lundi 2 février 2009

NORBERT ZONGO: Assassiné par…


Norbert Zongo

Le 13 décembre prochain, cela fera 10 ans, jour pour jour, que notre confrère Norbert Zongo, fondateur de l’hebdomadaire l’Indépendant, a été assassiné et brûlé avec ses trois compagnons à Sapouy dans la province du Ziro, à une centaine de Km de Ouaga. Cet odieux crime avait mis le pays tout entier en ébullition. Marches, meetings, sit-in, ont été organisés à travers le territoire national pour revendiquer vérité et justice sur cette affaire que d’aucuns ont qualifié de «crime d’Etat contre un journaliste». Dix ans après, la justice burkinabè piétine ou plutôt sommeille profondément; éblouie par les pesanteurs politiques, elle se refuse obstinément à ouvrir les yeux sur des indices qui crèvent pourtant l’évidence, invoquant des arguments aussi fallacieux que spécieux. Ainsi, Norbert Zongo serait mort, assassiné…par personne. Et pourtant un simple survol de quelques éléments de ce dossier suffit à vous donner le vertige.


Malgré le fastidieux travail de la commission d’enquête indépendante dont les éléments auraient été reversés dans le dossier du juge d’instruction Wenceslas Ilboudo, il a fallu près de deux années à ce dernier pour inculper un seul suspect: Marcel Kafando. Après cette inculpation, en février 2001, jugée tardive par certains techniciens du droit qui estiment qu’elle a donné tout le temps nécessaire à Marcel Kafando et aux siens de brouiller les pistes, plus rien de concret n’est signalé au niveau de l’instruction. Sauf qu’on apprend par la suite que Marcel Kafando qui purgeait déjà une peine de 20 ans pour le meurtre de David Ouédraogo, chauffeur de François Compaoré, a rejoint son domicile pour cause de maladie. Pour bien des observateurs, l’attitude du juge était pour le moins passive et peu entreprenante, se contentant du strict minimum, insuffisant pour l’instruction d’une affaire d’une telle ampleur. Et coup de théâtre ! Le 18 juillet 2006, le juge, à la demande du Procureur du Faso semble-t-il, rend une ordonnance de non-lieu qui disculpe l’unique inculpé de l’affaire. Prétexte invoqué, le revirement de Racine Yaméogo qui serait revenu sur son témoignage. Il avait, après avoir soutenu l’alibi de Marcel Kafando, expliqué qu’en réalité le jour des événements de Sapouy, non seulement il n’était pas avec Marcel Kafando, mais avait vainement tenté de le joindre, son téléphone étant inaccessible. Mais subitement, il ne se souvenait plus si c’était le 13 décembre 1998 ou le 14 décembre 1998 qu’il s’était retrouvé avec Marcel Kafando. Cette hésitation était pour les procureurs et le juge d’instruction suffisante pour prononcer un non lieu. Il faut préciser qu’entre temps, Racine Yaméogo, après son témoignage incriminant Marcel Kafando, avait perdu son emploi.
L’appel des avocats de la partie civile contre cette décision de non-lieu fut sans effet. La cour d’appel la confirma, renvoyant ainsi Marcel Kafando en liberté et le dossier aux calendes grecques, dans les tiroirs de la justice.

