Attention: si vous devez aller aux Etats-Unis, prenez des dispositions adéquates. Ne vous fiez pas à la publicité qui passe à la télé. C’est Aly Ouédraogo de l’Association des Burkinabè de New-York qui le dit. Il est aux Etats-Unis depuis bientôt quinze ans. Et il sait de quoi il parle. «Il y a des opportunités mais il faut savoir les saisir», dit-il. Dans cette interview, il parle des conditions de vie des immigrés, de la question du vote des Burkinabè de l’extérieur et lance un appel aux autorités politiques et diplomatiques afin qu’elles oeuvrent davantage pour que les Burkinabè de la diaspora soient dans de meilleures conditions. Aly Ouédraogo porte aussi un regard critique sur le processus de développement du Burkina et aborde d’autres questions d’intérêt public.
Le Reporter: Vous êtes arrivé aux Etats-Unis il y a quinze ans. Quelles sont les premières difficultés auxquelles vous avez été confrontées?
Aly Ouédraogo: Je remercie Dieu parce que les débuts n’étaient pas si difficiles. Le seul gros problème auquel j’ai été confronté, c’est la langue, l’anglais. Je ne parlais pas du tout cette langue mais très vite, je me suis adapté. Quelques mois après mon arrivée, je conversais couramment en anglais. Je n’ai été confronté à aucun autre problème majeur. Je suis venu ici pour servir mon pays. Depuis quinze ans, j’essaie, autant que possible, d’apporter ma pierre à l’édification de notre cher Burkina Faso.
Les Burkinabè vivent-ils ici dans de bonnes conditions ?
Si vous arrivez aux Etats-Unis et que vous respectez les lois et règlements de ce pays, vous pourrez y rester pendant plusieurs années, voire vingt ou quarante ans et même plus. Ici, vous pouvez circuler entre 4h et 1h du matin sans avoir de problème. Je souhaite que les autres pays développés donnent aux immigrés de telles opportunités. La manière dont les africains sont traités dans certains pays européens est lamentable et inhumaine. Les Etats-Unis par contre offrent de meilleures conditions aux immigrés. Les Burkinabè qui vivent aux Etats-Unis se comportent bien et c’est tout à leur honneur.
Quelle analyse faites-vous de l’évolution du Burkina Faso durant les quinze dernières années?
Je suis fier de mon pays. Si je pouvais coudre un habit, inscrire en lettre d’or le nom Burkina Faso dessus et le porter tous les jours, je l’aurais fait. En Afrique de l’Ouest, le Burkina est un pays où le développement est en marche. Nos frères Maliens, Guinéens, Sénégalais, etc. en parlent. Certes, le Burkina est classé parmi les pays les plus pauvres du monde ; mais si nous unissons nos forces, nous parviendrons progressivement à vaincre cette pauvreté, à construire notre pays.
Comment les Burkinabè de New-York participent-ils au développement du Burkina?
Nous nous inspirons du modèle américain en matière de développement. Nous recueillons donc des idées, nous tirons leçon des savoir-faire américains. Ensuite, par le biais de la presse et certaines actions que nous posons, nous faisons savoir ce que nous avons appris; ainsi, les acteurs de terrain, qui sont notamment sur les chantiers de développement dans nos pays, pourront, à leur tour, en profiter. J’aurais pu retourner définitivement au pays cinq ou six ans après mon arrivée ici; mais j’ai des charges qu’il me faut honorer: j’ai mes parents au Burkina, mes neveux, mes oncles, mes cousins, tout ce beau monde compte sur moi. En plus, sur place ici, il me faut payer le loyer, le transport, la nourriture, etc. Ma contribution pour mon pays est très importante: grâce à moi, beaucoup de gens peuvent aller à l’école, se soigner, se nourrir, etc. Grâce à moi, certains peuvent dirent aujourd’hui que leur vie, c’est du luxe. Mais si je rentre définitivement au pays, tout cela pourrait prendre fin. C’est la raison pour laquelle beaucoup de gens restent longtemps à l’aventure.
