rapaces. 22 ans de pouvoir sont passés par là.

Si le CDP ne fait pas le bilan des réalisations promises par son candidat, l’opinion publique et l’opposition doivent l’y aider. Cette dernière pourrait y puiser des thèmes de campagne. Saura-t-elle en tirer profit ? Rien n’est moins sûr. Tant l’opposition au Burkina est minée par de nombreuses tares dont les plus visibles sont l’impossible unité d’action, les querelles puériles de leadership du fait des prétentions démesurées d’individus sans charisme, éternels délateurs et incapables de mobiliser autour d’eux une centaine de personne, la faible capacité de proposition et de portage des déceptions, voire des désillusions des populations et aussi les espoirs de la grande masse des déçus du système Compaoré.

S’il n’y a pas de cataclysme politique…

Dans ces conditions, peut-on croire en la capacité d’une telle opposition à réussir l’alternance ? Sauf un cataclysme politique, Blaise Compaoré passera encore haut les mains à l’élection présidentielle de 2010.
D’abord, si le nouveau projet de Code électoral est adopté en l’état, il n’ y aura certainement pas beaucoup de candidats pour cette présidentielle. A moins que le pouvoir ne parraine certaines candidatures, il n’y pas beaucoup de leaders politiques qui pourraient avoir le parrainage de deux centaines d’élus à travers les différentes régions du Burkina. Maintenant, les recalés accepteront-ils soutenir ceux qui pourront franchir cette étape? Attendons de voir!
Ensuite, l’impossible union des forces restent l’obstacle majeur pour les candidats de l’opposition. Ses candidats devront affronter d’abord les recalés qui se feront le malin plaisir de travailler à les nuire. Pour sûr, le premier candidat déclaré, Me Sankara va, par exemple, devoir affronter le courroux et les mesquineries de certains Sankaristes avant de pouvoir porter la contradiction à Blaise Compaoré. Il serait inspiré d’entamer dès maintenant des négociations avec certains leaders (ceux qui ont réellement un poids politique et une force reconnue) comme Norbert Tiendrébéogo pour espérer au moins une bataille électorale honorable. Car, à défaut de l’alternance qui ressemble fort à un rêve impossible pour 2010, l’on pourrait espérer avoir une campagne électorale digne de ce nom, une élection réellement disputée. L’opposition en a les moyens. Mais avant, il faudrait que chaque leader ou prétendu tel prenne conscience de son poids réel et accepte de s’engager dans une dynamique collective. Aucun candidat de l’opposition ne peut rêver, à lui seul de peser dans la balance. Certains, plus que d’autres, ont un potentiel mais ont besoin d’un coup de pouce. A défaut d’un seul candidat, l’opposition peut bien construire autour de deux ou trois candidats selon que l’on soit de gauche, de droite ou autre !
Au demeurant, cette bataille présidentielle, pour avoir tout l’intérêt mérité, devrait être l’affaire aussi de tous les citoyens. Il faut se souvenir que malgré tous les moyens matériels et humains mis en branle en 2005 (4 hélicoptères, de grosses voitures 4X4, des billets de banque, des vivres et d’importants lots de gadgets de toutes sortes, distribués ça et là, des projections vidéos grand public sur le bilan du candidat, de grandes affiches dans les villes et villages, la mobilisation et le déploiement de tout le gouvernement, des cadres de l’administration publique, les grands argentiers, les associations de soutiens, la mouvance présidentielle, l’ADF/RDA, etc.), le candidat Compaoré a obtenu moins de 2 millions de voix. Une masse électorale importante s’était donc tenue à l’écart du processus électoral. La présidentielle de 2010 devrait sonner l’éveil d’une conscience citoyenne. Tous les Burkinabè en âge de voter devraient s’inscrire massivement et participer activement au processus en allant voter et en restant vigilants pour dénoncer et combattre toute tentative de fraude ou de corruption électorale. Il faudrait que le vainqueur de la présidentielle reflète réellement la volonté de la majorité des Burkinabè. Si au Ghana voisin, cela a toujours été possible, c’est possible aussi au Burkina. Le peuple burkinabè n’est ni moins intelligent, ni incapable d’imposer sa volonté et de décider de son devenir.
Par Boureima OUEDRAOGO

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