Les conclusions de la commission d’enquête

Le 7 mai 1999, la CEI dépose entre les mains du premier ministre son rapport final. Les conclusions sont sans équivoque: il s’agit bien d’un crime politique perpétré par des éléments de la garde présidentielle. Le mobile: le traitement par la victime de l’affaire David Ouédraogo.
Des noms tels que ceux de François Compaoré, Alizèta Ouédraogo, dite Alizèt Gando, Oumarou Kanazoé, Franck Alain Kaboré sont évoqués par la commission et font l’objet de toutes les rumeurs autour de cette affaire.
La commission d’enquête a, au vu des éléments recueillis, écarté les autres pistes, qui paraissaient en vérité farfelues au regard des circonstances du drame, notamment celle qui suggérait que l’enquête soit orientée vers les paysans vivant aux alentours du ranch appartenant au journaliste, avec lesquels il aurait eu quelques démêlés ou encore celle qui prétendait que les flammes auraient pu être provoquées par l’explosion des munitions transportées par les occupants du véhicule.
En vérité, les circonstances du meurtre et les indices laissés par les assassins sur la scène du crime ont permis aux enquêteurs de se convaincre que ce guet apens ne pouvait être que l’œuvre de professionnels. Il n’y a eu aucune trace de freinage et le véhicule aurait été atteint dans sa marche par des balles tirées par des hommes embusqués ayant agi avec une précision et une dextérité dont seuls des professionnels peuvent en être capables. On retrouve, sur les lieux du crime, des objets tels que un fusil de calibre 12 avec un chargeur automatique, des gourdes, un revolver, des douilles de cartouches, etc.
Les expertises balistiques et légistes sont formelles: Norbert Zongo et ses compagnons ont été assassinés par plusieurs personnes. Les armes utilisées sont un revolver spécial, des fusils de calibre 12 semi- automatiques. D’où des paysans, chasseurs même émérites, pourraient-ils sortir une telle armada?
Ils expliquent concernant surtout Marcel Kafando, les contradictions flagrantes, et dans son emploi du temps et dans ses déclarations. Pour se constituer un alibi, Marcel Kafando aurait prétendu qu’il serait resté à son bureau au Conseil de l’Entente jusqu’à 11 h, le 13 décembre 1998 et aurait ensuite rejoint l’un de ses amis, le Sergent chef Racine Yaméogo dans un restaurant de la place. Ce dernier confirme l’alibi de son copain et soutient l’avoir appelé sur sa ligne directe ce jour, 13 décembre 1998, entre 9h et 10 h. Marcel Kafando étant donc à Ouaga, dans la matinée du 13 décembre 1998 - c’est ce qu’est censé prouver le témoignage de son copain- ne pouvait donc pas être à Sapouy pour perpétrer un crime.
Pour conforter son alibi, Marcel Kafando aurait déclaré avoir reçu un appel sur son téléphone cellulaire entre 16 h et 17 h alors qu’il était au restaurant en compagnie de Racine Yaméogo. Mais il y a problème: après vérification auprès de la compagnie de téléphonie, l’appel de Racine Yaméogo vers le poste de Marcel Kafando n’a jamais existé; tout comme l’appel que ce dernier aurait reçu sur son portable. Faisceaux de mensonges. Mais pourquoi Marcel Kafando se cherche-t-il de faux alibis ? Attitude curieuse pour un individu qui n’a rien à se reprocher. Cette attitude contradictoire aux faits et bien d’autres informations recueillies par les enquêteurs, lui ont valu d’être désigné sérieux suspect avec 5 autres éléments de la garde présidentielle.

Qui sont les suspects sérieux ?


La commission d’enquête indépendante, après des centaines d’auditions, confirme ce que l’opinion publique devinait déjà. L’ assassinat aurait été perpétré par des éléments de la sécurité présidentielle. Une liste de six suspects sérieux est établie: l’Adjudant chef Marcel Kafando, le Sergent chef Edmond Koama, le Soldat Ousséni Yaro et le Caporal Banagoulo Banazaro.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, à quelques exceptions près, ce sont les mêmes qui ont été impliqués dans l’affaire David Ouédraogo ; cette affaire dont Norbert Zongo avait fait du dénouement un point d’honneur. On retiendra d’ailleurs que dans le cadre de ladite affaire, cinq d’entre eux ont été inculpés et jugés et trois d’entre eux ont été condamnés: Marcel Kafando, Edmond Koama, Ousséni. Yaro.
Edmond Koama est décédé avant même d’avoir purgé sa peine; Marcel Kafando serait toujours malade et cloîtré à son domicile. Quant à Ousséni Yaro, il a recouvré la liberté après avoir purgé une partie de sa peine ; radié de l’armée, il vivrait en reclus, sans emploi, à son domicile sis au quartier Paglayiri, à Ouagadougou ; de quelles ressources ? Nul ne le sait.
Restent Banagoulo Yaro, Nacoulma Wampasba dont on est sans nouvelle, certainement mutés dans des unités à l’intérieur du pays.