Quels conseils pourriez-vous donner à des Burkinabè ou, de façon générale, à des Africains qui souhaitent venir aux Etats-Unis ?
Je leur dirais de faire attention: il y a de la publicité qui passe dans les médias et qui font rêver les gens. C’est de la pub pour attirer les touristes. Mais une fois sur le terrain, ils se rendront compte que la réalité est tout autre. Avant de venir aux Etats-Unis, il faut qu’ils s’assurent qu’ils sont vraiment prêts. Ils doivent savoir que c’est un risque qu’ils prennent. Et que leur aventure peut bien se passer tout comme elle peut mal se dérouler. Mieux vaut se mettre en tête qu’en venant aux Etats-Unis, ils vont souffrir: ils n’auront ni leur père, ni leur mère, ni leur frère à côté pour les aider. C’est eux-seuls et le bon Dieu! S’ils arrivent et que tout se passe bien, tant mieux ! Mais s’ils sont confrontés à des difficultés, ils seront psychologiquement déjà préparés pour faire face à la situation.
De façon concrète, comment vit un immigré aux Etats-Unis?
Ici, la vie d’un immigré est semblable à celle d’un «prisonnier». Je dis «prisonnier» parce que chaque jour, il se lève très tôt le matin, va au boulot et rentre souvent tard à la maison. Il est souvent difficile d’avoir du boulot. Mais les Burkinabè s’en sortent. Ils sont reconnus comme des hommes honnêtes, des travailleurs. Assez souvent, des gens ici nous appel pour savoir s’il y a des Burkinabè à qui ils voudraient offrir un boulot. Il est difficile pour tout Burkinabè qui arrive ici, de passer trois mois sans avoir du boulot.
Vous voulez dire que les Burkinabè de New-York sont bien organisés ?
Il y a une dizaine d’années, lorsqu’un Burkinabè arrivait aux Etats-Unis, il était obligé de loger chez un Malien ou un Guinéen. Mais au fil des années, la situation a changé. Nous sommes mieux organisés. Tout Burkinabè qui arrive aux Etats-Unis, est généralement accueilli par un autre Burkinabè, logé et bien guidé. Il s’adapte facilement à cause des autres Burkinabè.
La situation en Afrique est souvent difficile. Mais certains affirment, vous notamment, que ce continent a une grande richesse qui est le soleil. Pourquoi dîtes-vous cela ?
J’ai effectivement affirmé il ya cinq ou six ans, sur une radio FM à Ouagadougou, que le Burkina Faso a une grande richesse, le soleil. Il est regrettable que des pays sahéliens, tels que le Burkina, le Mali, le Niger, ne se concertent pas afin de faire appel à des experts solaires qui feront des études sur la manière dont ils pourront exploiter et donc tirer profit du soleil. Peut-être qu’il y a eu une étude sur la question mais je n’en ai pas personnellement connaissance. Mais dans tous les cas, la réflexion mérite d’être menée. Chaque année, combien de millions de litres de diesel la Société nationale d’électricité (SONABEL) consomme-t-elle? Posez la question au Directeur général de cette société ou aux experts; ils vous répondront certainement que la consommation est extrêmement importante. Il y a aussi une importante pollution que l’exploitation de ce produit engendre. D’autres questions qui méritent d’être posées, c’est d’où vient ce diesel ? Combien coûte l’entretien des machines ?
