dimanche 23 août 2009

Editorial: Que deviendra Salif Diallo?

Depuis sa sortie médiatique du 8 août 2009, l’avenir politique de Salif Diallo est sur toutes les lèvres. Ses anciens compagnons lui ont tourné le dos. Mais nombreux sont les Burkinabè qui croient que tout cela relève des plans du pouvoir pour créer la diversion afin de mieux opérer les mutations institutionnelles nécessaires à son maintien au-delà de 2015. Les propositions de Salif Diallo seraient donc de nature à préparer les esprits à une révision de la Constitution pour permettre encore à Blaise Compaoré de briguer d’autres mandats dans le cadre d’une 5è République avec un régime parlementaire. Il serait donc un Président sans pouvoir réel mais aura droit à tous les honneurs. Cependant, tant qu’il sera Président, aucun texte ni personne ne pourrait lui ôter son pouvoir. Il restera donc en réalité le maître du jeu, surtout si c’est le CDP qui a la majorité parlementaire. Car, jusqu’à présent, ce parti ne semble avoir sécrété un militant capable de tenir tête au Président Compaoré.
Il faut cependant croire que le Président et son ancien «bras droit» sont plus stratèges que cela. Car la méfiance grandissante entre le pouvoir et la grande majorité du peuple, notamment sa frange intellectuelle, rend suspecte toute proposition venant d’eux. On l’a vu à travers les nombreuses réactions consécutives aux déclarations de Salif Diallo. Si cette méfiance est compréhensible, il paraît plus important d’accrocher au contenu une attention particulière. Le simple fait que celui qui passait pour le numéro 2 du pouvoir en place reconnaisse la faillite des institutions et la patrimonialisation de l’Etat est lourd de sens. A cela s’ajoutent les déclarations du président du parti au pouvoir, Roch Marc Christian kaboré, selon lesquelles Salif Diallo serait en perte de confiance avec le régime Compaoré. Il y a aussi que les débats qui ont suivi ont montré tout l’intérêt de repenser notre démocratie et d’y insuffler une nouvelle dynamique. Peu importe que l’on épouse ou non le principe d’un régime parlementaire.
Dans tous les cas, la suite des évènements situera davantage sur le degré de divorce entre les «enfants terribles» de Ziniaré et de Ouahigouya. Deux scénarii possibles sont alors à envisager. S’il est en rupture de banc avec le pouvoir, il est clair qu’en plus de sa suspension des instances du parti, Salif Diallo devrait commencer à faire sa valise de Vienne pour rentrer au bercail. Parce qu’il est impensable que Blaise Compaoré laisse un «ennemi» politique à la tête d’une chancellerie diplomatique. Ce serait une erreur stratégique. Dans le même temps, c’est une situation gênante parce que Salif Diallo n’a pas encore passé un an à ce poste. Pour autant, l’embarras ne prendrait pas certainement le dessus sur les intérêts stratégiques.
L’autre alternative serait aussi de le conserver à ce poste tout en le surveillant de très près, en lui affectant notamment des agents espions, d’autant plus que le fait de le renvoyer au pays, pourrait être difficile à gérer par le parti. Au regard de ses capacités reconnues de nuisance s’il s’y engage, sa présence permanente au pays mettrait certainement certains caciques du parti mal à l’aise. Il pourrait même obtenir le ralliement de certains à sa cause. Enfin, il pourrait être muté comme ambassadeur dans un pays africain pour faciliter le contrôle. Toujours est-il que l’avenir politique et même professionnel de Salif Diallo relève désormais de l’inconnu. Quelle que soit la trajectoire qu’il prendra, l’intéressé lui-même doit se convaincre qu’il doit aller jusqu’au bout de sa logique, si tant est que sa sortie fracassante relève d’une volonté de contribuer à éviter la patrimonialisation de l’Etat. Il ne doit pas s’arrêter en si bon chemin. S’il ne le fait pas, il risque fort de donner raison à ceux qui croient qu’il n’a fait que porter la voix de son maître. En tous les cas, il doit assumer pleinement et à n’importe quel prix sa nouvelle situation, étant entendu qu’il a décidé librement de prendre l’opinion nationale à témoin de son nouvel engagement. Il pourrait ainsi entrer dans l’histoire par la bonne porte, malgré tout ce que l’on a pu dire de lui. La marque des grands hommes, c’est cette capacité à changer d’option quand on se rend compte que l’on est sur le mauvais chemin.

Boureima OUEDRAOGO

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