Où est passé le véhicule 4X4 Toyota bleu?

Lors de l’enquête de la commission d’enquête indépendante, le recoupement des témoignages a fait ressortir les caractéristiques d’un véhicule suspect: une 4X4 probablement de couleur bleue, sans immatriculation ; l’enquête révélera aussi que le parc automobile de la sécurité présidentielle comprenait bien un véhicule répondant à cette description. Pire, la position de ce véhicule le jour des faits aurait été des plus suspectes. Interrogé sur la position dudit véhicule le jour des faits, Marcel Kafando aurait affirmé que le véhicule n’aurait pas bougé de l’enceinte de l’ex-ministère de la Promotion économique où il était stationné. Seul problème, Badiel Eloi, chef de section de Koama Edmond, est formel. Il aurait déclaré dans son témoignage : «Je n’ai pas vu ce véhicule en stationnement le 13 décembre à la promo (entendez l’ex ministère de la Promotion économique) ». Où était donc la fameuse 4X4 bleu le jour du 13 décembre 1998 et qui l’a utilisé et à quelle fin ? L’absence de ce véhicule suspect à son lieu habituel de stationnement est d’autant plus intriguant que des témoins entendus par les enquêteurs déclarent que Koama Edmond avait l’habitude d’utiliser ce fameux 4X4. Or, le chef de garage n’aurait ce jour du 13 décembre donné aucune autorisation de sortie de ce véhicule ! Où était-il donc passé ?

Faut-il croire le colonel Diendéré?

Le crime se serait déroulé aux alentours de 16 heurs ce fameux 13 décembre 1998. Quand on interroge le colonel Gilbert Dienderé sur le moment auquel il aurait obtenu l’information, sa réponse est quasiment la même que celle de Marcel Kafando. Il répondrait qu’il aurait appris la mort de Norbert Zongo le 14 décembre 1998 à l’aéroport, de la bouche de l’ex ministre Salif Diallo. Cette version paraît aussi surprenante qu’improbable, quand on sait que le 14 décembre au petit matin déjà, la ville de Ouagadougou était en ébullition, et s’en sont suivi des manifestations, des casses, des destructions de biens dont des véhicules appartenant au CDP, parti du président Compaoré ; et de tout cela, ni le chef d’Etat major particulier du président, ni le chef de la sécurité présidentielle (Marcel Kafando) n’en étaient informés! Comprenne qui pourra.

Que sont devenus les juges de l’affaire Norbert Zongo?

De tous les juges impliqués dans l’affaire Norbert Zongo, deux se sont particulièrement illustrés: d'abord le juge Wenceslas Ilboudo dont le nom rime désormais avec non-lieu. Chargé du dossier avec une cagnotte de plus de vingt-cinq millions de FCFA, il a, après huit années d’une laborieuse instruction, réussi l’extraordinaire tour de passe-passe de blanchir Marcel Kafando, l’unique inculpé, en lui accordant un non-lieu.
En 2006, il se débarrasse donc du dossier Norbert Zongo qui constituait aux dires de certains observateurs, un véritable boulet à l’ascension de sa carrière. Juste après cet exploit, il est nommé en 2007 vice-président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou. Mais il ne tiendra ce poste jugé à tort ou à raison par ses détracteurs comme la récompense pour services rendus, qu’une seule année. En 2008, il est débarqué et affecté à la Cour d’appel de Ouagadougou. Cette sanction, il la devrait au dossier des étudiants ; on ne lui aurait pas pardonné d’avoir relaxé les étudiants poursuivis pour dégradation de biens et participation à une manifestation interdite.
Le second, Adama Sagnon, procureur du Faso durant l’affaire Norbert Zongo s’est, avec le procureur général Abdoulaye Barry, révélé au grand public par ses conférences de presse récurrentes où il s’est plus comporté en défenseur de François Compaore qu’en véritable représentant de la société. Adama Sagnon est actuellement Substitut du procureur général Abdoulaye Barry. Il serait, à ce poste, en transition pour des lendemains meilleurs. Attendons de voir… !
Relativement à ces deux magistrats, un fait majeur retient l’attention: outre le fait qu’ils seraient amis dans la vie courante, ils sont tous les deux des ex-pensionnaires du Prytanée militaire du Kadiogo (PMK) et font partie d’une association dénommée Association des Ex-enfants de Troupe ( AET) regroupant des militaires et des ex-militaires à la tête de laquelle association, on retrouve des officiers de l’armée bukinabè. On peut bien se demander si ce choix a été le fruit du hasard.

Qui paient les avocats de Marcel Kafando?


Ils sont au nombre de quatre. Ces avocats passent, au regard du contexte de cette affaire, pour être de véritables kamikazes. L’opinion publique ne leur pardonne pas de jouer les avocats du diable. Ce qui paraît d’un point de vue professionnel un peu sévère comme reproche, car le droit à une défense même pour le diable constitue un principe cardinal d’une justice équitable. Mais si l’on ne peut reprocher à ces hommes de métier d’accomplir ce pour quoi ils ont prêté serment (défendre leurs clients), on ne peut non plus s’empêcher de s’interroger sur certains aspects éminemment troublants de leur présence aux côtés de Marcel Kafando.
Comment par exemple Marcel Kafando, sergent de son état, radié de l’armée après sa condamnation dans l’affaire David Ouedraogo, peut-il se payer les services de quatre avocats qui, dans le milieu, ne traînent aucune réputation de bénévoles ? Bien au contraire, au regard peut être de leur ancienneté, ils font partie des avocats dont les services sont rémunérés au prix fort. Autre élément singulier: deux des quatre avocats de Marcel Kafando sont officiellement aussi les avocats de François Compaoré. En effet, on se souvient que dans le procès de François Compaoré contre le journal L’Evénement, Maîtres Abdoul Ouédraogo et Mamadou Ouattara ont eu l’honneur d’assurer la défense du frère cadet du président du Faso devant le tribunal. Les deux autres, Maîtres Antoinette Ouédraogo et Annicet Somé, sont des conseils attitrés de l’Etat burkinabè et pas non plus très éloignés de François Compaoré .Simples coïncidences ou ceci peut-il expliquer cela ? En tout cas, il existe des Burkinabè qui pensent que cette coïncidence est loin d’être fortuite.
Mais nul n’est dupe. Cette affaire Norbert Zongo n’est pas une question de preuves encore moins d’indices. Elle est le talon d’Achille de ce régime qui demeure conscient que la vérité qui pourrait jaillir de son dénouement pourrait lui être fatal. Mais le mal n’est-il pas déjà fait ? Quand on assassine un homme d’esprit et d’opinion, on devrait se douter que par son sang versé, on nourrit la semence des idées et des idéaux qu’il a semé afin qu’ils germent dans tous les esprits; car un héros mort sert toujours de référence!

Par Boureima OUEDRAOGO et Hervé D’AFRICK

1 commentaire:

  1. C'est déplorable que cela puisse se produire dans un pays dit pays de paix, de liberté et de democratie. Nous sommes avec vous monsieurs les journalistes, si les assassins pensent qu'ils ont le monopole de tout ils se trompent, Norbert Zongo (paix à son ame) c'etait il ya plus de 10ans ce n'est plus pareil maintenant. Nous mettons en garde toutes ses pourritures qui pensent etre au dessus de tout, s'il arrive le moindre soucis à un citoyen, croyez nous vous saurez que seul dieu est au dessus de tout.Vous pensez vous cachez, pourtant nous voyons vos dos pendant que vous nagez,nous sommes prêt a defendre ces honnettes cityens qui ne font que leurs metiers.
    Alors attention....!!!!!! aux jounalistes nous disons de continuer, nous sommes avec vous, le peuple est avec vous, dieu est avec vous, merci pour tout ce que vous faites, que dieu le tout puissant veuille sur vous et vos proches, la verité tromphera.

    Les lecteurs de la diasporas burkinabè de cote d'ivoire.

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