Même si l’on dépense vingt milliards de FCFA pour faire appel à des experts pour ce travail, on ne perd pas du tout. A moyen ou long terme, on gagnera énormément. Il nous faut faire de réels prospectives, notamment savoir ce que nous voulons que le Burkina soit dans dix, vingt ou trente ans. Il n’y a pas longtemps, l’une des machines de la SONABEL est tombée en panne et il fallait dépenser des millions et des millions de FCFA pour acquérir une autre. Cela a causé beaucoup de dommages et cela a duré plusieurs jours, voir des semaines. Pourtant, nous aurions pu éviter cette situation en prenant un certains nombre de précautions. Actuellement, nous sommes en bons termes avec le Ghana, le Togo et la Côte d’Ivoire; mais en cas de problème avec ces pays, d’où viendra le diesel ? Actuellement, les grands débats aux Etats-Unis portent sur la question de l’énergie. Il nous faut, nous aussi, réfléchir pour voir comment tirer profit de notre soleil.
Qu’avez-vous à dire aux opérateurs économiques burkinabè ?
Les opérateurs économiques ont beaucoup d’opportunités à saisir aux Etats-Unis. Tout récemment, le dollar était très faible, en tout cas, moins fort que le CFA. Je n’ai vu aucun de nos opérateurs économiques exploiter cette situation. Je leur lance donc un appel afin qu’ils ne se concentrent pas seulement sur la France mais qu’ils songent aussi à tirer profits aux Etats-Unis. Un exemple: les opérateurs économiques burkinabè ont la possibilité d’acheter des maisons ici. S’ils peuvent par exemple dépenser un million de FCFA pour acheter une maison en France, ils auraient pu le faire lorsque le cours du dollar était en très forte baisse. Ils auraient par la suite bénéficié d’importantes relations et de centaines de milliers de dollars qui leur auraient permis de développer d’autres projets. Il faut que nos opérateurs économiques réfléchissent sur la manière d’investir en dehors de l’Afrique. Investir dans les pays développés présente moins de risques, beaucoup d’assurances et d’opportunités.
Vus d’Afrique, les Maliens de la diaspora semblent bien organisés. Comment expliquez-vous une telle situation ?
Chaque Etat doit organiser ses ressortissants à l’étranger. Le Mali a ouvert des banques d’habitat aux Etats-Unis. Chaque soir, les Maliens qui travaillent ici vont verser de l’argent à la banque; ils n’accumulent pas leurs revenus à domicile. Concernant le prix des immobiliers, si au Burkina, on demande quatre ou cinq millions de FCFA, au Mali, il suffit de payer 500 000 FCFA pour avoir une villa. Les Maliens versent leur argent à la Banque d’habitat qui le transfert ensuite au Mali. Il y a quelques années, j’avais rencontré le Directeur général de la BIB qui m’avait expliqué que cette banque avait des projets pour les Burkinabè d’Italie, des Etats-Unis et d’autres pays. La BIB s’est ensuite jumelée avec la banque d’habitat du Sénégal. Les Burkinabè qui ont eu l’information exploitent effectivement cette opportunité. Avec ton passeport, tu peux ouvrir un compte bancaire, faire des virements d’argent à des coûts réduits, donner des autorisations à tes parents d’aller retirer de l’argent à la BIB. Cela est déjà important; je demande à la BIB de développer davantage d’initiatives au profit des Burkinabè vivant à l’étranger. Je demande aussi à l’Etat de voir comment mieux organiser les Burkinabè qui vivent hors du pays. Ces derniers peuvent créer des emplois dans leurs pays d’origine mais il faut qu’on leur offre un certain nombre d’opportunités. Par exemple, tout Burkinabè a le droit de demander une parcelle pour construire; nous recevons des documents à ce sujet. Mais c’est un secteur qui mérite d’être mieux organisé. Si par exemple, on réserve 200 ou 500 parcelles baptisées «Etats-Unis», le même nombre, baptisées «Italie» pour les Burkinabè d’Italie, et que l’Etat fixe une somme, 5 ou 10 millions minimum pour la construction, vous verrez que les Burkinabè de la diaspora vont se mobiliser pour ce projet. Chaque Burkinabè vivant à l’extérieur du Burkina pourra ainsi disposer d’une maison. Cela permettra en même temps de créer des emplois dans notre pays et aux Burkinabè de la diaspora d’avoir l’assurance qu’en rentrant un jour chez, ils auront une maison adéquate dans laquelle ils pourront habiter. Dans cette optique, on pourrait demander à certaines structures expérimentées dans la construction comme AZIMMO de superviser les travaux.
