Novembre 2008. Tout le grand Est du Burkina est dans la ferveur des préparatifs de la commémoration du 11 décembre, fête de l’indépendance. Tous les services sont sur le pied de guerre. La police aussi, surtout elle, puisqu’elle doit faire place nette avant l’arrivée des nombreuses autorités avec, à leur tête, le chef de l’Etat. La famille Dico est loin de s’imaginer que la préparation de cet événement allait la plonger dans un cauchemar.
1 h du matin ce 23 novembre 2008 à Sougoudi, village situé à quelques encablures de Ouargaye, quand des hommes fortement armés font irruption dans la concession des Dico, s’emparent manu militari de N’doye Boukari Dico devant sa vieille mère abasourdie et hébétée. C’est la première fois de son existence qu’elle voit des forces de l’ordre de si près. Depuis des décennies qu’elle et les siens habitent ce village, ils n’ont jamais fait l’objet d’une interpellation quelconque par des forces de l’ordre. Les seules convocations que Boukary N’doye a souvent reçues concernent des cas de divagation de ses animaux dans des champs de certains agriculteurs. La vieille dame n’ose pas penser qu’un litige de ce genre puisse conduire à une interpellation de cette nature. Les précédents litiges s’étaient soldés par le paiement d’une amende infligée à son fils quand les faits s’étaient avérés.
Dès le lendemain de cette arrestation, la famille se met à la recherche de son fils et d’informations sur ce qui lui est reproché. Mais impossible d’obtenir une quelconque information, ni sur les raisons de cette interpellation ni sur le lieu de détention.
Après quelques jours de recherches, la famille Dico reçoit des informations précieuses de T. Bandé et I. Diandé. Ces derniers leur déclarent avoir été détenus à la compagnie des CRS de Fada N’gourma en même temps que Boukary N’doye. La famille approche les autorités policières de la ville, en vain. Aucune d’elles ne reconnaît détenir N’doye. C’est seulement pendant le mois de décembre, à la faveur d’une rencontre avec le procureur de Fada N’gourma , que la famille obtient, pour la première fois, des informations officielles: Boukary N’doye est entre les mains de la justice pour les besoins d’une enquête. Mais impossible de le voir. De quelle enquête s’agit-il et pourquoi n’est-il pas déféré à la maison d’arrêt après plusieurs semaines de détention ? Impossible de trouver des réponses à ces questions.
N’doye est-il mort?
Fin janvier 2009. Cela fait plus de deux mois que N’doye a été enlevé à son domicile par des forces de l’ordre, mais sa famille n’arrive toujours pas à le voir. Elle commence à craindre le pire. N’doye est-il toujours vivant ? Pourquoi ne peut-on pas le voir ? Que lui reproche-t-on exactement ?
Face à cette situation, elle décide d’entreprendre d’ultimes démarches car la situation est devenue critique: sa mère, traumatisée par la scène de l’enlèvement et qui n’a plus de nouvelles de son fils, est persuadée qu’il est mort. Toute la famille vit un cauchemar déprimant. En outre, le cheptel de N’doye, fort de plusieurs centaines de têtes de bétail, s’amenuise de jour en jour, personne n’étant à mesure d’assurer convenablement la garde de ces bêtes en lieu et place de leur maître. Quand la famille rencontre pour la seconde fois le procureur de Fada en fin janvier, elle reçoit enfin l’assurance qu’elle pourra rencontrer le détenu. Mais après deux rendez- vous fixés par le procureur, rien n’y fit. Motif: N’doye aurait été transféré de Fada N’gourma à Ouagadougou. Les policiers à l’origine de ce transfert, pour des raisons inconnues, auraient refusé de ramener N’doye dans le ressort de son lieu d’arrestation. La famille décide, en désespoir de cause, de recourir à toutes les autorités susceptibles d’intervenir dans une telle affaire. On apprend alors que N’doye est effectivement à Ouagadougou, détenu au service régional de la police judiciaire.
«J’ai été brutalement enlevé à mon domicile devant ma mère par des forces de l’ordre et détenu pendant des semaines à Fada avant d’être transféré à Ouaga. J’ai cru que j’allais mourir, tellement les conditions de détention étaient atroces»
Après quelques jours de détention, il est enfin déféré à la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou. Il a l’occasion de raconter, une partie du feuilleton de sa mésaventure à sa famille à peu près en ces termes : «Douze jours avant mon arrestation, j’ai été convoqué par le préfet de Fada N’Gourrma qui m’a déclaré, après m’avoir reçu, qu’il avait voulu juste faire ma connaissance parce qu’il entendait parler de moi; j’ai été intrigué par cette convocation que je ne comprenais pas; c’est dans cette foulée que le 23 novembre 2008, j’ai été brutalement enlevé à mon domicile devant ma mère par des forces de l’ordre et détenu pendant des semaines à Fada avant d’être transféré à Ouagadougou. J’ai cru que j’allais mourir, tellement les conditions de détention étaient atroces. J’avais droit à une poignée de repas par jour. J’ai été surpris d’apprendre que ce traitement était lié au fait qu’on me soupçonnait d’être un coupeur de route. Pourtant, ils n’ont trouvé chez moi aucune arme à feu. Depuis des dizaines d’années que je vis à Sougoudi avec ma famille, personne ne peut me reprocher un acte quelconque de délinquance. Je ne savais pas qu’on pouvait arrêter un individu sur de simples délations et sans la moindre preuve. Je ne sais pas qui m’en veut à ce point mais j’attends qu’on me confronte avec ceux qui m’accusent s’ils existent. En attendant, je demande simplement à la justice de faire son travail…»
Affaire à suivre !
Par Glory NEMARO
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire