Le président français, Nicolas Sarkozy, a-t-il transmis le message de Mariam Sankara à Blaise Compaoré? Aucune info n’a filtré. Mais même si Sarko ne l’a pas fait lors de l’audience accordée le 18 novembre au président du Faso à l’Elysée, Blaise Compaoré a dû entendre parler ou lu cette lettre par d’autres sources. La veuve du président Thomas Sankara en avait gros sur le cœur. Et elle a «craché» ses vérités au président Compaoré. Voici en intégralité la correspondance qu’elle a adressée à ce sujet à Nicolas Sarkozi.
Monsieur le Président,
La République Française va recevoir avec tous les honneurs Monsieur Blaise COMPAORE, Président du Burkina Faso, le 18 novembre 2008.
Monsieur Blaise COMPAORE est arrivé au pouvoir, le 15 octobre 1987, à la suite d’un terrible bain de sang qui a causé la mort de mon époux Thomas SANKARA ainsi que douze de ses compagnons. Des mêmes suites, certains militaires avaient été sauvagement assassinés, d’autres torturés et brûlés aux camps de Koudougou et de Kamboinsin.
Thomas SANKARA était un homme qui oeuvrait pour le développement du Burkina Faso et le bien-être de son peuple. Mais méritait-il ce triste sort (son assassinat était un acte inédit au Burkina Faso) qui ne m’a pas permis, ainsi qu’à sa famille de voir son corps, de veiller sa dépouille et de lui donner une sépulture digne. Et pour achever cet acte d’une cruauté sans nom, il m’avait été remis un certificat de décès précisant que mon mari – le Président Thomas SANKARA – était mort de mort naturelle.
Avec ce qui me restait de courage, j’ai entrepris à la limite de la prescription, une action judiciaire pour la justice et la vérité. Monsieur Blaise COMPAORE, ayant une justice aux ordres, a étouffé toutes les voies de droit que j’explorais. Interdisant même à son Ministre de la Défense d’ordonner l’ordre de poursuite devant les Tribunaux Militaires.
Ayant épuisé toutes les voies de recours internes au Burkina Faso, et devant le refus de ce pouvoir de me faire justice, j’ai alors saisi le Comité des Droits de l’Homme, le Burkina Faso ayant ratifié le pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que le protocole facultatif entré en vigueur le 23 mars 1976. Il a été rendu à mon bénéfice deux décisions : une sur la recevabilité de ma communication et l’autre sur le fond. C’est en effet, lors de sa 86ème session tenue du 13 au 31 mars 2006 que le comité des Droits de l’Homme a rendu sa décision sur le fond, faisant ressortir des violations par le Burkina Faso des articles 7 et 14 paragraphe 1 du pacte. Le Burkina Faso devait donner, dans les 90 jours de la transmission des constatations du Comité, des informations sur les mesures prises pour y donner suite. Comme à son habitude Blaise COMPAORE, bernait le Comité des Droits de l’Homme en rectifiant à sa façon l’acte de décès de mon époux, en proposant une indemnité de 66231 euros 471 centimes, tout en oubliant de me montrer officiellement le lieu de sépulture de Thomas SANKARA. Mais l’Onu s’en est satisfaite. Je n’ai jamais compris pourquoi on me demande en tant que victime d’accepter des indemnités et de pardonner, alors que les auteurs de ces crimes se promènent librement en toute impunité, alors même que par ailleurs de semblables criminels sont jugés comme l’est aujourd’hui Charles TAYLOR.
Monsieur le Président, Blaise COMPAORE est un prédateur qui a éliminé tous ceux qui lui faisaient de l’ombre. La liste, longue, est de notoriété publique. On se souvient encore de la mort du journaliste Norbert ZONGO assassiné et brûlé dans sa voiture, dont le dossier a été ‘’enterré’’ sans aucune autre forme de procès. Sous la gouvernance de Blaise COMPAORE, le Burkina Faso a été mis en cause par les experts de l’Onu dans le cadre du suivi des sanctions à l’encontre de l’UNITA en Angola, et du Front révolutionnaire de Sierra Léone notamment. Il a été impliqué aussi dans la déstabilisation de la Côte d’Ivoire…Ces dernières semaines, d’anciens compagnons de Charles TAYLOR (John TARNUE et Prince JOHNSON) ont mis en cause Monsieur Blaise COMPAORE dans l’assassinat de mon mari et de ses 12 compagnons le 15 octobre 1987. Mais Blaise COMPAORE n’en a cure. Ayant érigé l’impunité en système de gouvernement, Blaise COMPAORE cherche aujourd’hui une réhabilitation internationale que des rencontres comme celle-ci lui donnent.
Je suis une veuve qui ne pourra faire son deuil, que si justice est rendue à Thomas SANKARA. Ma soif de justice est la même que celle des autres veuves comme Madame ERIGNAC, Madame BORREL qui ont reçu votre indéfectible soutien. Monsieur le Président, vous êtes aussi un homme de robe, qui avait placé la justice au centre du serment d’Avocat et de Président. Il serait alors souhaitable, que vous puissiez exiger de votre encombrant hôte, de me laisser accéder à la justice militaire dont l’action ne peut être déclenchée que sur ordre de poursuite de son Ministre de la Défense. La réconciliation et le pardon sont à ce prix.
En vous remerciant d’avance de votre soutien transcendant la logique politique, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma haute et respectueuse considération.
Mercredi 12 novembre 2008
Mariam SANKARA
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