Que souhaitez-vous précisément que le Conseil supérieur des Burkinabè de l’étranger fasse pour améliorer la situation des Burkinabè de la diaspora ?
Le Conseil travaille malgré ses moyens limités. A mon avis, il peut mieux faire. Je souhaite qu’on recrute au sein de ce Conseil des personnes qui connaissent très bien les lois internationales. Ils peuvent par exemple être installés au sein des ambassades, des consulats et autres représentations du Burkina à l’extérieur. Si un Burkinabè a des problèmes, il pourra immédiatement les saisir afin par exemple qu’ils l’aident à trouver un avocat, à intervenir auprès de la police, etc. Même concernant la question de la construction, ils pourront être nos conseillers. Il serait intéressant aussi que ce conseil fédère les énergies des Burkinabè vivant à l’étranger en leur demandant de faire des propositions pour la bonne marche de l’organisation et en les impliquant davantage dans les différentes activités.
Jusqu’à présent, les Burkinabè de l’extérieur n’ont pas la possibilité de participer aux votes dans leur propre pays alors qu’ils sont des citoyens comme tous les autres. Quel analyse en faites-vous?
De plus en plus, dans les journaux, il y a des points de vue visant à permettre aux Burkinabè de l’extérieur de voter. J’en suis d’accord. Mais il y a des préalables à régler. Il est difficile aujourd’hui de dire combien de Burkinabè il y a aux Etats-Unis. Si vous allez au niveau de l’ambassade à Washington, on vous donnera le nombre de ceux qui ont été officiellement recensés; mais en réalité, il y en a plus. Il faut que tout Burkinabè de la diaspora se fasse enregistrer auprès des différentes représentations de notre pays. Cela permettra de savoir le nombre exact de Burkinabè vivant à l’étranger. Généralement, quand ces derniers veulent légaliser ou renouveler des papiers dont la date de validité est expirée, ils vont le faire à l’ambassade ou au consulat. Il faut qu’à ce sujet, l’Etat prenne des mesures fermes: arrêter de légaliser tant que la personne n’a pas de carte consulaire. Il faut donc profiter de ces occasions de légalisation ou de renouvellement de papiers pour inciter les Burkinabè à établir leurs cartes consulaires. Ainsi, le jour de la remise des papiers légalisés, la personne concernée pourrait en même temps retirer sa carte consulaire. Cela permettra à chaque représentation diplomatique de notre pays d’avoir une idée plus précise du nombre de Burkinabè. Il faut aussi que l’Etat sanctionne ceux qui font les passeports des Burkinabè vivant à l’étranger sans une copie de la carte consulaire légalisée. L’Etat peut par exemple prendre un décret disant qu’à partir de 2009, tout Burkinabè vivant à l’étranger devra disposer d’une carte consulaire s’il veut obtenir d’autres documents. Cela permettra, à coup sûr, de recenser les Burkinabè vivant dans chaque pays. On pourra alors commencer à parler de vote des Burkinabè de l’extérieur.
Y a-t-il autre chose qui vous tient particulièrement à cœur et que l’on n’a pas abordé?
Actuellement, le Burkina Faso est un pays incontournable sur le plan mondial. Nous remercions nos dirigeants pour le travail fourni et leur demandons de faire davantage. Plusieurs milliards de FCFA proviennent des bailleurs de fonds dans le cadre de l’aide au développement de notre pays. Mais il faut que l’opinion publique sache ce qui a été réalisé avec ces milliards. Cela ne fera nullement reculer le Burkina; ce sera plutôt une preuve de transparence. Il faut aussi que les Burkinabè cultivent la paix du cœur. Nous devons nous donner la main pour construire le pays. Il faut éviter que certains arrosent l’arbre alors que d’autres le coupent par le bas. Nous devons plutôt unir nos forces pour l’intérêt supérieur de notre cher pays.
Propos recueillis aux Etats-Unis par Hervé D’AFRICK
Le Reporter: Vous êtes arrivé aux Etats-Unis il y a quinze ans. Quelles sont les premières difficultés auxquelles vous avez été confrontées?
Aly Ouédraogo: Je remercie Dieu parce que les débuts n’étaient pas si difficiles. Le seul gros problème auquel j’ai été confronté, c’est la langue, l’anglais. Je ne parlais pas du tout cette langue mais très vite, je me suis adapté. Quelques mois après mon arrivée, je conversais couramment en anglais. Je n’ai été confronté à aucun autre problème majeur. Je suis venu ici pour servir mon pays. Depuis quinze ans, j’essaie, autant que possible, d’apporter ma pierre à l’édification de notre cher Burkina Faso.
Les Burkinabè vivent-ils ici dans de bonnes conditions ?
Si vous arrivez aux Etats-Unis et que vous respectez les lois et règlements de ce pays, vous pourrez y rester pendant plusieurs années, voire vingt ou quarante ans et même plus. Ici, vous pouvez circuler entre 4h et 1h du matin sans avoir de problème. Je souhaite que les autres pays développés donnent aux immigrés de telles opportunités. La manière dont les africains sont traités dans certains pays européens est lamentable et inhumaine. Les Etats-Unis par contre offrent de meilleures conditions aux immigrés. Les Burkinabè qui vivent aux Etats-Unis se comportent bien et c’est tout à leur honneur.
Quelle analyse faites-vous de l’évolution du Burkina Faso durant les quinze dernières années?
Je suis fier de mon pays. Si je pouvais coudre un habit, inscrire en lettre d’or le nom Burkina Faso dessus et le porter tous les jours, je l’aurais fait. En Afrique de l’Ouest, le Burkina est un pays où le développement est en marche. Nos frères Maliens, Guinéens, Sénégalais, etc. en parlent. Certes, le Burkina est classé parmi les pays les plus pauvres du monde ; mais si nous unissons nos forces, nous parviendrons progressivement à vaincre cette pauvreté, à construire notre pays.
Comment les Burkinabè de New-York participent-ils au développement du Burkina?
Nous nous inspirons du modèle américain en matière de développement. Nous recueillons donc des idées, nous tirons leçon des savoir-faire américains. Ensuite, par le biais de la presse et certaines actions que nous posons, nous faisons savoir ce que nous avons appris; ainsi, les acteurs de terrain, qui sont notamment sur les chantiers de développement dans nos pays, pourront, à leur tour, en profiter. J’aurais pu retourner définitivement au pays cinq ou six ans après mon arrivée ici; mais j’ai des charges qu’il me faut honorer: j’ai mes parents au Burkina, mes neveux, mes oncles, mes cousins, tout ce beau monde compte sur moi. En plus, sur place ici, il me faut payer le loyer, le transport, la nourriture, etc. Ma contribution pour mon pays est très importante: grâce à moi, beaucoup de gens peuvent aller à l’école, se soigner, se nourrir, etc. Grâce à moi, certains peuvent dirent aujourd’hui que leur vie, c’est du luxe. Mais si je rentre définitivement au pays, tout cela pourrait prendre fin. C’est la raison pour laquelle beaucoup de gens restent longtemps à l’aventure.
Quels conseils pourriez-vous donner à des Burkinabè ou, de façon générale, à des Africains qui souhaitent venir aux Etats-Unis ?
Je leur dirais de faire attention: il y a de la publicité qui passe dans les médias et qui font rêver les gens. C’est de la pub pour attirer les touristes. Mais une fois sur le terrain, ils se rendront compte que la réalité est tout autre. Avant de venir aux Etats-Unis, il faut qu’ils s’assurent qu’ils sont vraiment prêts. Ils doivent savoir que c’est un risque qu’ils prennent. Et que leur aventure peut bien se passer tout comme elle peut mal se dérouler. Mieux vaut se mettre en tête qu’en venant aux Etats-Unis, ils vont souffrir: ils n’auront ni leur père, ni leur mère, ni leur frère à côté pour les aider. C’est eux-seuls et le bon Dieu! S’ils arrivent et que tout se passe bien, tant mieux ! Mais s’ils sont confrontés à des difficultés, ils seront psychologiquement déjà préparés pour faire face à la situation.
De façon concrète, comment vit un immigré aux Etats-Unis?
Ici, la vie d’un immigré est semblable à celle d’un «prisonnier». Je dis «prisonnier» parce que chaque jour, il se lève très tôt le matin, va au boulot et rentre souvent tard à la maison. Il est souvent difficile d’avoir du boulot. Mais les Burkinabè s’en sortent. Ils sont reconnus comme des hommes honnêtes, des travailleurs. Assez souvent, des gens ici nous appel pour savoir s’il y a des Burkinabè à qui ils voudraient offrir un boulot. Il est difficile pour tout Burkinabè qui arrive ici, de passer trois mois sans avoir du boulot.
Vous voulez dire que les Burkinabè de New-York sont bien organisés ?
Il y a une dizaine d’années, lorsqu’un Burkinabè arrivait aux Etats-Unis, il était obligé de loger chez un Malien ou un Guinéen. Mais au fil des années, la situation a changé. Nous sommes mieux organisés. Tout Burkinabè qui arrive aux Etats-Unis, est généralement accueilli par un autre Burkinabè, logé et bien guidé. Il s’adapte facilement à cause des autres Burkinabè.
La situation en Afrique est souvent difficile. Mais certains affirment, vous notamment, que ce continent a une grande richesse qui est le soleil. Pourquoi dîtes-vous cela ?
J’ai effectivement affirmé il ya cinq ou six ans, sur une radio FM à Ouagadougou, que le Burkina Faso a une grande richesse, le soleil. Il est regrettable que des pays sahéliens, tels que le Burkina, le Mali, le Niger, ne se concertent pas afin de faire appel à des experts solaires qui feront des études sur la manière dont ils pourront exploiter et donc tirer profit du soleil. Peut-être qu’il y a eu une étude sur la question mais je n’en ai pas personnellement connaissance. Mais dans tous les cas, la réflexion mérite d’être menée. Chaque année, combien de millions de litres de diesel la Société nationale d’électricité (SONABEL) consomme-t-elle? Posez la question au Directeur général de cette société ou aux experts; ils vous répondront certainement que la consommation est extrêmement importante. Il y a aussi une importante pollution que l’exploitation de ce produit engendre. D’autres questions qui méritent d’être posées, c’est d’où vient ce diesel ? Combien coûte l’entretien des machines ?
Même si l’on dépense vingt milliards de FCFA pour faire appel à des experts pour ce travail, on ne perd pas du tout. A moyen ou long terme, on gagnera énormément. Il nous faut faire de réels prospectives, notamment savoir ce que nous voulons que le Burkina soit dans dix, vingt ou trente ans. Il n’y a pas longtemps, l’une des machines de la SONABEL est tombée en panne et il fallait dépenser des millions et des millions de FCFA pour acquérir une autre. Cela a causé beaucoup de dommages et cela a duré plusieurs jours, voir des semaines. Pourtant, nous aurions pu éviter cette situation en prenant un certains nombre de précautions. Actuellement, nous sommes en bons termes avec le Ghana, le Togo et la Côte d’Ivoire; mais en cas de problème avec ces pays, d’où viendra le diesel ? Actuellement, les grands débats aux Etats-Unis portent sur la question de l’énergie. Il nous faut, nous aussi, réfléchir pour voir comment tirer profit de notre soleil.
Qu’avez-vous à dire aux opérateurs économiques burkinabè ?
Les opérateurs économiques ont beaucoup d’opportunités à saisir aux Etats-Unis. Tout récemment, le dollar était très faible, en tout cas, moins fort que le CFA. Je n’ai vu aucun de nos opérateurs économiques exploiter cette situation. Je leur lance donc un appel afin qu’ils ne se concentrent pas seulement sur la France mais qu’ils songent aussi à tirer profits aux Etats-Unis. Un exemple: les opérateurs économiques burkinabè ont la possibilité d’acheter des maisons ici. S’ils peuvent par exemple dépenser un million de FCFA pour acheter une maison en France, ils auraient pu le faire lorsque le cours du dollar était en très forte baisse. Ils auraient par la suite bénéficié d’importantes relations et de centaines de milliers de dollars qui leur auraient permis de développer d’autres projets. Il faut que nos opérateurs économiques réfléchissent sur la manière d’investir en dehors de l’Afrique. Investir dans les pays développés présente moins de risques, beaucoup d’assurances et d’opportunités.
Vus d’Afrique, les Maliens de la diaspora semblent bien organisés. Comment expliquez-vous une telle situation ?
Chaque Etat doit organiser ses ressortissants à l’étranger. Le Mali a ouvert des banques d’habitat aux Etats-Unis. Chaque soir, les Maliens qui travaillent ici vont verser de l’argent à la banque; ils n’accumulent pas leurs revenus à domicile. Concernant le prix des immobiliers, si au Burkina, on demande quatre ou cinq millions de FCFA, au Mali, il suffit de payer 500 000 FCFA pour avoir une villa. Les Maliens versent leur argent à la Banque d’habitat qui le transfert ensuite au Mali. Il y a quelques années, j’avais rencontré le Directeur général de la BIB qui m’avait expliqué que cette banque avait des projets pour les Burkinabè d’Italie, des Etats-Unis et d’autres pays. La BIB s’est ensuite jumelée avec la banque d’habitat du Sénégal. Les Burkinabè qui ont eu l’information exploitent effectivement cette opportunité. Avec ton passeport, tu peux ouvrir un compte bancaire, faire des virements d’argent à des coûts réduits, donner des autorisations à tes parents d’aller retirer de l’argent à la BIB. Cela est déjà important; je demande à la BIB de développer davantage d’initiatives au profit des Burkinabè vivant à l’étranger. Je demande aussi à l’Etat de voir comment mieux organiser les Burkinabè qui vivent hors du pays. Ces derniers peuvent créer des emplois dans leurs pays d’origine mais il faut qu’on leur offre un certain nombre d’opportunités. Par exemple, tout Burkinabè a le droit de demander une parcelle pour construire; nous recevons des documents à ce sujet. Mais c’est un secteur qui mérite d’être mieux organisé. Si par exemple, on réserve 200 ou 500 parcelles baptisées «Etats-Unis», le même nombre, baptisées «Italie» pour les Burkinabè d’Italie, et que l’Etat fixe une somme, 5 ou 10 millions minimum pour la construction, vous verrez que les Burkinabè de la diaspora vont se mobiliser pour ce projet. Chaque Burkinabè vivant à l’extérieur du Burkina pourra ainsi disposer d’une maison. Cela permettra en même temps de créer des emplois dans notre pays et aux Burkinabè de la diaspora d’avoir l’assurance qu’en rentrant un jour chez, ils auront une maison adéquate dans laquelle ils pourront habiter. Dans cette optique, on pourrait demander à certaines structures expérimentées dans la construction comme AZIMMO de superviser les travaux.
Que souhaitez-vous précisément que le Conseil supérieur des Burkinabè de l’étranger fasse pour améliorer la situation des Burkinabè de la diaspora ?
Le Conseil travaille malgré ses moyens limités. A mon avis, il peut mieux faire. Je souhaite qu’on recrute au sein de ce Conseil des personnes qui connaissent très bien les lois internationales. Ils peuvent par exemple être installés au sein des ambassades, des consulats et autres représentations du Burkina à l’extérieur. Si un Burkinabè a des problèmes, il pourra immédiatement les saisir afin par exemple qu’ils l’aident à trouver un avocat, à intervenir auprès de la police, etc. Même concernant la question de la construction, ils pourront être nos conseillers. Il serait intéressant aussi que ce conseil fédère les énergies des Burkinabè vivant à l’étranger en leur demandant de faire des propositions pour la bonne marche de l’organisation et en les impliquant davantage dans les différentes activités.
Jusqu’à présent, les Burkinabè de l’extérieur n’ont pas la possibilité de participer aux votes dans leur propre pays alors qu’ils sont des citoyens comme tous les autres. Quel analyse en faites-vous?
De plus en plus, dans les journaux, il y a des points de vue visant à permettre aux Burkinabè de l’extérieur de voter. J’en suis d’accord. Mais il y a des préalables à régler. Il est difficile aujourd’hui de dire combien de Burkinabè il y a aux Etats-Unis. Si vous allez au niveau de l’ambassade à Washington, on vous donnera le nombre de ceux qui ont été officiellement recensés; mais en réalité, il y en a plus. Il faut que tout Burkinabè de la diaspora se fasse enregistrer auprès des différentes représentations de notre pays. Cela permettra de savoir le nombre exact de Burkinabè vivant à l’étranger. Généralement, quand ces derniers veulent légaliser ou renouveler des papiers dont la date de validité est expirée, ils vont le faire à l’ambassade ou au consulat. Il faut qu’à ce sujet, l’Etat prenne des mesures fermes: arrêter de légaliser tant que la personne n’a pas de carte consulaire. Il faut donc profiter de ces occasions de légalisation ou de renouvellement de papiers pour inciter les Burkinabè à établir leurs cartes consulaires. Ainsi, le jour de la remise des papiers légalisés, la personne concernée pourrait en même temps retirer sa carte consulaire. Cela permettra à chaque représentation diplomatique de notre pays d’avoir une idée plus précise du nombre de Burkinabè. Il faut aussi que l’Etat sanctionne ceux qui font les passeports des Burkinabè vivant à l’étranger sans une copie de la carte consulaire légalisée. L’Etat peut par exemple prendre un décret disant qu’à partir de 2009, tout Burkinabè vivant à l’étranger devra disposer d’une carte consulaire s’il veut obtenir d’autres documents. Cela permettra, à coup sûr, de recenser les Burkinabè vivant dans chaque pays. On pourra alors commencer à parler de vote des Burkinabè de l’extérieur.
Y a-t-il autre chose qui vous tient particulièrement à cœur et que l’on n’a pas abordé?
Actuellement, le Burkina Faso est un pays incontournable sur le plan mondial. Nous remercions nos dirigeants pour le travail fourni et leur demandons de faire davantage. Plusieurs milliards de FCFA proviennent des bailleurs de fonds dans le cadre de l’aide au développement de notre pays. Mais il faut que l’opinion publique sache ce qui a été réalisé avec ces milliards. Cela ne fera nullement reculer le Burkina; ce sera plutôt une preuve de transparence. Il faut aussi que les Burkinabè cultivent la paix du cœur. Nous devons nous donner la main pour construire le pays. Il faut éviter que certains arrosent l’arbre alors que d’autres le coupent par le bas. Nous devons plutôt unir nos forces pour l’intérêt supérieur de notre cher pays.
Propos recueillis aux Etats-Unis par Hervé D’AFRICK
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire